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Hiroshima : LA BOMBE

Publie le dimanche 28 août 2005 par Open-Publishing
5 commentaires

de Charly

Ce mois d’août a marqué le soixantième anniversaire du bombardement d’Hiroshima. Le monde a commémoré l’événement de manière contradictoire et parfois équivoque.

France Culture a consacré une série d’émissions à des exposés sur les péripéties qui ont finalement abouti à la construction puis à l’utilisation de la bombe atomique. A cette occasion, les invités de France Culture n’ont pas craint de comparer le génocide des juifs par les nazis au crime de la bombe sur Hiroshima. Lorsque l’on connaît la sensibilité de la communauté juive à tout ce qui touche à la Shoah, lorsque l’on considère ses réactions indignées à la suite de l’allusion pontificale selon laquelle l’avortement serait semblable au génocide, on notera avec intérêt l’absence de riposte juive quant aux assertions de France Culture ce qui laisse présumer que, en effet, pour cette communauté, le bombardement d’Hiroshima constituerait un crime très similaire au génocide de la dernière guerre et que, par delà leur propre émotion, les juifs rejoindraient sur ce point un sentiment général. L’humanité devrait donc s’interroger sur ses responsabilités quant à l’hécatombe atomique, accepter de partager l’indignité du crime et aussi en supporter le fardeau.

Mais, c’est précisément à l’occasion de cet anniversaire que les Etats-Unis ont dépoussiéré et rénové le bombardier B-29 Enola Gay et qu’ils l’ont proposé à l’admiration des foules dans un musée. On mesure la différence de sensibilité qui, pour certains, sépare la perception de l’événement selon que l’on se trouve sur l’un ou l’autre bord de l’Atlantique.

Qu’en est-il des faits tels qu’ils nous sont connus aujourd’hui ?

Dominé par la caste des militaires sous l’autorité du dieu vivant l’empereur Hirohito, le Japon avait entrepris dès 1930 une expansion militaire en envahissant la Mandchourie d’abord puis la Chine. On se doit de rappeler que sa marche victorieuse fut ensanglantée d’atrocités innombrables dont le souvenir s’est trop vite estompé. Le Japon ambitionnait des conquêtes bien plus étendues malgré l’opposition internationale et en particulier celle des Etats-Unis qui voyaient d’un œil soucieux se rétrécir leur zone d’influence dans le Pacifique, l’Asie centrale et du sud-est.

L’attaque de Pearl Harbor avait pour but de limiter les prétentions américaines dans cette partie du monde et d’assurer au Japon une prééminence peut-être provisoire mais en tout cas incontestable. Cette domination nippone devait être confirmée six mois plus tard par l’invasion des îles Midway où les Etats-Unis, en position précaire, n’avaient que de vieux bateaux à opposer à l’armada japonaise forte de cent quatre-vingt-cinq navires et de quatre grands porte-avions modernes. On sait que, si les Américains perdirent le Yorktown dans la bataille, ils envoyèrent les quatre porte-avions japonais par le fond ainsi que leurs centaines d’avions. La partie était déjà jouée et il ne restait plus aux Etats-Unis qu’à dérouler le rouleau compresseur de leur industrie et de leur technique pour anéantir tout le potentiel militaire nippon, pour se retrouver aux portes du Japon et en mesure de l’envahir.

Mais, dans leurs sauts d’île en île pour atteindre le Japon, les Américains avaient rencontré une résistance acharnée non seulement des militaires mais aussi des civils qui, souvent réduits à une défense désespérée, choisissaient la mort en combattant à la reddition non sans infliger par leur sacrifice des pertes importantes à leurs adversaires.

Indigné par les nombreux actes odieux perpétrés par les Japonais sur des prisonniers américains, le gouvernement des Etats-Unis faisait connaître sa volonté de juger les criminels de guerre et de les pendre haut et court à commencer par le premier d’entre eux, l’empereur lui-même.

C’est à ce moment que Hirohito envoya un émissaire à Moscou pour proposer des conditions de paix : pas un seul Américain sur le sol du Japon, maintien de l’empereur dieu vivant sur son trône, jugement des responsables de la guerre par les Japonais eux-mêmes. Les alliés ripostaient le 17 juillet 1945 par l’ultimatum de Postdam : capitulation sans condition du Japon. Ce dernier rejeta aussitôt l’ultimatum dans des termes injurieux et humiliants pour les Etats-Unis et le gouvernement japonais entreprenait sur-le-champ de préparer la population à résister à une invasion. C’est ainsi que les jeunes filles étaient armées de piques en bambou et entraînées à se précipiter sur l’ennemi pour le transpercer de cette arme rudimentaire. L’avenir se présentait sous de noirs auspices pour les belligérants.

Impressionnés ou pressés d’en finir, les Américains faisaient bientôt savoir discrètement qu’ils épargneraient l’empereur à condition qu’il soit confiné après la guerre dans un rôle de simple souverain constitutionnel. Cette mesure intelligente divisait la caste militaire japonaise entre les va-t-en-guerre et l’entourage de l’empereur soucieux de sauver sa tête.

Le 5 août 1945, Hiroshima était détruite par la première bombe atomique ; le 8 août, trois millions de soviétiques envahissaient la Mandchourie ; le 9 août, Nagasaki était rasée par la deuxième bombe atomique.

Le 14 août 1945, le Japon capitulait.

Aujourd’hui, la mémoire universelle retient l’horreur atomique et son cortège de souffrances indicibles. Elle occulte la conduite épouvantable de la soldatesque japonaise pendant la guerre, comportement organisé à dessein par le pouvoir politique du mikado. Petit à petit, les Japonais sont sortis de la torpeur où leur défaite les avait plongés. Ils affichent à nouveau une suffisance qu’ils avaient dissimulée sous une façade obséquieuse dont l’enflure laissait assez deviner l’artifice. Ils ont digéré leur humiliation et lui ont trouvé des explications qui satisfont leur orgueil. Se contenteront-ils de conquêtes économiques ?

http://www.dissidence.be/edito.html

Messages

  • J’avoue avoir beaucoup de mal à garder mon calme après la lecture de cet article, mais peut-être est-ce le but de dissidence.be

    Une simple question suffit à anéantir, à mon avis bien sûr, toute sa pseudo argumentation :
    pourquoi les américains ont-ils lancé DEUX BOMBES DIFFÉRENTES sur Hiroshima et Nagasaki ?

    Autre chose :

    "Petit à petit, les Japonais sont sortis de la torpeur où leur défaite les avait plongés. Ils affichent à nouveau une suffisance qu’ils avaient dissimulée sous une façade obséquieuse dont l’enflure laissait assez deviner l’artifice. Ils ont digéré leur humiliation et lui ont trouvé des explications qui satisfont leur orgueil. Se contenteront-ils de conquêtes économiques ?"

    Ce n’est pas une ignominie raciste ça ??

    Ce post doit-être supprimé par les modérateurs de Bellaciao

  • Justifier le massacre des dizaines de milliers de personnes est un exercice des plus périlleux. Tuer de civils en masse par le simple fait de leurs nationalité, leur race, leur religion et un acte de terrorisme. Justifier Hiroshima, c’est aussi justifier le 9.11 et bien d’autres choses.

    Pour revenir au Japon, Tokyo aussi à été bombardé avec des bombes incendiaires, faisant plus de victimes qu’à Hiroshima. Le prétexte était que de nombreuses maisons de particulier abritaient des fabriques d’armes. Après coup, cela s’est avéré une fausse information. L’acharnement sur Berlin ou Dresde, les défoliants et le napalm au Vietnam, pour ne parler que d’actes assez anciens trouvent-ils aussi justification à vos yeux ?

    Terrorisme d’un côté, et action justifiées de l’autre, on ne s’en sortira pas. C’est la manière et l’acte en soit qui sont condamnable, quelque soit le contexte et quelque soit le bras qui frappe.

    bobov

  • J’apprécie votre volonté de remettre en contexte les bombardements de Hiroshima et Nagasaki. Nous devons nous souvenir que Hiro Hito et sa clique de criminels ont non seulement ignoré l’ultimatum lancé par les aliés à Postdam mais ont également caché au peuple japonais le bombardement de Hiroshima pour ne pas "affecter le moral de la nation". Il a fallu le bombardement de Nagasaki et la menace d’une invasion soviétique pour que Hiro Hito se rende enfin à la raison. Ce dernier n’a conservé son trône que grâce à la complicité de Mac Arthur qui a exonéré toute la famille impériale du procès de Kyoto mais ca c’est une autre histoire.

    Je tiens surtout à partager mon sentiment à la suite de la lecture du livre "Unit 731 testimony" de Hal Gold dans lequel des criminels de guerre japonais se confessent pour la premiere fois des crims commis au nom de l’empereur.

    Ce livre traite des expérimentations menées de 1932 à 1945 par le département de recherches bactériologique de Shiro Ishii avec l’aide des kempeitai. Ce département dont la section la plus connue est l’unité 731 située en Mandchourie, avait également des laboratoires-prisons à Nanking, Beijing, Xinjing, Guangzhou, Singapour et Hiroshima... Crée par décret impérial, son mandat principal était de trouver des armes bactériologiques pour les utiliser contre les pays voisins. Les sujets de ces expériences étaient en majorité des civils chinois, coréens ou russes, dont des femmes et des enfants, appelés marutas (billots). Chaque laboratoire-prison pouvait contenir plusieurs centaines de prisonniers.

    Voici quelques témoignages :

    Ueda Yataro, biologiste : "Dans le corridor à l’extérieur de la cellule, les gardes se tenaient debouts avec leurs armes. Les cris de l’homme n’avaient aucun effet sur eux. C’était comme ca tous les jours. il n’y avait rien de spécial. Pour ces gardes, leprisonniers avaient perdu tous leurs droits. Il étaient le maruta numéro X."

    Kurumisawa Msakuni, médecin-biologiste : "Nous étions en train de disséquer une chinoise enceinte. Elle était anesthésiée et avait le ventre ouvert quand soudain elle ouvrit les yeux. Elle se mit à hurler : Mon enfant ! Mon enfant ! Tuez-moi mais sauvez mon enfant ! Elle est morte peu apres et évidemment nous avons tueé son bébé. "

    Yoshimura Hisato, médecin : "J’ai pris un bébé de 3 mois et je lui ai planté une aguille-thermomètre dans le bras. Apr`s je l’ai plongé dans l’eau glacé et j’ai observé levariations de température jusqu’a ce qu’il meurre."

    Setsuji Naganuma, kempeitai : "Nous kempeitai avons envoyé 3 000 personnes a la mort dans la seule unité 731. Aujourd’hui personne ne parle de ces choses. Des milliers de médecins ont pratiqué des vivisections sur des prisonniers et que font ces personnes maintenant ? Elles ont en grande partie oublié ce qui s’est passé. Tour le monde a eu sa médaille et presonne n’a de cauchemars. La situation est alarmante car avant la guerre des années 30, les gens pensaient de la meme facon."

    Ces témoignages me font croire qu’il est dangereux de jouer le jeu de la droite japonaise et de ne dénoncer que les USA comme il est d’usage de le faire aujourd’hui ; surtout en France ou la génération manga s’est laissé bernée par la vision révisioniste d’un pays qui, contrairement à l’Allemagne, n’a jamais dédommagé ses victimes. Non seulement la majorité des criminels de guerre japonais n’ont jamais été jugés pour leurs crimes mais certains sont demeurés des dirigeants influents comme Nobosuke Kishi, le ministre responsable des travaux forcés pendant la guerre, devenu premier ministre en 1955 !!!

    Souvenez-vous que le premier ministre japonais rend hommage à Tojo et aux autres criminels a tous les ans...Peut-on imaginer le chancelier allemand rendre hommage à Goering ou Goebbels ?

    Le bombardement de Hiroshima et Nagasaki aura au moins abrégé la souffrance de centainesde milliers de civils non-japonais...

    L Lacombe

    • En quoi les souffrances ignobles infligées par l’armée japonaise en Asie aux peuples qu’elle avait envahis depuis parfois des années justifieraient-elles une seule seconde l’emploi des armes atomiques sur des villes japonaises ?

      Qu’est-ce que c’est que cet "oeil pour oeil" ?

      Lorsque les bombes ont été lachées, le Japon était plus qu’à genoux. Qu’Hiro Ito n’ait pas capitulé avant Hiroshima et Nagasaki veut-il dire que le pays était encore capable d’opposer une résistance sérieuse ?

      N’oublions pas que les armes employées étaient encore des armes de laboratoires et c’est de laboratoire mais aussi de témoins à la face du monde du rapport de force nouveau de l’après 2ème guerre mondiale, que les populations des deux villes japonaises ont servies.

      N’oublions pas non plus que les deux bombes n’étaient pas du même type. Si même il était justifié MILITAIREMENT de laminer des CIVILS par une arme inédite qui allait assurer une victoire plus rapide comment expliquer que la deuxième bombe utilisée était différente de la première ? Sinon que l’armée américaine possédait deux types de bombe et qu’il fallait bien les essayer en réel et non dans un désert pour connaitre leurs effets ?

      D’autre part je maintiens que le premier texte est raciste (sa conclusion le montre clairement) et comme tel devrait être retiré par les modérateurs de Bellaciao

  • 1. La bombe sur Hiroshima n’est pas tombee le 5 mais le 6 Aout a 08:16 JST.

    2. Pourriez vous preciser s’il vous plait de quels documents vous tirez le commentaire suivant :

    Ce dernier [Le Japon] rejeta aussitôt l’ultimatum dans des termes injurieux et humiliants pour les Etats-Unis

    La version des faits qui m’a ete enseignee est la suivante :

    Que répondent les japonais a l’ultimatum ? Les militaires (menés par le général Anami, Ministre de la Guerre) sont toujours favorables à la poursuite de la guerre. Les pacifistes, menés par le Ministre des Affaires Étrangères, Togo, font valoir que la déclaration conjointe des anglo-américains préserve l’intégrité territoriale de l’archipel, et que les alliés laisseront en place les institutions, dont le Mikado. Togo demande simplement à gagner du temps, en attendant la réponse des soviétiques aux initiatives japonaises. Le Premier Ministre, Kantaro Suzuki (77 ans), adopte un compromis, destiné à gagner du temps. On fera savoir aux américains que le gouvernement japonais "ignore" l’ultimatum de Potsdam. En japonais, "mokusatsu", ce qui signifie aussi "ne pas prendre en considération", "tuer par le silence", "rester dans une sage expectative", "ne faire aucun commentaire". Décision capitale, qui va être interprétée à Washington dans son sens le plus étroit : le Japon ignore l’ultimatum, donc il décide la guerre. Il aurait fallu à la Maison Blanche des spécialistes de la langue nippone.

    Cordialement.

    N. Miyamoto.