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La traque aux arrêts maladie se généralise et s’intensifie

Publie le mercredi 27 octobre 2004 par Open-Publishing
2 commentaires

de Anne-Sophie Stamane

La loi réformant l’assurance maladie, votée en juillet dernier, a musclé l’arsenal répressif contre les arrêts maladie.

L’envolée, entre 2000 et 2004, des dépenses relatives à l’indemnisation des arrêts de travail a ranimé la conviction, démagogique, que des petits malins s’accordaient en douce des congés payés sur le dos de l’assurance maladie. Pourtant, les statistiques de la Caisse nationale d’assurance maladie (CNAM) prouvent que les abus sont marginaux : ils représentent 6 % seulement des arrêts. C’est encore trop, pour un ministre de la Santé qui, tout en évitant de regarder de près les causes réelles des arrêts de travail, a décidé de mettre le paquet sur les délinquants de la Sécurité sociale. L’occasion est trop belle pour être manquée, de culpabiliser et de contraindre l’ensemble des assurés sociaux au nom des dérapages d’une minorité.

La loi réformant l’assurance maladie, votée en juillet dernier, a donc été l’occasion de muscler l’arsenal répressif contre les arrêts maladie. Elle sera confirmée par le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS), discuté à l’Assemblée nationale à partir d’aujourd’hui, qui intègre une économie de 300 millions d’euros sur les indemnités journalières. Ce paquet législatif, une fois les décrets et arrêtés publiés, autorisera en premier lieu les caisses d’assurance maladie à aller au-delà de leurs pouvoirs de persuasion et à punir les médecins, quand elles décèleront une hausse des arrêts accordés. La sanction pourra aller de la simple pénalité à l’obligation de soumettre à l’accord préalable de la caisse, pour six mois, « la couverture des frais de transport ou le versement des indemnités journalières ». La liberté de prescription des praticiens subit, par ce biais, une sévère entrave.

À l’encontre des patients, l’éventail des possibles est plus sophistiqué. En amont, la nouvelle loi imposera que la prolongation d’un arrêt de travail soit le fait du médecin ayant réalisé la prescription initiale. En aval, alors qu’un abus n’occasionne pour l’heure que la suspension des indemnités, une prestation pourra être jugée indue et devra être remboursée par l’assuré. Une aberration du point de vue médical : la déontologie interdit à un praticien d’extrapoler qu’un arrêt injustifié tel jour l’était aussi le jour précédent. Ce qui vide de son sens la notion de prestation indue. Enfin, quand la caisse constatera un arrêt non justifié, elle transmettra immédiatement l’information à l’employeur, qui ne manquera pas de stopper le versement d’un éventuel complément. Cette collaboration avec les patrons n’est qu’un retour d’ascenseur : dans les semaines qui viennent, ces derniers devraient faire bénéficier les caisses d’assurance maladie de la possibilité, offerte par la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2004, du résultat de leur propre flicage des arrêts maladie. La CNAM assure cependant que, avant de faire tomber les sanctions, elle assortira la dénonciation d’un nouveau contrôle par ses services. L’échange de bons procédés promet en tout cas d’être fructueux, tant il est complémentaire : les contrôles patronaux portent sur les arrêts de courte durée, ceux de la CNAM sur ceux de longue durée.

Au-delà de la loi, la CNAM a également annoncé le renforcement de son dispositif de lutte contre les arrêts injustifiés. Tout en reconnaissant, dans une étude récente, le poids des conditions de travail dans les arrêts maladie, elle met, elle aussi, l’accent sur les abus et étend les contrôles systématiques, jusque-là réservés aux arrêts d’au moins trois mois, aux arrêts de moyenne durée, c’est-à-dire de deux mois. L’initiative n’est qu’à moitié surprenante, au moment où Frédéric Van Roekeghem, ancien directeur de cabinet de Philippe Douste-Blazy, prend ses fonctions de directeur de la CNAM et est appelé à devenir, très prochainement, le directeur de la nouvelle Union nationale des caisses d’assurance maladie.

http://www.humanite.presse.fr/journal/2004-10-26/2004-10-26-448620

Messages

  • Dans ma société, notre mutuelle privée dit qu’il y’a trop d’arrêt maladie et veut avoir le droit de contrôler à domicile.

    Le Ce a refusé. La mutuelle a donc décidé d’augmenter les prélévements.

    Voilà la France d’aujourd’hui. Les compagnies de mutuelle se prennent pour la sécu. On se croirait aux States.

    • Les mutuelles sont parties prenantes des économies de santé, prenantes, c’est le mot juste !

      "INVITER LES COMPLEMENTAIRES A LIMITER LE REMBOURSEMENT DES DEPASSEMENTS :
      Frédéric Van Roekeghem prévoit également d’engager des discussions avec l’Union des organismes complémentaires d’assurance maladie (UNOCAM) pour engager les assureurs complémentaires à limiter le remboursement des dépassements lorsque les patients consultent hors du parcours de soins.
      FVR n’aurait-il pas été nommé que pour défendre les intérêts des assureurs (essentiellement le groupe AXA ) ET le tout puissant Jran-Pierre DAVANT."

      Quand dira-t’on "STOP AU RACKET" ?

      Stop au chantage du tout sécurité contre de moins en moins de liberté ? Parce que si on perd la liberté, on perd aussi la sécurité, avec une médecine de bazar, une médecine de masse et à la masse, par des médecins qui abandonnent leur valeurs morales sous la contrainte financière. Normal, les valeurs morales ne sont pas cotées en bourse, elles ne valent rien. Normal, il n’y a pas de raison que les professionnels de santé puissent résister aux pressions plus que le reste de la population. Et pourtant, ils essayent, confert les infirmières qui sont déchirées entre le désir de ne pas abandonner leurs patients et celui de mettre la clé sous la porte, quand leur temps de travail est pollué d’obligations administratives et quand leur profession frise le bénévolat !

      Vous connaissez le discours "payez, nous vous protégerons, sinon, on ne garantit rien " ? Sauf que là, ce ne sont pas des bandits, c’est légal et obligatoire !

      Sur les arrêts de travail, j’aurais plein de choses à dire : je connais, j’en signe, j’avoue tout. J’avoue avoir signé ces derniers temps 3 jours pour une gastro-entérite avec des vomissements incoercifs ; j’avoue avoir dit à un de mes patients : "reposez-vous une semaine, prenez du recul et on en reparle", sans lui prescrire de tranquillisants, alors qu’il était confronté au travail à ce qu’il vit comme du harcèlement moral. J’avoue même avoir signé pour une maman dont l’enfant était malade et qui n’avait pas de solution pour le faire garder.etc, etc. C’est pas bien, c’est pas politiquement korekt. Tout simplement parce que la médecine et la politique médicale de nos dirigeants, ça clashe, ça devient incompatible.

      Bon, je reviens au sujet : "Les mutuelles se prennent pour la Sécu, l’Etat se prend pour la Sécu et la Sécu pour l’Etat, et la CFDT se prend pour nous tous" . Si les français ne réagissent pas plus, on est mal barrés !

      Dr Martine Marchand