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le communisme petit bourgeois !

9 décembre 2008, 16:42, par P’tit Nico

Ces arguments sont forts et méritent donc d’être discutés plus avant (ce n’est pas de la polémique).

D’abord, excuse-moi pour les fautes d’orthographe que j’ai « oubliées » dans mon précédent commentaire ( à Jules). Ça me fout les boules (quand je les vois !). C’est con ! J’en connais qui sont complètement pathos avec les fautes d’orthographe de grand-mère (oui, c’est facile !). Ça les rend malades. La rigidité caractérielle prend forme dans la moindre expression humaine. SEGA est plus fort que toi. Y a qu’à voir petit-nabot 1° et ses tics de psychopathe.

Deuxio, je me permets de te tutoyer sans t’avoir demandé ton avis. En effet, pour moi, le tutoiement est une distinction... positive. Mais quid de celui qui le reçoit ?

Et j’en viens donc à tes « deux » arguments. Car il y en a deux, l’un que tu déduis de l’autre (Le « cela m’a confirmé) pour en arriver à ta conclusion (le « d’où »). Certains, toujours les mêmes (passez votre chemin...), vont considérer que c’est du coupage de cheveux en quatre, mais le sujet de ton exemple montre que c’est loin d’être anodin pour ceux qui le subissent.

Ce n’est pas parce que les "ouvriers Nord Africains" (on disait ainsi en "public") tutoyaient tout le monde qu’ils ne sentaient pas le mépris dans le tutoiement qu’"on" leur réservait...

Très juste. Mais si on le précise il prend une autre dimension, me semble-t-il. Le fait qu’un manœuvre du bâtiment « bien (et forcément « bon ») français » tutoie un autre manœuvre « Nord-Africain » a-t-il la même signification que si un supérieur hiérarchique ou autre détenteur d’autorité (médicale, pour garder ton exemple) le fait en exigeant (mais cela va sans dire) d’être vouvoyé en retour ? Évidemment non ! D’ailleurs, cela peut tout à fait être le cas pour le manœuvre « français ».

Ce mécanisme d’infantilisation est une base fondamentale de la domination. Qui prend tout son relief si l’on prend la situation de l’enfant (la base). Qu’est-ce qui autorise n’importe quel(le) quidam(e) à tutoyer systématiquement un enfant en se « laissant » vouvoyer « naturellement » ? Tu parais ridicule si dans une situation banale tu fais cet « effort ». L’enfant lui-même ne comprend pas. Tu sembles lui refuser son statut « confortable » d’enfant « non responsable » dans lequel le dressage familial le conforte (dans la douceur dans le meilleur des cas).

Donc, deuxième argument : ce n’est pas parce que t’es enfant, ou immigré ou prolo que t’es idiot :

ce n’est pas parce qu’on s’exprime plus ou moins bien qu’on ne comprend pas le langage correct...

, et... où se situe son intérêt (ou que l’on croit tel) immédiat. Le dominé, lorsqu’il croit qu’il n’a pas d’autre alternative, peut trouver intérêt à accepter d’être traité comme une carpette. Hasard du calendrier, c’était le sujet de la discussion de Frédéric Taddeï (Ce soir (ou jamais !) sur France 3, que les ouvriers ou employés ne peuvent évidemment pas regarder, vu l’heure...) avec Francis Weber qui l’a illustré dans ses films, et en a très bien parlé, je trouve, bien que la plupart du temps, dans la vraie vie, le « con » ne s’en tire pas aussi bien que dans ses films.

Est-ce que cela nous permet de passer à la conclusion :

D’où l’IMPORTANCE des Maternelles pour acquérir le vocabulaire nécessaire...

 ?

Si l’objectif est : « Il n’est (n’était ?) qu’à voir la foule populaire Grecque aux spectacles "classiques" à Nauplie ! Ce n’est pas parce qu’on ne domine pas le " beau" langage qu’on ne l’apprécie pas . . et c’est "en forgeant qu’on devient forgeron" ! », oui, peut-être. Même si j’ai de gros doutes sur la pertinence de la référence grecque dans la mesure où il y avait une dimension politique qui justifiait l’intérêt du « peuple », chose qu’il nous est difficile d’apprécier aujourd’hui vu la misère... politique ! Mais je ne m’y connais pas assez pour en débattre.

Qu’il y ait une nécessaire transmission, donc apprentissage (et celui du forgeron renvoie à l’intelligence rationnelle-pratique), du langage et de ses formes données à une époque donnée, dans toute société humaine, c’est évident.

Que dans une société de classes, il faille s’interroger sur l’utilisation faite (le rôle) du langage pour renforcer la distinction entre dominants et dominés, et notamment pour faire accepter son sort au dominé incapable d’accéder au « beau » langage, au langage « correct » comme tu dis, donc incapable tout court, encore évident.

De là à faire du « beau langage » un « en-soi » intemporel et absolu, critère d’un aboutissement de l’Humanité, c’est y aller fort. Idem pour la Connaissance « en-soi », le Savoir « en-soi », la Santé « en-soi », ... (la connerie « en-soi », ça, c’est pour Le Reboursier), etc.

Pour ne pas faire de cette réponse un nouveau texte, je renvoie à Chomdu où j’ai développé ce thème.
J’en reprends juste une citation qui montre, je crois, que ce n’est pas qu’une « polémique entre "nous" () pas toujours stérile, MAIS n’est peut-être pas l’essentiel en ce moment ? » :

« C’est pour ça qu’ça pose un problème au pauvre comm’ y dit l’p’tit gars Majid Cherfi de Zebda d’avant, quand y l’a parlé à la radio de not’ président, avec sa chanson : « J’étais de ceux qui soignaient la syntaxe, pour unir les plus couns comme les plus furax (...). Je voulais porter le poids de la misère, en respectant les règles de grand mère (...). Qui donc a raison entre le flingue et la conjugaison ? ».
« J’ai pu, comme ça, faire un bout de cursus scolaire » qu’y dit.
« Et donc, je commençais à apprendre quelques mots châtiés de la langue française et chaque fois que j’en sortais un comme ça dans la cité, on m’disait "pédé". Chaque fois qu’un mot érudit comme ça sortait de ma bouche, c’était : "pédé" ! Comme si posséder le langage, c’était... Alors c’était pas la connotation sexuelle, c’était plus "gros con", en fait "traître". - Y z’auraient pu vous traiter d’auditeurs de France Culture, ça veut dire ça [y réagit l’pédé animateur de l’émission tout frétillant] – Oui, oui, tout à fait. Et donc, moi, j’ai fini par apprendre un maximum de langage, et quand j’ai accumulé une connaissance importante, j’ai basculé dans une société de langage, des "militants", des "intellos" en tout genre, des gens qui critiquent la société, des gens qui lisent, des gens qui écrivent, etc. Et on se rend compte que ces gens-là, que, une fois qu’on a accès au langage, vous disparaissez parce que ce qui nous intéresse c’est là où il y a le problème. Donc, je serais resté un exclu du quartier, je restais un centre d’intérêt parce qu’on pouvait me regarder comme un animal dans le zoo. À partir du moment où vous accédez au langage : bon, maintenant tu es de notre camp, dégage ! Donc, à partir de là, faut s’occuper des autres, faut aider les autres, chacun cherche son beurre. Et moi, j’avais pas envie d’aller chercher mon beurre, j’avais envie de me chercher moi. Et donc, c’était une forme d’exclusion dans la conjugaison, et une forme d’exclusion dans le flingue, puisque les deux sont une impasse ».

Dans le Plan B de ce mois, dans un article sur la « couleur de la domination, mirages de la diversité », P. 16, est cité un rapport « Sur la représentation de la diversité dans les programmes de télévision » dans lequel il est écrit : « Les ouvriers ne représentent que 2% de la population du corpus étudié alors que leur part dans la population française s’établit à 23%. [...] En revanche, les cadres (dont les professions du spectacle et de l’audiovisuel) sont surreprésentés, avec 61% des individus du corpus, contre 15% en France. »

Si les ouvriers étaient mieux représentés, est-ce que ça changerait beaucoup les choses ?

Salutations,

P’tit Nico