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« Ce soir, je vais vous parler de la Conchtituchion... »
Publie le lundi 23 mai 2005 par Open-Publishing2 commentaires

"Professoral et pédagogue, Valéry Giscard d’Estaing distille avis et souvenirs, sans s’abaisser au pugilat politique."
de Renaud DELY, Joinville-le-Pont
L’oeil se plisse, un sourire se dessine à la commissure des lèvres, Valéry Giscard d’Estaing prend l’air espiègle. Le grand amphi de Sciences-po, archicomble, commence à s’assoupir. Pour le sortir de sa torpeur, VGE dégaine une « petite anecdote » : « Lors de la conclusion de nos travaux sur la Constitution, nous nous sommes retrouvés à Rome avec les chefs d’Etat et de gouvernement, dans le bureau de Silvio Berlusconi. C’était en juillet. Pour l’occasion, nous avions fait relier un bel exemplaire du traité en cuir bleu. » Pause. L’auditoire est intrigué. VGE se remet à chuinter : « Il faisait une chaleur épouvantable et, dans la pièce, il y avait une mouche qui volait. » Silence. Giscard imite le bruit de l’insecte : « Bzzzzz... bzzzzz... » Tout le monde retient son souffle. « Et paf ! Berlusconi s’est emparé du volume du traité, en cuir bleu, a écrasé la mouche d’un coup sec (VGE le mime en tapant sur la table) et s’est tourné vers nous, triomphant : "Je l’ai eue !" » Eclat de rire général. Voilà bien la preuve, selon l’ancien président de la République, que « sa » Constitution « sert à quelque chose ».
Grand oeuvre. Ainsi va la drôle de campagne en solitaire de « l’Ex », 79 ans à l’automne, qui dispense à travers la France des cours de droit assénés d’un ton professoral et quelques sketches dignes du café-théâtre à l’ancienne. En trois mois, l’artiste aura fait vingt-quatre représentations, parcourant grandes écoles, assemblées de notables de province et salles municipales pour y défendre le grand oeuvre dont il a eu la charge à la tête de la convention. Une tournée qui se joue à guichets fermés, la plupart du temps sur invitations, et s’achèvera la semaine prochaine dans le berceau auvergnat de la dynastie Giscard, la mairie de Chamalières, dont le fiston Olivier vient d’hériter.
Une campagne ? Quelle campagne ? VGE prend un air lointain et détaché pour assurer qu’il ne fait là qu’animer des « réunions d’explication ». Pas question de se vautrer dans le pugilat politicien en participant à « des débats contradictoires ». Ni l’objet (l’Europe) ni le sujet (Giscard) ne sauraient s’y abaisser. Il prétend donc ne pas vouloir « convaincre » les tenants du non, mais simplement les éclairer. Au-dessus de la mêlée, il est la lumière, l’oracle, le « sage » qu’on vient consulter. Ou plutôt il était, puisque, membre de droit du Conseil constitutionnel en tant qu’ex-président de la République, il n’a pas même cru bon solliciter de Pierre Mazeaud une contestable « mise en congé », comme l’a fait sa collègue Simone Veil. Et lorsqu’il a entamé son tour de prêche, rares sont ceux qui ont osé lui reprocher de bafouer le devoir de réserve auquel son statut est censé l’astreindre.
L’intéressé juge la question incongrue. Car l’Europe a besoin de Giscard. Pour le démontrer, il ne peut s’empêcher de verser, comme toujours, dans l’antichiraquisme : « Depuis le début, mon analyse du scrutin a reposé sur deux convictions, confie-t-il à Libération ; s’il s’agit d’un référendum, il peut être gagné, s’il s’agit d’un plébiscite, il sera perdu. » En clair, c’est parce que Jacques Chirac s’apprêtait, comme toujours, à tout gâcher que Giscard a éprouvé l’irrépressible besoin d’entrer en scène. « Je me suis efforcé d’agir pour ramener le débat en direction du référendum, en le concentrant sur l’explication de la Constitution. En revanche, j’ai refusé de participer à tout débat dont la tension risquait de l’entraîner automatiquement vers un climat de plébiscite. » Bref, à lui d’assumer cette pédagogie que ni son successeur à l’Elysée ni son disciple de Matignon, Jean-Pierre Raffarin, ne sont capables de conduire. Quitte à faire dans la méthode Coué pour ressasser que le oui finira par l’emporter.
A chaque sortie, le show est immuable : seul en scène, il synthétise les 448 articles en un rien de temps. Se prend pour George Washington à la convention de Philadelphie en citant sans cesse la Constitution des Etats-Unis. Insiste en faisant de la Charte des droits fondamentaux le pendant du Bill of Rights qui complétait l’oeuvre des Pères fondateurs. Et lorsque la matière prend un tour juridique plus aride, il prend soin d’y glisser un soupçon de métaphores localistes : la vie de l’UE à 25 comparée au fonctionnement des « classes des écoles de Sucy-en-Brie », la perspective d’une « révolution à Joinville-le-Pont » en cas d’« abolition de l’économie de marché », etc.
Ballon. Et quelques pépites burlesques avec des gadgets dignes de ceux qu’il déployait au temps de sa splendeur. Ainsi jeudi soir, dans la salle de la mairie de Joinville-le-Pont (Val-de-Marne), 500 têtes grisonnantes, un peu éteintes, le dévorent des yeux. « Aurait-on pu négocier un meilleur traité ? demande Giscard. C’est l’histoire du fameux plan B... » Il se tourne vers un côté de l’estrade. Un accessoiriste lui amène un grand sac en plastique. « Le plan B, je vous l’ai amené, le voilà », reprend-il au pupitre en sortant du sac un gros ballon rose sur lequel figure en bleu la mention : « Plan B ». VGE sort une aiguille et le crève : « Et pfffou... il n’y en a plus ! Cette histoire de plan B, c’est une blague à ranger au magasin de farces et attrapes, il n’existe pas. » La salle se gondole. Et le prestidigitateur se rassoit entre les plantes vertes et le drapeau européen pour répondre aux questions polies de ses vieux fans ébahis. Car on ne bouscule pas Giscard. D’abord on l’invite pour l’exposer au public, telle Marie-Anne Montchamp, secrétaire d’Etat aux Handicapés, qui minaude à ses côtés, si fière d’exhiber le monument aux yeux des « Joinvillais et des Joinvillaises ». Puis, on l’observe, on rit un peu sous cape de ses manières surannées, mais on engloutit un exposé limpide au fil duquel il fait de la Constitution « un modèle novateur et créatif », protecteur contre « l’ultralibéralisme thatchérien », et dont « d’autres régions, par exemple l’Amérique latine, s’inspireront un jour ».
Enfin, le one-man show achevé, on l’époussette et on le visite, tel un vieux souvenir. On ressort ses photos des années 70 : « Regardez, monsieur le Président, c’est moi, là, au fond, derrière vous... » On sollicite un autographe. Giscard, lui, s’autorise une conclusion un peu plus émotive : « Aujourd’hui, 19 mai, c’est le 31e anniversaire de mon élection à la présidence de la République » La salle, comblée : « Ahhhh... » « Trente et un ans, c’est un bel âge et je suis heureux de passer cet anniversaire avec vous ». Il descend de la tribune. Une Joinvillaise de renom se précipite pour être photographiée à ses côtés : Yvette Horner. Et si Valéry ressortait son accordéon ?
Messages
1. > « Ce soir, je vais vous parler de la Conchtituchion... », 23 mai 2005, 23:44
Ce vieux c... ne reconnaîtra jamais une seule de ses erreurs.
Comme Yo-Yo et tant d’autres.
Nous sommes vraiment dirigés à tous les niveaux par de pauvres types : la révolution, c’est le seul moyen de s’en débarrasser !
1. > « Ce soir, je vais vous parler de la Conchtituchion... », 24 mai 2005, 09:51
Je suis belge, et son compère DEHAENE avec lequel il a commis ce torchon appellé Constitution, ne vaut pas mieux.
Il est bourgmestre (maire) de Vilvoorde et n’a de cesse de monter les flamands contre les francophones et wallons. Pour un pro-européen, c’est pas joli joli.
A propos, aller sur le site d’Etienne Chouard et cliquez sur le lien il y a le texte de la constitution Venezuelienne.
Voilà un peuple qui se lève.
Chapeau, Chavez !