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"Don Cesare est coupable"

Publie le mercredi 27 juillet 2005 par Open-Publishing

Lodeserto a été condamné à un an et quatre mois pour violence privée et lésions aggravées sur 17 immigrés qui, en novembre 2002, avaient tenté de s’enfuir du Centre de rétention de San Foca, à Lecce. Avec lui, ont aussi été condamnés sept carabiniers, deux médecins et six opérateurs du centre.

de ANTONIO MASSARI traduit de l’italien par karl&rosa

Violence privée et lésions aggravées : don Cesare Lodeserto est déjà parti quand la juge Annalisa de Benedictis lit le dispositif et, en prononçant un liste interminable de normes, le condamne à un an et quatre mois de réclusion et le cantonne dans un isolement politique définitif. Le "prêtre de l’accueil" (comme l’a qualifié la défense jusqu’à la fin) est ailleurs, mais derrière la barrière du tribunal il y a ses victimes : deux des 17 immigrés qui l’ont dénoncé lui, son neveu Giuseppe avec sa compagne Natalia, quatre opérateurs et dix carabiniers.

"L’essentiel est qu’on l’ait condamné", dit une des victimes. "Je suis heureux parce qu’on a fait justice", dit l’autre, "même si ce n’est pas complètement : un an et quatre mois sont trop peu par rapport au mal qu’il nous a fait". C’est la nuit du 22 novembre 2002 quand une trentaine d’immigrés tentent de fuir le Centre de rétention Regina Pacis de San Foca, province de Lecce, géré à l’époque par don Cesare : ce fut une nuit de violence et d’humiliations. L’un d’eux, Montasser Souiden, à force de coups perdit connaissance. Ils furent quatre, le matin suivant, à être contraints à manger de la viande de porc servie sur une matraque, comme l’ont témoigné Jaku Daniel, le cuisinier du centre, et Moustafa Taha, le chauffeur.

Pas seulement des coups, mais des phrases injurieuses aussi : "Où est-il votre Dieu maintenant ? ", demandaient les opérateurs, selon les témoignages des victimes, tandis que certains carabiniers participaient activement et que d’autres, tout au moins, n’empêchaient pas les violences. Ainsi, par cette sentence historique, nous trouvons condamné un peloton tout entier (seize personnes) de personnes en soutane, en blouse et en uniforme : un an et quatre mois pour les carabiniers Vito Ottomano et Francesco D’Ambrosio, inculpés pour avoir contraint les immigrés à manger du cochon, tandis que pour cinq autres la peine est d’un an de réclusion.

Acquittés les trois autres carabiniers qui étaient présents dans le centre cette nuit-là. Un an et deux mois pour le neveu de don Cesare, Giuseppe, et sa compagne Natalia Vieru. Neuf mois, enfin, pour quatre opérateurs et pour les médecins Anna Catia Cazzato et Giovanni Roberti, coupables d’avoir falsifié les dossiers médicaux concernant les violences. C’est le seul crime, ce dernier, pour lequel don Cesare est acquitté. Pour tout le monde, au contraire, l’aggravante d’avoir agi avec cruauté.

"Une sentence historique", confirme Marcello Petrelli, le défenseur des immigrés, "caractérisée par une énorme épaisseur juridique : l’acquittement de certains et la condamnation de certains autres confirme l’équilibre et l’épaisseur de ce jugement. Nous avons eu une condamnation pour violence privée et lésions aggravées, tandis que le chef d’inculpation originaire était celui d’abus de moyens de correction : le juge a évalué le contenu des déclarations des immigrés et les a estimées fondées".

Cela a été un procès basé sur les mots, plus que sur les documents, qui pour la plupart n’ont (évidemment) pas été considérés comme exhaustifs. Ceux de la défense, particulièrement, qui a présenté des roulements, des ordres et des mémoires de service totalement incongrus entre eux, dont certains montraient des signes évidents de manipulation. "Redonnez-nous don Cesare", avait commencé dans sa dernière plaidoirie de défenseur du prêtre, maître Pasquale Corleto, en annonçant que sa condamnation, surtout celle concernant l’obligation de manger de la viande de porc, aurait représenté "un guet-apens tendu aux Pouilles, à la Curie, à l’Etat : parce que s’il est vrai qu’il ne s’agit pas d’un procès politique", a-t-il spécifié en regardant dans les yeux le procureur Carolina Elia, "il est vrai aussi que ce procès à une grande importance politique et sociale". Et en effet, quelques minutes après la sentence, il confirme : "J’imagine que maintenant le législateur devra procéder à la fermeture de ces centres, je ne sais pas par quelles initiatives législatives, mais il devra prendre acte de cette sentence".

Pour le reste, il s’agit "du premier chapitre d’un long roman : il est clair que l’accusation est posée d’une façon erronée, parce que les plaintes déposées par les immigrés ont été ensuite retirées, mais le juge a fait évidemment une courageuse opération de sauvetage. Cette situation trouvera un débouché en Cassation, où ce nœud, à 80%, sera définitivement délié".

Sur don Cesare, condamné il y a trois mois à huit autres mois pour simulation de crime (il s’était envoyé un sms de menaces pour obtenir une escorte), planent encore deux procès. Dans le premier, encore dans la phase d’enquête, il est accusé de rapt de personne, d’aide à l’immigration clandestine, de lésions et abus de moyens de correction sur des filles dont l’Etat lui avait confié la garde, sur la base de l’article 18 du texte unique sur l’immigration, qui prévoit la protection sociale pour les femmes victimes de la traite. Dans le deuxième, au contraire, il doit comparaître en justice, avec l’accusation de concussion, pour avoir soustrait de l’argent des caisses du Regina Pacis, qui était subventionné par l’Etat.

"Nous attendons l’issue de ces deux autre procès", c’est le commentaire du procureur Vincenzo Vignola "pour tirer les conclusions, au moins dans cette première phase du jugement : on n’est jamais satisfait de la condamnation de quelqu’un, mais je suis content que nous soyons arrivés au terminus de cette histoire judiciaire : cela veut dire que la magistrature, malgré les polémiques actuelles et les accusations de partialité, fonctionne encore. Je sais que cela n’a pas été simple, pour le procureur Carolina Elia, catholique convaincue, de soutenir l’accusation contre un prêtre. Mais on doit lui reconnaître, en plus de la difficulté de son travail, la sérénité et le professionnalisme avec lesquels elle l’a accompli.

Et l’accusation contre le prêtre, transformée en condamnation depuis hier, pèse maintenant sur la Curie de Lecce toute entière et sur les pouvoirs forts, du centre droit et du centre gauche, qui l’ont soutenue jusqu’ici. Pour cela aussi, nous pouvons compter parmi les sentences historiques celle d’hier, commencée en novembre 2002 avec les dénonciations du mouvement des Pouilles, dont les membres entrèrent visiter le Centre de rétention. Cette histoire a progressé en dépit de tout. En dépit du scénario qui était en train de se profiler dés ce jour-là : pas seulement la condamnation d’un prêtre puissant et ami des puissants, mais aussi la privation de légitimité d’une partie du Corps des Carabiniers et de la Curie de Lecce avec, à sa tête, l’archevêque Cosmo Francesco Ruppi.

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