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AER (allocation équivalent retraite) Le parcours du combattant d’un chômeur "âgé"

Publie le lundi 26 juillet 2004 par Open-Publishing

W. a travaillé dès son quatorzième anniversaire.
Comme man¦uvre de fonderie, puis comme man¦uvre du BTP, comme maçon, comme
carreleur.

Depuis janvier 2004, plus d’embauche.

A 57 ans, il est "trop vieux" même pour les boîtes d’intérim qui lui
trouvaient encore quelques rares missions l’an dernier.
Et de fait, le travail a épuisé W.

Depuis fin janvier 2004, il n’a plus d’allocations chômage.
Son épouse est une licenciée de Moulinex en indemnisation "Amiante"
(inférieure au SMIC).

En mai 2004, W. reçoit sa reconstitution de carrière définitive de la CRAM :
il comptabilise 163 trimestres depuis décembre 2003.
L’attestation jointe lui ouvre les droits à l’AER depuis le 1er avril 2003.

Il dépose le dossier à l’Assédic.
Qui lui répond qu’il n’y a pas droit.

Motif : pas de motif.

Au téléphone, l’Assédic lui répond qu’il n’y a pas droit parce qu’il ne
perçoit aucune allocation, ni ARE, ni ASS, ni RMI !!!.

Même réponse orale de la Direction départementale du Travail (DDTEFP).

Des militant-e-s d’AC ! l’accompagnent à l’Assédic (sise à 28 km, W. n’a pas
de permis de conduire).

Le jeune agent Assédic nous ressort la même antienne.
 "Vous nous racontez des bobards, rétorque-t-on, mais qu’à cela ne tienne,
on veut la rétroactivité à partir du 1er avril 2003, et à cette date, il
était indemnisé".
 "La rétroactivité est interdite, répond le jeune type. L’AER débute à la
date de la demande. Or, à la date de la demande, il n’est pas indemnisé et
n’a donc droit à rien."

On lui lit le code du Travail.

Il invoque les consignes de la DDTEFP à qui il transmettra le dossier.

Un mois plus tard, une lettre confirme à W. qu’il n’a pas droit à l’AER car
il ne perçoit aucune allocation.

Pour toute information complémentaire, est-il indiqué, il faut s’adresser à
la DDTEFP.

On y fonce.

La chargée de ces questions (c’est une contrôleuse du SCRE, la police des
chômeurs) nous affirme que les personnes non indemnisées n’ont droit à rien.
On lui agite sous le nez de Code du Travail, les circulaires du ministère du
Travail et de l’Unédic qui précisent exactement le contraire.

Elle n’en démord pas.

Elle respecte les règles, dit-elle.
 "Mais quelles règles" ? lui demande-t-on.
 "Des circulaires internes" répond-elle.

On exige : - "On veut les voir".

Elle refuse : - "Ce sont des documents confidentiels".

Pareil pour la rétroactivité.

Il n’est indiqué nulle part dans le Code du Travail que la date à prendre en
considération est celle du dépôt de la demande ni que la rétroactivité est
impossible.

La seule mention de date, on la trouve Article R351-17
" Le délai dans lequel doit être présentée la demande de paiement des
allocations (Š) est fixé à deux ans à compter du jour où les personnes
intéressées remplissent l’ensemble des conditions exigées pour pouvoir
prétendre au bénéfice desdites allocations."

Pour nous, cela veut dire que la rétroactivité est possible jusqu’à deux
ans.

Sinon, qu’est-ce que cela signifierait ?

Qu’une personne de 57 ans apprenant qu’elle a droit à l’AER depuis l’âge de
55 ans ne pourrait plus l’obtenir et devrait attendre sans indemnité l’âge
légal de la retraite ?

Absurde.

Notre contrôleuse sociale répond qu’elle a reçu une lettre de Sarkozy
statuant sur un autre cas et Sarkozy dit que la rétroactivité ne peut être
admise.

On veut voir les textes qu’elle invoque. Elle refuse. On occupe son bureau.
On obtient un rendez-vous avec le directeur adjoint pour avoir communication
des textes secrets.

La veille du rendez-vous, W. reçoit un courrier : le rendez-vous s’est
transformé en commission de recours.

En catastrophe on constitue le dossier de recours.

Tout le monde veut accompagner W.

On décide de ne prendre qu’une voiture (la DDTEFP est à 63km).

On se pointe à cinq à la commission.

Le directeur départemental (DD) abandonne le motif officiel (et
indéfendable) de non-indemnisation.

Par surprise, il en invoque un autre : W. est dispensé de recherche
d’emploi, dit-il, or il faut rechercher un emploi pour avoir droit à l’AER
 !!!!

Il se trouve que W. n’a pas cessé de rechercher un emploi. Et pour cause, il
n’est plus indemnisé depuis 6 mois !

Il se trouve aussi que le Code du Travail ne dispense pas les chômeurs de la
recherche d’emploi mais du contrôle de la recherche d’emploi. Il les
dispense du harcèlement et des menaces de radiation.

Il se trouve enfin qu’une circulaire DGEFP 2002-38 (merci à AC ! Besançon et
à Gaby de nous l’avoir indiquée) précise que les chômeurs dispensés de
contrôle ont quand même droit à l’AER.

Reste la question de la rétroactivité.

W. a commencé à interroger la CRAM en 2001.

Après des péripéties qui mériteraient à elles seules un long récit, W. n’a
obtenu son attestation AER que 3 ans plus tard, avec effet rétroactif sur 14
mois.

Nous remettons au DD les preuves de la reconstitution de carrière épique de
W.

La DDTEFP veut-elle pénaliser W. des dysfonctionnements d’une autre
administration ?

W. vient de recevoir la réponse.

La commission de recours nous a entendu et W. percevra son AER comme il
était prévu dans la lettre et dans l’esprit de la loi.

Moralité

Sauf le Happy End, tout est amoral dans cette histoire.

L’AER a été créée en 2002 et tout se passe comme si l’Administration
essayait d’en priver celles et ceux qui peuvent y prétendre.

Le gouvernement a délégué la gestion de l’AER aux Assédic (associations de
droit privé assujetties au patronat).

L’Assédic a un devoir d’information.

L’Unédic a d’ailleurs fait imprimer une notice d’information très complète
sur l’AER.

Sur cette notice, il est indiqué, entre autres, que les personnes qui ne
perçoivent aucun revenu de remplacement ont droit à l’AER si les autres
conditions sont remplies.

C’était le cas de W.

Or, ces notices sont introuvables dans les Assédic et les ANPE de la région.

Celle que nous nous sommes procurée provient d’AC ! Nantes (merci Yvette !)
qui est allé la dénicher derrière le guichet de l’Assédic.

L’Assédic fait de la désinformation.

L’Assédic, qui connaît la longue et pénible carrière professionnelle de W.
ne l’a jamais informé de ses droits, elle ne lui a jamais proposé le
formulaire AER.

Elle ne lui a proposé qu’un formulaire ASS alors qu’elle savait qu’il n’y
avait pas droit.

L’AER concerne des personnes qui ont été jetées très jeunes sur le marché du
travail.

Ce sont les personnes les moins aptes à se défendre.

Si elle n’ont pas une culture syndicale ou associative, elles ignorent
qu’elles ont des droits.

Si elles les connaissent et si elles ne sont pas soutenues efficacement, les
rebuffades de l’Assédic ("Vous n’y avez pas droit !"), rebuffades confirmées
par la DDTEFP, organisme d’Etat chargé du contrôle de la légalité ("Vous n’y
avez vraiment pas droit !") les dissuadent de les faire valoir.

W. a obtenu gain de cause grâce à son opiniâtreté, grâce à l’amical autant
qu’efficace soutien d’AC ! Alençon & Perche, grâce au réseau d’AC ! qui a
permis un échange rapide d’informations.

Mais nous sommes prévenu-e-s : il faudra se battre pour la reconnaissance de
chaque droit.
Malheur aux personnes isolées !

Pour AC !
Monique Titaux
Monique.ac61@free.fr