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Dormez-brave gens ! « La meilleure forteresse des tyrans est l’inertie des peuples »
Publie le jeudi 21 octobre 2010 par Open-Publishing1 commentaire
Pour Warren Buffett, le géant de la finance, « Tout va très bien pour les riches dans ce pays, nous n’avons jamais été aussi prospères. C’est une guerre de classes, et c’est ma classe qui est en train de gagner »
A la tête de 52 milliards de dollars, Warren Buffet possède la deuxième fortune du monde après Bill Gates, selon le magazine américain Forbes. Dans le même temps, il se déclare favorable à une meilleure redistribution des richesses. C’est peut-être pourquoi il dit aussi : « Une personne très riche doit laisser suffisamment à ses enfants pour qu’ils fassent ce qu’ils veulent mais pas assez pour qu’ils ne fassent rien. »
Il y a encore un réel chemin à parcourir pour que les fils de milliardaires puissent faire la distinction entre les besoins absolus et les besoins relatifs dont John Maynard Keynes démontrait les conséquences. Les besoins de cette seconde catégorie, disait-il, leur désir de supériorité, sont peut-être tout à fait insatiables. Le monde du travail qui subit la dégradation de son pouvoir d’achat, victime d’un taux de chômage élevé, n’a pas le loisir de faire ce qu’il veut. Il ne peut choisir son modèle de Ferrari mais se plante devant le rayon du magasin discount entre le steak et les pates.
En vingt ans, la part des salaires dans le produit intérieur brut français a baissé de 9,3 %, en partie transférés vers le capital. Cette affirmation vient d’un article de la Banque des règlements internationaux (BRI), une institution qui réunit chaque mois, à Bâle (Suisse), les banquiers centraux afin de « coordonner les politiques monétaires » et d’« édicter des règles prudentielles ». Ce n’est pas vraiment un repaire de marxistes ; leur exposé, sur cette « marge de profit d’une importance sans précédent », se poursuit sur vingt-trois pages[1]. -
« Donc, il y a en gros 120 à 170 milliards d’euros qui ont ripé du travail vers le capital », calcule Jacky Fayolle, ancien directeur de l’Institut de recherches économiques et sociales (IRES).
M. Alan Greenspan, ancien directeur de la Réserve fédérale américaine (la Fed), qui livre ses inquiétudes au Financial Times[2]. Il estime que la part des salaires est historiquement basse alors que les gains de productivité ne cessent de progresser. Il redoute que des gens se soulèvent contre le capitalisme et le marché dont les profits deviennent indécents. Dans un discours prononcé devant le Démocratic Leadership Council le 22 novembre 1994, il avait déjà alerté l’opinion en déclarant que « l’inégalité des revenus risquait de se transformer en une menace majeure pour notre société ».
Même Patrick Artus[3], dont on ne peut dire qu’il est un extrémiste de gauche, appelle les Etats « d’accroître de manière autoritaire les salaires de 20 % dans tous les pays de la zone euro et de donner à la BCE la consigne de ne pas réagir à l’inflation mais de déprécier l’euro de 20 %. »[4]
Selon un commentaire de l’Insee[5], « après avoir sensiblement augmenté à la suite des accords de Grenelle en 1968 et des chocs pétroliers de la décennie 70, la part des revenus du travail a reculé au cours des années 80. Elle a retrouvé, depuis le début des années 90, un niveau proche de celui du début de la décennie 60 »
Pour donner un ordre d’idée à ces chiffres qui dépassent notre quotidien, 150 milliards, c’est en France l’équivalent de 6 millions d’emplois par an, payés au SMIC, charges comprises. C’est la fin des déficits publics. C’est le retour à l’excédent des comptes sociaux. C’est le maintien d’une retraite décente. C’est une société plus équilibrée où les très riches seront toujours très riches et pourront continuer de l’être sans générer la précarité, le chômage et la misère, germes de toutes les violences.
La féodalité des seigneurs chassée par la révolution pour libérer le capitalisme, réapparaît aujourd’hui. Le seigneur du passé est aujourd’hui « actionnaire ». Il va reproduire pour ses descendants, ce que les seigneurs ont réalisé pour les leurs. Pour eux, le travail des salariés n’est que le bénéfice qu’ils peuvent en tirer ; Ils ont raison ; L’humain est une vraie ressource, il y a même des directeurs pour cela !
Le fait qu’un gouvernement, que le Président de la République, se soient mis au service de cette cause ne peut que nous éloigner de cette République confisquée. La liberté est contenue dans les barreaux du libre échange. L’égalité est piétinée. La fraternité ne vaut que pour le téléthon médiatisé. La République est en danger.
Le chômage, la réduction des salaires et le mal être au travail sont les maux qui doivent unir les travailleurs pour leur redonner la conscience de classe, au moins au même niveau que celle de monsieur Warren Buffet.
Pour les autres : Dormez-brave gens ! « La meilleure forteresse des tyrans est l’inertie des peuples » écrivait Machiavel.
[1] Luci Ellis et Kathryn Smith, « The global upward trend in the profit share », Banque des règlements internationaux, Working Papers, n° 231, Bâle, juillet 2007.
[2] Financial Times, Londres, 17 septembre 2007. Lire aussi La Tribune du même jour.
[3] Patrick Artus est professeur à l’École Polytechnique, professeur associé à l’Université Paris I Panthéon-Sorbonne, membre du Conseil d’analyse économique, du Cercle des économistes[1] et membre de la Commission économique de la Nation. Il est ancien administrateur de l’INSEE. Patrick Artus est un des spécialistes français en Économie internationale et en Politique monétaire.
[4] Flash économie Natixis- 1er juillet 2010 – N° 342
[5] Economie et statistique n°323-1999
Messages
1. Dormez-brave gens ! « La meilleure forteresse des tyrans est l’inertie des peuples », 21 octobre 2010, 19:33
Et La Boétie faisait le même constat. C’était il y a quelques 5 siècles...