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LA BANLIEUE DANS LA GUERRE GLOBALE
d’Alain BERTHO
in Barbaries, résurgences, résistances - Revue "Variations" printemps 2005
Résumé rapide repris de :
"Du SOCIAL au POLICIER ou LE "DESORDRE POLICIER" AGGRAVE" Christian DELARUE
https://bellaciao.org/fr//?page=article&id_article=48521
Voici longtemps que le processus qui conduit à faire du nom de "banlieue" le nom d’une vraie guerre sociale est engagé . Il y a bientôt vingt ans maintenant que la problématique du désordre a envahi l’espace du discours social . Alain Bertho en décrit les étapes :
– 1) DE L’ETAT SOCIAL A L’ETAT D’EXCEPTION
La première étape est celle audébut des nnées quatre-vingt de la "découverte" que les tensions sociales contemporaines sont productrices de nouveaux désordres . (cf Minguettes 1981) . Des dispositifs expérimentaux, localisés et contractuels se mettent alors en place pour prendre le nom de "politique de la ville". Un social d’intervention et d’exception s’installe sans ambition ni dispositif d’ensemble. Les exclus sortent du droit commun et entrent dans des dispositifs particuliers et conditionnels. Ces derniers sont vite rendus responsables de leur propre malheur et même rapidement soupçonnés d’être potentiellement coupables du malheur des autres. La différence et la disqualification sociale semblent considérées comme des maladies transmissibles. Le rejet se substitue à la solidarité. Après la stigmatisation vient la pénalisation.
– 2) DE L’EXCEPTION SOCIALE A L’EXCEPTION POLICIERE
Le tournant sécuritaire est franchi en 1997 avec une compréhension qui écarte l’explication sociologique des phénomènes au profit d’une analyse en terme de responsabilité donc de répression. La logique sécuritaire n’est pas "police partout" mais hiérarchisation des actions de cette police : la sécurité quotidienne avant toute chose, la vitre cassée avant la délinquance financière, l’ordre "en public" avant "l’ordre public". La "nouvelle raison pénale" née à New York est celle de "la tolérance zéro". Et la question n’est pas la masse ou la gravité des délits mais le niveau de leur visibilité. Il s’agit moins de faire baisser la criminalité dans son ensemble que de faire baiss er le niveau d’inquiétude de "l’opinion". Les premiers visés sont les aliens, les étrangers et considérés comme tels. Sont concernés les sans papiers (qu’il ne s’agit pas "d’intégrer", ce discours n’est pas fait pour eux !)
– 3) LOGIQUES DE NORMALISATION
De proche en proche c’est toute la vie sociale qui est concerné. L’ultime étape, celle d’aujourd’hui, est celle du traitement policier de la question sociale, de la criminalisation des comportements hors normes et des incivilités. C’est là que l’on passe de la problématique du désordre à l’anormalité . Le glissement de la notion de délinquance à celle d’incivilité est lourd : l’incivilité est une infraction à la norme pas à la loi et au délit. On va passer de la stigmatisation des actes à la stigmatisation des personnes. Ainsi, les "inemployables" relève non d’un stage qualifiant mais d’une mise aux normes du "savoir être" de l’entreprise.