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Hôpital : décryptage de la loi

Publie le jeudi 11 septembre 2008 par Open-Publishing

Il y a là matière à agir pour ne pas se laisser déposséder de notre système de santé......

Que chacun s’empare de cette réflexion pour alimenter les batailles...


Le texte de loi qui va être présenté en conseil des ministres est ici décrypté et commenté par :

* Patrice Pelloux Médecin Urgentiste

* Yohann Wayolle, chargé de mission auprès de l’APVF

* Nadine Prigent, secrétaire générale de la CGT santé

* Pierre Faraggi, président de la CPH

* Olivier Veran, vice-président de l’ISNIH

* Pascal Menguy, vice-président de MG France

* Philippe Foucras, membre du COMEGAS et bien d’autres....

Dans un dossier réalisé pour le Journal l’Humanité en date du 10 septembre

TITRE I : modernisation des établissements de santé

Directement inspiré du rapport Larcher sur les missions de l’hôpital, ce volet préfigure un nouveau paysage hospitalier avec de nouvelles règles. Il instaure un hôpital calqué sur le modèle des entreprises, avec un directeur « patron ». Proposition phare de ce texte : les regroupements d’hôpitaux. Ce chapitre donne aussi la possibilité aux cliniques privées à but lucratif d’assurer des « missions de service public ». En bref, une boîte à outils pour fermer, concentrer, fusionner, privatiser le public.

Article 1 : privatisation de l’hôpital public La permanence des soins hospitalière ne peut plus rester l’apanage des seuls établissements publics. Il importe que celle-ci soit organisée en fonction des besoins de la population du territoire de santé. Il est ainsi proposé que l’ensemble des missions de service public puissent être assurées par tous les établissements de santé quel que soit leur statut.

Texte de loi :
Article L. 6 112-2 : « Lorsqu’une ou plusieurs des missions de service public ne sont pas assurées sur un territoire de santé, l’agence régionale de santé désigne (celui ou ceux qui en sont chargés. »

Commentaires :
Patrick Pelloux, président de l’AMUF (Association des médecins urgentistes de France) : « C’est le faire-part de décès définitif du service public hospitalier. La loi hôpital 2 007 avait déjà conduit les hôpitaux dans une impasse. Dans ce nouveau schéma, on rentre complètement dans la course à la rentabilité. »

Article 5 : représentativité à la baisse
Un conseil de surveillance remplace le conseil d’administration. Ses compétences sont recentrées sur la définition de principes, d’orientations stratégiques et sur des fonctions de contrôle. Texte de loi :
Article L. 6 143-5 : « Le conseil de surveillance est composé comme suit : au plus quatre représentants des collectivités territoriales (au plus quatre représentants du personnel médical et non médical, deux désignés par le CTE et deux désignés par la CME. »’’

Commentaires :
Nadine Prigent, secrétaire générale de la CGT santé : « Exit la démocratie sanitaire et sociale à l’hôpital. Avec l’instauration de conseil de surveillance, on ne représentera plus son organisation syndicale mais le CTE (comité technique d’établissement). Sans parler que celui-ci n’a plus de pouvoir. Une réforme n’associant pas ses personnels, les élus et les usagers est vouée à l’échec. »

Yohann Wayolle, chargé de mission auprès de l’APVF (Association des petites villes de France) : « Avec les conseils de surveillance, tout est encore flou : quel sera la place et le poids accordé aux élus ? »

’’Article 6 : un super « patron » d’hôpital"
"Le pilotage des hôpitaux publics doit être facilité par le renforcement des pouvoirs et de l’autonomie du chef d’établissement : président du directoire, le directeur se voit confier la pleine responsabilité de l’établissement de santé".

’’Texte de loi" :
"Article L. 6 143-7 : « Le directeur de l’établissement conduit la politique générale de l’établissement. Il préside le directoire et (est ordonnateur des dépenses et des recettes de l’établissement. »’’

Commentaires :
Nadine Prigent, CGT santé : « On met en place un hôpital calqué sur le modèle des entreprises capitalistiques, avec un directeur patron à la tête d’un directoire dont il nomme tous les membres. L’hôpital est réduit à un simple outil de production de soin avec un super patron. »

Pierre Faraggi, président de la CPH (Confédération des praticiens hospitaliers) : « En instaurant un seul patron, on caporalise le corps médical. Certes, il est là pour diriger. Mais, à l’hôpital, les décisions et orientations doivent être partagées entre les instances dirigeantes et le corps médical. »

’’Article 9 : précarisation des médecins"
"Cet article crée un nouveau statut contractuel pour les médecins exerçant à l’hôpital. En pratique, les rémunérations seront modulées sur la base d’objectifs et d’engagements individuels du praticien.’’

’’Texte de loi :"
"Article L. 6 152-1 : « Possibilité pour les établissements publics de santé de recruter des praticiens contractuels cliniciens, pharmaciens ou odontologistes hospitaliers dont la rémunération comprend des éléments variables en fonction d’engagements particuliers et de la réalisation d’objectifs quantitatifs et qualitatifs. »’’

Commentaires :
Patrick Pelloux, AMUF : « C’est la fin du statut de praticien hospitalier. En imposant un contrat d’objectif et de moyens, dont on ne sait pas pour l’instant sur quoi il se basera, on accélère la course à la rentabilité. Et en faisant appel à des médecins libéraux, on va vers la privatisation du système. »

Olivier Veran, vice-président de l’ISNIH (Intersyndicat national des internes des hôpitaux) : « On nous promet de conserver le choix. Mais rien n’est sûr. Quant aux contrats d’objectif, on ne sait pas de quoi il retourne : S’agit-il de T2A ? Du nombre de patients accueillis ? »

"Article 11 :"
"des regroupements d’hôpitaux synonymes de menaces"
"Il vise à créer des communautés hospitalières de territoire, dont la taille et les moyens sont censés permettre « de mieux répondre aux besoins des populations d’un territoire en favorisant une plus grande souplesse d’organisation et de gestion »."
"Les établissements membres peuvent prévoir de « modifier la répartition de leurs activités ». Entendez suppression d’activité probable pour de nombreux hôpitaux locaux."

"Texte de loi :
Article L. 6 132-7. : « Le directeur de la communauté hospitalière de territoire peut décider des transferts de compétences et d’autorisations d’activités de soins et d’équipement matériel lourd entre les établissements adhérents à la communauté hospitalière de territoire. »"

Commentaires :
Nadine Prigent, CGT santé : « Ce qui se profile, c’est un hôpital tête de pont par département, avec des hôpitaux filialisés vidés de leur substance. L’ARS pourra imposer ces regroupements. On est dans une logique très autoritaire. »

Michel Anthony, président de la Coordination nationale des comités de défense des hôpitaux et maternités de proximité : « Le plus grand flou persiste sur les communautés hospitalières et la manière dont devraient se mettre en place les réseaux hospitaliers. Cette mutualisation de moyens va se traduire par une restriction de l’offre sanitaire. Si l’État prônait un aménagement égalitaire du système de soins, il commencerait par arrêter la casse. »

Yohann Wayolle, APVF : « Nous ne sommes pas opposée aux regroupements, à condition qu’ils ne cachent pas une politique de recomposition : vider les petits hôpitaux de leur substance et programmer leur disparition. »

"Article 12 : coopération public/privé"
"Un mode de coopération privilégié entre établissements de santé publics et privés qui permet aussi les coopérations avec les secteurs libéraux et médico-sociaux."

"Texte de loi :"
"Article L. 6 133-4 : « Un groupement de coopération sanitaire peut être constitué entre des établissements de santé de droit public ou de droit privé, des établissements médico-sociaux (ainsi que des professionnels médicaux libéraux. »"

Commentaires :
Nadine Prigent, CGT santé : « En simplifiant le support juridique de ces groupements, le gouvernement se donne tous les outils techniques pour restructurer l’hôpital à grande échelle. »

Patrick Pelloux, AMUF : « Tout ce qui est encore rentable risque d’être transféré au privé. Et on laisse au public les pauvres, les vieux, les maladies les plus coûteuses… En bref, on empêche l’hôpital de s’enrichir. »

Titre II :Accès de tous à des soins de qualité

Hormis l’inscription dans la loi des missions du médecin généraliste et la lutte contre les refus de soins, ce volet se limite à un recueil de bonnes intentions.

"Article 14 : mission du médecin généraliste"
"Cet article précise la définition du rôle particulier du médecin généraliste de premier recours en tant qu’acteur pivot du système de santé."

"Texte de loi :"
"Article L. 1 411-11 : « Les soins (de premier recours - NDLR) comprennent : « 1 La prévention, le dépistage, le diagnostic, le traitement et le suivi des maladies et des affections courantes ; 2 La dispensation et l’administration des médicaments, produits et dispositifs médicaux ; 3. (L’orientation dans le système de soins et le secteur médico-social ; 4. L’éducation pour la santé. »"

Commentaires :
Pascal Menguy, vice-président de MG France : « Pour la première fois, nos missions de médecins généralistes sont inscrites dans la loi. »

"Article 15 : démographie médicale"
"Ce texte revient sur le constat d’inégalité d’accès aux soins, qui résulte d’une « mauvaise répartition des professionnels de santé sur le territoire » et d’une « absence de répartition du flux des étudiants dans les régions »."

"Texte de loi :"
"Article L. 632-2 : « Un arrêté (détermine pour une période de cinq ans le nombre d’internes à former annuellement par spécialité et par subdivision territoriale, compte tenu de la situation de la démographie médicale dans les différentes spécialités concernées et de son évolution au regard des besoins de prise en charge spécialisée. »"

Commentaires :
Benoît Elleboode, président de l’ISNIH : « On a l’impression de rester sur notre faim. Il n’y a pas grand-chose de concret sur les mesures permettant de combler les inégalités d’accès aux soins et favoriser l’installation de jeunes médecins. Et la loi ne parle à aucun moment de moyens. »

FHF (Fédération hospitalière de France) : « C’est bien de former des médecins là où il y a des besoins, mais s’ils peuvent s’installer où ils veulent après, cela ne va rien régler. »

"Article 17 : limiter les refus de soins"
"Face au phénomène de refus de soins, ce texte ambitionne d’interdire les discriminations. Parmi les mesures proposées : instauration d’une présomption de preuve en faveur des assurés et pénalités financières pour les médecins fauteurs."

"Texte de loi :"
"Article L. 1 110-3 : « Toute personne qui s’estime victime d’un refus de soins illégitime présente, à l’autorité ou à la juridiction compétente (les faits qui permettent d’en présumer l’existence. »"

Commentaires :
Philippe Foucras, membre du COMEGAS (Collectif des médecins généralistes pour l’accès aux soins) : « Que les patients puissent porter plainte et que ce soit aux professionnels d’apporter la preuve qu’ils ne discriminent pas est une bonne chose. Ce qui est aussi intéressant, c’est qu’on s’attaque au portefeuille des médecins. Sauf qu’il y a de fortes chances que cet article ne soit pas appliqué, les patients ayant autre chose à faire que de porter plainte. D’autre part, je vois mal la Sécu aller chercher des poux dans la tête des médecins. »

TITRE III : Population et prévention

Un chapitre qui affiche des objectifs de santé publique louables, mais sans réels moyens.

"Article 23 : éducation thérapeutique du patient"
"Dans un contexte de développement des maladies chroniques, l’éducation thérapeutique du patient est une nécessité, « pour la pleine efficacité du système de santé de demain »."

"Texte de loi :"
"Article L.3 911-1 : « L’éducation thérapeutique fait partie intégrante de la prise en charge du patient et de son parcours de soins. »"

Commentaires :
Christian Saout, président du CISS (Collectif interassociatif sur la santé) : « L’esprit de la loi nous convient, mais il manque des choses, comme la création d’un fonds pour l’éducation thérapeutique pour accompagner le patient. »

Titre IV : Des ARS aux superpouvoirs

Ce chapitre créé l’outil politique dans les territoires pour mener à bien mutualisations et économies. Il transfère les compétences de la Sécurité sociale aux directeurs des agences régionales de santé (ARS). Ces ARS auront également des prérogatives en matière de « gestion du risque ».

"Texte de loi :"
"Article L.1 431-2. : « L’agence régionale de santé est compétente, dans les conditions définies par le présent titre, en matière de : « 1 Politique de santé publique ; 2 Soins ambulatoires et hospitaliers ; 3 Prises en charge et accompagnements dans les établissements et services médico-sociaux ; 4 Professions de santé. »"

Commentaires :
Nadine Prigent, CGT Santé : « Alors que le gouvernement critique le soit-disant hospitalo-centrisme, il crée des ARS superpatron qui vont concentrer tous les pouvoirs. Il faut noter qu’en plus, elles vont contractualiser la gestion du risque. On peut craindre que les CRAM se voient retirer des responsabilités dans le domaine de la santé publique. Et que les DASS et DRASS soient menacées de disparition. »

Pierre Faraggi, CPH : « Les ARS peuvent être positives dans la mesure où elles proposent une gestion simplifiée de l’ensemble du système de santé, mais à condition qu’en face d’un préfet sanitaire tout puissant, il y ait un contre-pouvoir. Ce qui ne semble pas être le cas. »

merci à Alexandra Chaignon, journaliste à l’Humanité

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