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L’Insurrection qui vient
Catherine DYJA
L’Insurrection qui vient part du constat que « sous ses airs d’extrême normalité, l’époque est celle d’un futur sans avenir ». L’auteur y dépeint une société en pleine déliquescence.
Les exemples choisis sont percutants parce qu’ils renvoient chaque lecteur à des ressentis qui lui sont familiers : l’auteur souligne par exemple que « ceux qui votent encore donnent l’impression de n’avoir d’autre intention que de faire sauter les urnes à force de voter en pure contestation » ou « que l’on trouve parmi les inculpés des incendies de novembre 2005 toutes sortes de profils que n’unifie guère que la haine de la société qui existe, et non l’appartenance de classe, de race ou de quartier ».
La première partie du livre se présente comme la démonstration d’une évidence : celle d’un ras-le-bol général ou il n’y a plus de repères, car plus de sens. De fait, les bases sur lesquelles repose notre société sont déconstruites une à une.
Ainsi, lors de la crise des banlieues, l’inédit ne réside pas dans la révolte, mais dans la rupture avec ses formes établies. Les assaillants n’écoutent plus personne, ni les grands frères ni l’association locale qui devrait gérer le retour à la normale. Désaffiliés de tout, sauf de la marchandise, apparemment plus occupés par les signes de la richesse sur soi que par sa redistribution à tous, les habitants y ont pour repère des marques de blousons et de chaussures. On peut se demander s’ils ne sont pas les damnés de la terre ou les laissés-pour-compte du capitalisme ?
C’est en partie la raison pour laquelle il n’existe plus de solution sociale à la situation présente car le langage pour une expérience commune s’est évanoui tout comme celle de l’époque des générations de militants. Ainsi le « je suis ce que je suis » résume bien une situation de désolation où l’on assiste à une individualisation de toutes les conditions de vie, de travail et de malheur. C’est la raison pour laquelle « appeler société le peuple d’étrangers au milieu duquel nous vivons est une telle usurpation que même les sociologues songent à renoncer à ce concept au profit de la métaphore du réseau ».
Mais l’auteur ne s’arrête pas à la démonstration d’une solidarité perdue. Il en extrait une violente critique du pouvoir d’État. L’État apparaît comme broyant par instinct les solidarités qui lui échappent afin que ne reste que la citoyenneté. C’est aussi lui qui n’arrive pas à rendre enchanteur le fait de « torcher des vieillards qui n’ont rien à dire » ou qui tente d’inculquer l’amour de la société à ceux qui ont trouvé dans le crime d’autres voies et plus de bénéfices que dans l’entretien des surfaces. Pour l’auteur, « le fait que l’on ait pris le soin de préciser que le drone, qui a survolé la Seine-Saint-Denis en juillet dernier, n’était pas armé énonce assez clairement dans quelle voie nous sommes engagés ».
Ce vide de sens est tout aussi palpable dans le secteur du travail. L’intérimaire n’a plus de métier mais des compétences qu’il vend au fil des missions. Le travail se rattache ainsi aujourd’hui moins à la nécessité économique de produire des marchandises qu’à la nécessité politique de produire des producteurs et des consommateurs. En marge d’un cœur de travailleurs effectifs, s’étend désormais une majorité devenue surnuméraire, qui est certes utile à l’écoulement de la production mais guère plus. L’appareil de production se présente comme une gigantesque machine à mobiliser psychologiquement et physiquement qui laisse choir les individus à risque, c’est-à-dire tous ceux qui incarnent une autre manière de vivre. Désormais, avoir un travail est un honneur et travailler une marque de servilité. En France, les grands patrons qui ne sont pas issus de la noblesse d’État sont des parias du monde des affaires. La méthode de sélection des élites est aussi remise en cause.
On peut penser que dans le vide actuel, le politique peut construire un discours de sortie de crise, donner du sens et une perspective. Il pourrait le faire en s’appuyant sur les valeurs montantes comme l’écologie ou la croissance durable. Mais l’auteur de L’Insurrection qui vient ne voit, à chaque nouvelle preuve du réchauffement climatique, que « l’excitation morbide qui dévoile le sourire d’acier du nouveau capitalisme ». Traçabilité, transparence, certification et écotaxes justifieront pour lui « tout à un pouvoir qui s’autorise de la nature, de la santé et du bien-être ».
L’auteur en tire la révélation que l’État ne peut plus rien, « l’Occident c’est aujourd’hui un touriste perdu au milieu des plaines de Mongolie, moqué de tous et qui serre sa carte bleue comme son unique planche de salut ou une jeune fille qui cherche son bonheur parmi les fringues, les mecs et les crèmes hydratantes ». Le choc des civilisations est ainsi une chimère d’un Occident en déliquescence ou seule la provocation subsiste.
La démonstration menée déconstruit une à une les bases sur lesquelles repose notre société pour fournir une esquisse de solution dans la seconde partie du livre. L’auteur appelle à un soulèvement, qui sera d’autant plus difficile à canaliser pour le pouvoir en place qu’il serait anonyme : « Saboter toute instance de représentation ». La constitution de communes qui ne craindraient pas de s’organiser pour la survie matérielle de chacun de leurs membres est ainsi appelée de ses vœux. _ L’auteur du « Comité invisible » prend soin de préciser que leur extension ne devrait pas dépasser une certaine taille au-delà de laquelle elle perd contact avec elle-même et suscite une caste dominante.
La solution décrite est tout aussi critiquable que le système actuel puisqu’elle repose sur des idéaux. En effet, l’auteur décrit des solutions où l’État ne devient pas propriétaire des moyens de production. De même, l’apologie du laisser-faire — libéralisme — n’est pas de mise puisque ce sont les communes qui détiennent le pouvoir. Or, penser qu’une société puisse fonctionner sans leader ou penser qu’elle puisse produire sans coup faillir ce dont elle a besoin suppose que les individus qui la composent soient animés d’un altruisme sans faille. L’absence de règles ne peut donner que libre court à toutes autres formes d’injustices et ouvrir la porte aux potentats locaux. Ainsi, la qualification de doux rêveur pourrait être attribuée à l’auteur quant aux solutions proposées !
Ne pas partager les solutions esquissées dans ce livre est une chose. Mais, on ne peut que constater combien celui-ci met en évidence le profond malaise qui règne en France. Les Français traversent indubitablement une crise qui n’est pas seulement économique et sociale mais qui est avant tout une crise de la morale. On a oublié l’homme et privilégié le profit. C’est aussi une crise du sens. Et lorsqu’il n’y a plus de repères, que le sentiment d’injustice domine, toutes sortes de dérapages peuvent se produire. « Refonder le contrat social et moral » paraît d’autant plus nécessaire que passer un point de non-retour, le sentiment d’injustice se fait trop criant et plus aucun type de légitimité ne peut être trouvé.
Éditions La Fabrique, 2007 ; 125 pages
Comité invisible
via Paz
Messages
1. L’Insurrection qui vient, 9 juillet 2009, 12:15
çà donne pas envie de le lire...
ce livre a-t-il un quelconque intérêt politique ?
2. L’Insurrection qui vient, 9 juillet 2009, 12:47
Oui il a un interet majeur, il la premiere expression identifiable d’un courant politique hors partis et syndicats. il n’a ni représentants ni subventions ni frais de campagne, ni postes de permanents a pourvoir.
il est le fossoyeur de ton époque, et tu le sais :
tu va mourir et tes pauvres idées du siecle dernier avec toi, kamarad permanent.
1. L’Insurrection qui vient, 9 juillet 2009, 15:30, par à bon entendeur
toi aussi tu mourras un jour et malheureusement tu n’emporteras pas ta bêtise avec toi mais tu la legueras à d’autres, Kamarad FLIK.
2. L’Insurrection qui vient, 9 juillet 2009, 16:00, par Caton
Si vous avez besoin d’un mec pour creuser, je suis là, avec ma pelle, ma pioche, ma faucille et mon marteau.
3. L’Insurrection qui vient, 9 juillet 2009, 16:39
tu veux dire "piolet" pas pioche :)))
4. L’Insurrection qui vient, 9 juillet 2009, 17:07, par (k)G.B.
Des pelles des pioches des vis et des boulons... ?
3. L’Insurrection qui vient, 9 juillet 2009, 18:04
L’insurrection qui vient est intéressant car il fait une analyse assez juste de la société. Après, au niveau des moyens d’action qu’ilsq proposent, excusez moi d’être non-violente, mais je suis loin d’être OK avec tout ca.
Lorsqu’ils disent par exemple que seul un individu armé peut être pacifiste, je ne suis pas d’accord. Que nous devons avoir des armes sans nous en servir (c’est ce qui se passe aux States après tout, et on voit le résultat), je ne suis pas d’accord. Qu’une lutte non-violente est vouée à l’échec, là encore, pas d’accord (même si nous en arriverons sans doute là)...
D’un point de vue politique, au niveau organisationelle, leur analyse rejoins l’analyse anar : fonctionnement en commune, etc... Ca, c’est plutôt sympa.
Quand à savoir ce que ce livre peut apporter, c’est pas dur : un aller simple en taule... Eh oui, l’une des seules pièces au dossier de l’affaire Tarnac. Et rien que pour ca, il faut l’avoir lu.
Pour 1 arrêté, 100 se politisent.
1. L’Insurrection qui vient, 9 juillet 2009, 19:36
Lorsqu’ils disent par exemple que seul un individu armé peut être pacifiste, je ne suis pas d’accord.
La formule est peut-être mal exprimée, mais il est certain que pour combattre quelque chose et surtout simplement en parler il faut savoir de quoi il s’agit.
Ca ne veut pas dire en avoir expérimenté les effets réellement. Mais celui qui parle de la guerre ou des armes et qui n’a jamais vu ou tenté de les voir en action REELLEMENT au moins à travers des images et pas simplement à travers des films fictions, sous le prétexte que c’est pas beau, ne pourra jamais prétendre argumenter pour en faire cesser l’usage.
Et quand au mot "armé" je pense qu’il s’agit ici d’un concept et non d’un fait concret. On peut être parfaitement "armé’ dans sa tête, ainsi que capable et formé à utiliser une arme pour se défendre et défendre la société tout en étant un pacifiste convaicu.
D’ailleurs si actuellement le "fait de guerre" est autant minimisé dans l’esprit des gens c’est que le Pouvoir se garde bien de leur montrer sa vraie réalité. Réduisant celle-ci à des commentaires tandancieux et à des images dignes de jeux vidéos.
D’autant plus qu’en ce moment il est encore cantonné "chez les autres", et qu’on ne le vit que par TV interposée.
Pourtant quoi de "mieux", (Si l’on peut dire), que l’image d’un enfant coupé en deux ou trois, un enfant comme le votre ou le mien, pour montrer à la face du Monde que le "beau" pilote de chasseur bombardier, (Style Tanguy et Laverdure), ne vaut pas mieux qu’un assassin à la tronçonneuse.
Au lieu de ça les pseudos-pacifistes bêlants se voilent la face au lieu de couvrir les murs de nos rues avec les images des crimes commis par nos assassins, payés avec nos impôts, et par leurs maîtres et alliés.
G.L.
2. L’Insurrection qui vient, 9 juillet 2009, 21:14
Oui, c’est pas comme ca que je le voyais... Pour moi, ils ne parlent pas du tout d’être armé dans sa tête (c’est bien sûr le but du texte, mais je veut dire que dans ce passage, ce n’est pas ce qui est voulu dire, je pense).
Après, moi, les films de guerre, je les regarde pas, mais les documentaires si. Ce n’est pas parce que j’ai horreur des armes que je boycott les images violentes.
3. L’Insurrection qui vient, 10 juillet 2009, 16:02
Eh bien, tu vois, les armes ça n’est que des "outils" un peu particuliers.
Et comme tous les outils ça permet le pire, mais aussi l’indispensable quelquefois.
C’est pas parce qu’un outil me fait bosser à mort pour un patron que je dois en rendre responsable l’outil.
De même une arme dans les mains d’un assassin c’est évidemment négatif. Mais la même arme dans tes propres mains quand il vient te chercher pour te tuer ça peut aussi faire la différence. Pour toi mais aussi, et surtout, pour les tiens.
A condition d’avoir réfléchi à la chose à l’avance, bien sûr.
Parce que, même si tu préfère mourir toi-même que tuer, j’espère que tu n’appliquerai pas la même philosophie pour ceux que tu dois protéger des prédateurs ?
Evidemment on parle ici de "contraintes" vitales. Pas de plaisir ni de sport.
G.L.
4. L’Insurrection qui vient, 10 juillet 2009, 16:22
Ce livre est une branlette intello bobo très très bien faite qui sent son post-situ à plein nez et n’apporte pas grand chose à la choucroute d’autant que, pour être très bien écrite encore une fois, cette mélasse comporte quand même un paquet d’analyses foireuses, ou disons, contestables.
1. L’Insurrection qui vient, 10 juillet 2009, 22:09
Je ne jugerai pas ce livre en tant que tel, vu que je ne l’ai pas lu. Mis le titre ne me semble pas dépourvu d’actualité.
Pour le reste je ne vois pas l’utilité d’employer les grands mots sur les "branlettes intellectuelles" ou les "bo-bo", même si son contenu est inadéquat ou maladroit.
Quand aux analyses sur la situation révolutionnaire, ou pas, de l’instant présent, faut croire que le bouquin a été assez dérangeant pour envoyer quelques naïfs en tôle sans autre raison intrinsèque. J’attends de l’avoir lu pour tenter de juger de la véracité des stratégies et analyses développées.
En cela il aura au moins servi de révélateur sur la mollesse des réactions de ceux qui se réclament de la "Défense des Libertés". Alors que la société civile a réagi assez fortement, les Partis, syndicats et Associations il a fallu les tirer par le colback pour avoir simplement un point de vue timide.
A un moment j’ai même cru que c’était un ballon d’essai, (Un shock-testing), du pouvoir pour mesurer les capacités de défense des citoyens face à l’arbitraire. Et j’y ai pas encore totalement répondu.
Sinon pas besoin de bouquin : L’"insurrection" elle viendra.
La seule chose c’est de savoir sous quelle forme, dans l’intérêt de qui, et si elle viendra assez tôt pour être efficace.
G.L.
2. L’Insurrection qui vient, 11 juillet 2009, 02:19
GL, lis le et on en reparlera.
Je ne dis pas que j’ai raison ça n’est qu’une appréciation perso , moi , ce livre m’a profondément ennuyée tant il développe de vieux poncifs gauchistes... et donc, si je dis ça (mais encore une fois, ça n’est qu’un avis et je ne prétends à nulle vérité), c’est parce que je l’ai lu au moins. Sinon, j’aurais fermé ma grande trappe...
Ce qui me fait justement marrer a posteriori c’est que ce bouquin ait pu être perçu comme dérangeant par le pouvoir actuel !!! J’avoue que j’ai bien cherché pourquoi, et j’ai pas compris. Par contre, je vois bien pourquoi et comment le gouvernement a pu manipuler ce livre là et monter toute sa trame autour de Tarnac. Ça oui.
Ce n’est pas sérieux. Mais bon je dis ça ne même temps je suis une vieille stal réac’ et j’ai du rien comprendre si ça se trouve...