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Le pouvoir polonais s’allie à l’extrême droite

Publie le vendredi 10 février 2006 par Open-Publishing
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de Henri de Bresson

Le parti conservateur polonais Droit et justice (PiS) du président Lech Kaczynski et de son frère jumeau Jaroslaw - les deux maîtres de la Pologne actuelle - a scellé, jeudi 2 février, une alliance de gouvernement avec les deux partis extrémistes représentés au Parlement polonais, les populistes de Samoobrona (Autodéfense) et la Ligue des familles polonaises, parti des ultrascatholiques. Cet accord ne prévoit pas l’entrée de ministres de ces deux partis dans le gouvernement minoritaire constitué par PiS, actuellement dirigé par le premier ministre, Kazimierz Marcinkiewicz. Il porte sur un paquet de 144 projets de loi qui seront introduits dans le circuit parlementaire pour réformer le pays en profondeur.

La présentation de l’accord a donné lieu à un premier affrontement avec la presse polonaise. Seule la chaîne de télévision des intégristes catholiques, Trwam, avait été invitée à couvrir la cérémonie de signature. Comme Radio Maryja, l’autre bras médiatique des Ultras, récemment condamnée par le Vatican lui-même pour ses excès, Trwam diffuse des programmes au contenu non seulement intégriste catholique et parfois antisémite, mais aussi antilibéral et nationaliste violemment anti-européen. Cette décision symbolique a provoqué un boycottage par les autres médias de la conférence de presse organisée pour détailler les termes de l’accord.

Celui-ci va permettre aux frères Kaczynski de disposer au Sejm, la Diète polonaise, d’une majorité de 248 députés sur 460 pour soutenir l’action du gouvernement minoritaire formé par PiS après les élections législatives de septembre 2005. PiS n’avait pu s’entendre avec les libéraux du parti PO, comme tout le monde s’y attendait, pour constituer une coalition de centre droit. PO, qui avait longtemps caracolé en tête des sondages à la fin du règne des sociaux-démocrates, avait finalement été devancé par les conservateurs à la fois aux élections législatives mais aussi à la présidentielle qui avait suivi en octobre, ce qui a bouleversé toutes les prévisions politiques. Les ambitions des frères Kaczynski n’ont jamais permis de trouver un terrain d’entente aux deux formations, malgré l’entrée au gouvernement minoritaire de représentants de la tendance libérale, comme la ministre des finances, Zyta Gilowska, ou le ministre des affaires étrangères, le francophile Stefan Meller.

"UNE GRANDE ÉPURATION"

Cette incapacité des deux principales formations à s’entendre avait conduit, à l’occasion du débat sur le budget, à entretenir l’idée de nouvelles élections pour sortir de l’impasse. Les frères Kaczynski, malgré des signes d’une tentative de rapprochement avec Andrzej Leppler, le leader de Samoobrona, ont entretenu le doute, prenant par surprise la classe politique et les chancelleries européennes avec l’annonce de jeudi.

"La signature du pacte signifie avant tout un changement radical, une grande épuration de l’Etat, une nouvelle politique économique qui tiendra compte des intérêts des laissés-pour-compte, et pas seulement des intérêts des bénéficiaires des transformations des seize dernières années", a affirmé Jaroslaw Kaczynski, le président de Droit et justice, en présentant l’accord à Varsovie. Celui-ci "est signé pour douze mois, mais j’espère qu’il sera prolongé", a-t-il précisé, tandis que M. Leppler confirmait qu’il écartait la possibilité d’élections anticipées. "Ce jour restera dans l’histoire comme un jour très important", a déclaré, de son côté, le chef de la Ligue des familles, Roman Giertych, en se réjouissant de la fin du pouvoir des élites qui ont gouverné la Pologne depuis la chute du communisme en 1989.

Les conséquences de cette nouvelle coalition sur l’Union européenne devraient se faire sentir rapidement. Le gouvernement minoritaire de M. Marcinkiewicz avait durci l’attitude de la Pologne dans les négociations européennes ces derniers mois, comme l’ont montré les négociations budgétaires et surtout celles sur la TVA. Les conservateurs, qui ont déclaré morte la Constitution européenne, ont une position ouvertement eurosceptique. Contrairement aux engagements pris par la Pologne dans son traité d’adhésion à l’Union, les frères Kaczynski n’ont jamais caché leur hostilité aux prises de contrôle des groupes polonais par des capitaux étrangers ou à l’indépendance de la Banque centrale. Les deux formations extrémistes avec lesquelles ils sont désormais alliés sont violemment anti-européennes, la Ligue des familles ne cessant d’attiser le feu sur ce que représente l’Union. Le pacte "aura pour effet le renforcement de la position de la Pologne face aux autres pays" ; "la défense de nos intérêts nationaux sera quotidiennement à l’ordre du jour et nos partenaires devront en prendre note", a prévenu Jaroslaw Kaczynski.

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