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Illusions et utopie

Publie le mercredi 25 mars 2009 par Open-Publishing

La crise à laquelle nous assistons est une crise structurelle et pluridimensionnelle (économique, financière, écologique et sociale). C’est la décadence d’un modèle de société fondé sur des postulats insensés : surexploitation de l’homme et de la nature, croissance perpétuelle, plein-emploi,…

On appelle crise la non-résolution des contradictions inhérentes à un système donné. Cette crise n’est pas fortuite et encore moins le produit de l’inconduite de quelques irresponsables mais la conséquence inéluctable de fausses prémisses. Ces sont des mécanismes tendancielles qui poussent les agents économiques à chercher des rendements maximum. Il est donc veule et inopérant d’en appeler à un « capitalisme éthique », à la moralisation de l’économie dans le cadre actuel. On ne ferait que retarder l’échéance ou amortir les effets d’un modèle déprédateur en soi.

C’est l’existence humaine dans toute sa problématique qui doit se soumettre à une révision fondamentale si l’on souhaite résoudre l’équation sociale.

Le maintien de l’ordre actuel est suspendu à une série d’illusions et de lieux communs : « la démocratie (bourgeoise) est le moins pire des systèmes », « le socialisme est une bonne idée mais il ne peut pas marcher », « avec de la volonté, tout le monde peut y arriver », « si nous ne dominons pas les autres, ce sont eux qui nous domineront »,…

Les publicistes économiques et politiques bourgeois ne nous apprennent rien sur la crise. Ce sont ni des analystes ni des visionnaires mais de vils gestionnaires d’un système qui les déborde. Manquant de perspective historique et d’outils conceptuels, ils sont incapables de définir les causes et partant les conséquences de la crise.

Pour se délivrer de la matrice idéologique, il ne faut pas craindre de rétablir des formes d’utopie réaliste. Un des piliers de l’ordre capitaliste consiste justement à déprécier sans cesse toute alternative à l’ordre en place.

Ils tentent de donner une forme naturelle au régime capitaliste en essentialisant la nature humaine. L’ordre capitaliste serait le modèle le plus approprié à la nature égoïste de l’homme. Il faut en conclure par imputation que les inclinations égoïstes excluraient à jamais l’édification d’une société guidée par un idéal de rationalité. Par l’échec des pays dits socialistes, on pose la non-validité du socialisme. Encore faudrait-il que ces pays aient engagé la théorie socialiste. Sous un certain angle de vue, on peut très bien dire que le socialisme n’a jamais été appliqué et que l’histoire ne peut donc l’avoir invalidé.

C’est la conception même de l’homme qui est ici arrêtée. Au vrai, l’essence de l’homme ne réside pas en lui mais dans la somme des rapports qu’il entretient avec ses semblables et la société. En modifiant les structures sociales, il devient possible d’interpénétrer les structures psychiques de l’homme et de renforcer des comportements socialement positifs.

Il ne s’agit pas pour autant de créer un état de félicité sans contradictions et déséquilibres mais de tendre vers un objectif réaliste et souhaitable à travers un mouvement dialectique. L’irréalisé n’est pas forcément irréalisable de même que le réel n’est pas tout le possible.

L’impuissance politique circonstancielle ne doit pas aboutir à la démobilisation et le repli sur la sphère privé. Le désintérêt social et politique ne réduira aucunement le champ de la politique. Il faut au contraire développer sa conscience pour donner une hauteur de vue et un sens au chaos quotidien. Théorie politique et philosophie nous permettent d’appréhender la réalité dans ses dimensions historique et systémique.

Il ne s’agit pas de renoncer à ses intérêts au nom de ses valeurs politiques. Il ne faut pas opposer individualité et société ; c’est au contraire la collectivité qui est, dans le socialisme, le ferment de l’individu en lui octroyant les moyens de développer toutes ses virtualités humaines. Il n’est pas lieu donc de renoncer à sa famille ou à sa liberté mais de leur donner un sens de plein droit et ce, pour tous. La liberté de l’un ne retranche plus rien à celle de l’autre mais en constitue la condition d’existence.

Même si le système capitaliste est passablement déstabilisé sous le poids de ses propres contradictions, ce sont seulement les forces sociales qui sont en mesure d’y mettre fin. Puissions-nous mettre la même énergie pour penser un « au-delà » du capitalisme que pour le maintenir à flot et un nouvel horizon poindra ! Il faut avant tout se désenchaîner des illusions du capitalisme et réhabiliter les vertus de l’utopie créatrice.