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L’Etat d’urgence banalisé : une très grande victoire pour l’extrême droite

Publie le jeudi 17 novembre 2005 par Open-Publishing
6 commentaires

En mai 1968, le pouvoir n’a pas décrété l’Etat d’urgence alors que la situation était bien pire que ces derniers temps. L’Etat d’urgence menace la démocratie, il ne peut être utilisé à la légère. Sa banalisation est le rêve premier du fascisme. Ce cauchemar est en cours...

Beaucoup de monde semble avoir oublié que l’Etat d’urgence est un état d’exception, exception à la garantie des libertés et à la protection des citoyens dans une démocratie digne de ce nom. Par exemple, il donne un pouvoir d’intervention à la police chez les gens, de nuit et sans mandat (avec un mandat, ça se passe déjà mal ce genre de choses : quand le motif est la cache d’armes, les policiers sont stressés, c’est violent, les habitants sont effrayés,...). L’Etat d’urgence est donc une mesure d’une extrême gravité, qui ne peut être prise à la légère. C’est aussi, accessoirement, l’outil n°1 du fascisme. (1)

En mai 1968, beaucoup de voitures brûlaient dans plusieurs villes de France, il y avait des violences de nuit comme de jour, des milliers de gens protestaient, des groupes étaient organisés pour prendre les armes, les approvisionnements des grandes villes étaient perturbés, ... bref, la situation était bien pire, le péril bien plus proche, et le pouvoir n’a pas décrété l’Etat d’urgence.

Les derniers évènements ont été montés en épingle par les médias et le gouvernement : il ne s’agissait chaque fois que de quelques dizaines de jeunes, voire 2 ou 3 centaines au maximum, certes violents et destructeurs, mais pas plus que des supporters de foot ou des agriculteurs en colère. Et bien moins dangereux pour la république que les manifestants de mai 68.
Pour nos médias d’aujourd’hui, telle nuit pour laquelle on aura recensé, sur toute la France quelques centaines de voitures brûlées et seulement une échauffourée avec une trentaine de jeunes au Mirail, c’est encore « une nuit d’émeute ». Or, c’est inapproprié, une « émeute » c’est « une manifestation ou un rassemblement populaire accompagné de violence spontanée ». Lorsqu’un groupe de CRS et une poignée de jeunes se font face en se balançant des trucs (grenades, pierres,...), c’est pas une manif, c’est pas populaire et c’est pas vraiment « spontané »... Si ça c’est une émeute, alors il y a des émeutes toutes les semaines autour des stades de foot. (2)

Pourquoi décréter l’Etat d’urgence dans ces conditions ? Pourtant impensable en France sans une catastrophe majeure, l’Etat d’Urgence a bel et bien été décrété, et l’opinion publique l’a accepté. Il a même été approuvé par le parti socialiste ! C’est pourtant anormal, la situation le justifiait bien moins qu’en mai 68. Alors, ou bien nous venons d’assister à une panique généralisée du pouvoir, des médias et de l’opinion publique (paniques qui s’auto alimentent), ou bien c’est une évolution réelle de la société, et c’est en toute conscience que le peuple de France accepte cette utilisation exagérée de l’Etat d’Urgence dans un contexte nauséabond de surenchère médiatique, de contrôle des médias (3) et de multiplication des amalgames xénophobes.

C’est en tout cas une grande victoire pour l’extrême droite. Jusque hier, le recul constitutionnel sur les libertés paraissait impossible en France, l’Etat d’Urgence y était inimaginable. La situation présente montre l’absence de résistance du peuple face à l’utilisation abusive de l’outil politique le plus dangereux pour la démocratie. (4)
Aujourd’hui, l’Etat d’Urgence, rêve n°1 des fascistes est banalisé !

L’Etat d’urgence a été décrété dans une situation qui ne le justifiait pas :
c’est une erreur politique ou un acte fasciste.

(1) Le fascisme vise à instaurer dans un pays un État d’exception de type mussolinien, caractérisé par la toute puissance de l’État et par l’exaltation du nationalisme, et il sert, selon certains à « sauver l’État bourgeois de la faillite »...
(2) Voir les témoignages ci-joint relatifs aux « émeutes » du centre ville à Lyon : http://paris.indymedia.org/article.php3?id_article=46391
(3) Voir article de Libé sur l’évidence de l’autocensure de certains médias : http://www.liberation.fr/page.php?Article=338202
(4) L’Etat d’urgence est toujours le premier acte de l’instauration d’une dictature.

Messages

  • Dire que je suis d’accord serait une litote.
    Je n’arrive même plus à croire ce que j’entend dans les médias, cela me semble irréel que cela passe tout seul.

    Une autre méthode efficace des régimes fascisants, c’est l’usage de slogans obsessionels , par exemple le fameux "Retour à la normal", qui est hypnotique pour une population convaincue que tout va bruler, que l’ennemi est à leur porte, que le desastre menace.
    Cest une vieille technique, mais toujours efficace.

    Une autre technique est de flatter les instincts ls plus vils, pour décourager toute forme de protestation des opposants en invitants les "collaborateurs" à plus de virulence.

    Exemple, ce que j’ai vu passer sur un site d’info gérer par MicroSoft :

    "
    Ce service civil qui doit associer accompagnement et formation, doit aider des jeunes, notamment en difficulté, à aller vers l’emploi en leur permettant d’intégrer différents corps de métier (Défense, police, environnement, santé, culture, et secteur associatif). Il pourrait concerner 50.000 jeunes en 2007. Cette annonce survient alors que la prorogation pour trois mois de l’état d’urgence, jusqu’en février, a été définitivement approuvée mercredi soir par le Parlement et que la polygamie faisait irruption dans le débat."

    Vous allez dire, et alors ?
    Et alors, donnez-moi le rapport entre la polygamie et les violences urbaines ?
    Evidemment, si on insinue que la polygamie est un truc d’Africains, pas comme nous, et que un peu à cause des noirs et des arabes que les voitures sont brulées, tout s’éclaire , n’est-ce pas, pour les esprits logiques racistes. C’est triste à pleurer.
    D’autre part, un service civil volontaire, c’est une trouvaille auquel on ne peut pas s’opposer. Sauf à objecter que normalement, on devrait tous être en service civil volontaire, sauf à penser que certains sont plus citoyens que d’autres. Chirac aurait du dire STO, cela aurait plus clair pour les esprits logiques racistes.

    Donc, il n’y a trop d’exagération a qualifié ce gouvernement , au moins, de PRE-FASCISTE.

    jean-yves DENIS.

    • Pourquoi PRE-FASCISTE ?

      Je sais pas si vous avez vu le 90 minute de Canal+. C’était trés instructif. Le mépris que l’on voit sur le visage de Sarkozy quand une femme apparament d’origine étrangere lui adresse la parole. Puis la maniere qu’il a de la récuperer un peu plus tard pour ce mettre en valeur devant les journalistes. Il est à la limite de l’insulte , on sent qu’il se retient parcequ ’il est en public. Ce gars est un malade grave. Que va-il faire ensuite ce faire couronné empereur, mettre le feu au Reischtag, ou balancer des avions sur la tour Eiffel.

      Se rebeller est juste, désobéir est un devoir, agir est nécessaire !

  • Ce qui arrive est triste à pleurer si pleurer pouvait servir à quelque chose ! alors il nous reste la parole et les mots et je cherche ce matin des paroles pour faire écho à mon désarroi et à ma colère.
    Je me souviens de ce printemps 2002 et de l’effroi au soir du 21 avril et de notre gueule de bois douloureuse du lendemain et de cette urgence soudaine à descendre dans la rue...pour moi pourtant à 41 ans c’était la première fois et depuis je n’ai pas arrêté d’y descendre, dans la rue, et d’y crier avec d’autres mes aspirations à un monde meilleur, mes craintes, d’y dénoncer ce que nous imposent les gouvernements successifs d’un président illégitime, élu par défaut ou par erreur .
    Mais ce que nous dénoncions et refusions haut et fort lors de ce printemps 2002, c’est arrivé ! c’est institué ! et il n’y a pas eu besoin du borgne pour cela ...non, un président usurpateur et une cour d’avides prétendants à la suprême magistrature l’ont fait, avec la muette bénédiction de ce parti "socialiste" que décidemment je ne comprendrai jamais !
    Ce matin j’ai envie de crier au secours ! oui je sais, j’ai l’air bien naïve et bien idéaliste, mais vrai, je ne pensais pas que nous en arriverions là si vite, dans ce fracassant silence d’approbation sondagière.
    Alors quoi ? résistance ? j’ai entendu sur une radio qu’il y avait 2000 personnes hier à Paris pour protester contre la prorogation de cet état d’urgence....seulement 2000 ? nous devrions être tous dehors pour dire NON encore une fois à ces apprentis fascistes, pour leur signifier que la sortie est par là, que ça suffit maintenant !
    A la fin de son article paru dans l’édition du Monde du 16.11.05 Alain Badiou, philosophe, professeur émérite à l’Ecole normale supérieure, dramaturge et romancier conclut :
    "On a les émeutes qu’on mérite. Un Etat pour lequel ce qu’il appelle l’ordre public n’est que l’appariement de la protection de la richesse privée et des
    chiens lâchés sur les enfances ouvrières ou les provenances étrangères est
    purement et simplement méprisable. "

    Armelle (de Marseille )

  • Bravo pour une prise de position qui aurait mérité davantage d’écho. Heureusement qu’il y a internet, mais pour combien de temps ?
    Ce que Dom écrit ne me surprend pas, il a été à bonne école. Ce qui m’inquiète, c’est l’atonie générale. Seul parmi les hebdo à grande diffusion, "Marianne" continue le combat contre la "pensée unique", les autres ne font que servir la même soupe filtrée, même si parfois quelques plumes courageuses arrivent à percer, dans le Figaro (eh oui), Libé ou le Monde.

    La référence au fascisme est effectivement de mise, mais elle ne doit pas à mon sens être utilisée pour caractériser ce qui se passe aujourd’hui.
    La référence est connotée, datée, presqu’uniquement reçue par les gens qui sont à gauche de la Gauche. Le mot paraît excessif aux autres, tant ils se sont habitués à vivre dans un monde formaté, dans un monde TOTALITAIRE !

    Le fascisme est certes de droite, mais il n’y a pas que cela. Notre monde ressemble de plus en plus à ce qu’ont connu tous les pays dominés par une pensée unique à l’ère stalinienne.
    Le peu de réactions des uns et des autres montre en fait une acceptation de fait de la situation.
    L’ultralibéralisme dominant est le MAL qu’il faut combattre. Appelons-le extrême droite par commodité, mais c’est bien pire que cela.

    Bientôt sans doute, ceux qui oseront encore élever la voix, passeront pour de doux dingues ou de dangereux incendiaires qu’il faudrait soigner dans des asiles psychiatriques. Guantanamo est là pour nous montrer le modèle de la répression la plus bien-pensante qui soit.

    Bravo, fils ! Continue le combat, mais prends garde à toi.

    Jean-Jacques.