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Les pistes de Raffarin pour sortir d’une croissance sans emplois

Publie le vendredi 30 juillet 2004 par Open-Publishing

de Rémi Barroux et Christophe Jakubyszyn

Depuis son arrivée à Matignon, en juin 2002, le nombre de chômeurs a progressé de 192 000. Malgré la reprise économique, l’emploi salarié recule pour la première fois depuis dix ans. Le premier ministre prépare de nouveaux assouplissements des 35 heures et un plan de "relocalisation" des emplois.

La croissance repart mais le chômage résiste et les pertes d’emplois s’accroissent. Après un peu plus deux ans à Matignon, Jean-Pierre Raffarin reste confronté à une situation sociale dégradée. Les chiffres de l’ANPE, communiqués vendredi 30 juillet, témoignent d’une nouvelle hausse des demandeurs d’emplois en juin. Alors que la croissance s’amplifie depuis plusieurs mois - le gouvernement attend une hausse de 2,3 % à 2,5 % du PIB pour 2004 - le chômage est en progression de 2,1 % depuis un an. Dans le même temps, en 2003, l’emploi salarié (dans le secteur concurrentiel) a connu sa première baisse depuis dix ans, reculant de 0,3 %, soit une perte de 45 665 postes, selon les données publiées par l’Unedic, jeudi 29 juillet.

C’est parce qu’il est conscient du risque d’un chômage durable et persistant, que le premier ministre a infléchi, touche par touche, sa politique de l’emploi. Le dernier virage est le plus spectaculaire : avec son plan de cohésion sociale et la création du contrat d’activité, le gouvernement renoue avec un traitement social massif du chômage.

Environ un demi-milliard d’euros par an vont être dépensés pour qu’un million de chômeurs sur cinq ans soient pris en charge et aidés dans un "parcours qualifiant" vers les emplois marchands. "C’est un véritable infléchissement de notre politique. C’est une logique d’accompagnement et d’assistance qui était moins présente au cours de deux années précédentes", reconnaît l’un des collaborateurs du premier ministre.

Mardi 27 juillet, devant les députés, M. Raffarin a promis qu’au cours des prochains mois "tout sera fait, d’abord, pour l’emploi". Outre les contrats d’activité, il a annoncé qu’un milliard d’euros serait dégagé, sous forme d’allégements de charges et d’impôts, pour inciter les entreprises à rapatrier leurs activités et leurs emplois en France.

MARCHE ARRIÈRE

Depuis deux ans, la politique de l’emploi aura subi de nombreuses inflexions. A son arrivée, M. Raffarin ne jurait que par la réduction du coût du travail et l’assouplissement du droit du travail pour que les entreprises se remettent à embaucher. Fin 2002, la loi Fillon réformant les 35 heures a organisé les allégements de charge sur les bas salaires - ils représentent aujourd’hui un coût de 17 milliards d’euros par an pour l’Etat. Le gouvernement a, dans le même temps, suspendu la loi de modernisation sociale, votée en 2001 par les socialistes, qui renforçait les procédures encadrant les licenciements. Parallèlement, le traitement social du chômage - réinsérer les demandeurs d’emplois à travers des emplois publics ou semi-publics aidés - a été fortement réduit.

Mais, en mars 2003, face au très fort ralentissement de la croissance et au redémarrage de la courbe du chômage, le gouvernement a fait marche arrière : il a réactivé les "contrats emploi-solidarité". Aujourd’hui, malgré le redémarrage de la croissance, le gouvernement fait le constat que le "marché du travail fonctionne de plus en plus mal", ainsi que l’indiquait le ministre de l’emploi et de la cohésion sociale, Jean-Louis Borloo, dans Le Monde du 1er juillet. "Il y a, d’un côté, des métiers sous tension, des secteurs d’activité souffrant de pénuries comme le BTP, des entreprises qui recourent à de la main-d’œuvre étrangère, et, de l’autre côté, quatre millions de chômeurs", expliquait le ministre.

Le contrat d’activité, la réforme de l’apprentissage et les futures lois sur l’éducation et la recherche sont autant d’outils, aux yeux du gouvernement, qui devraient permettre d’orienter les jeunes et les demandeurs d’emplois vers des métiers porteurs. D’autant qu’à partir de 2007, avec le départ en retraite de la génération du baby boom, le ministre de l’emploi s’attend à "un choc démographique majeur".

D’ores et déjà, les premiers signes annonciateurs d’une amélioration de la situation de l’emploi sont perçus par le ministre délégué aux relations du travail, Gérard Larcher, qui prédit des chiffres positifs dès octobre et novembre et espère "quelque 70 000 créations d’emplois" sur l’année. A l’appui de sa prévision, M. Larcher pointe une baisse de 20,8 % par rapport à 2003 du nombre de plans sociaux déclarés à l’administration, ainsi que la progression de l’apprentissage, des créations d’entreprises ou encore des offres d’emplois déposées à l’ANPE.

Pour combattre le chômage, le gouvernement n’a pas pour autant abandonné son objectif premier : revaloriser du travail, assouplir la durée du travail et développer la flexibilité. Mercredi 28 juillet, au cours de sa conférence de presse bilan, M. Raffarin a rappelé sa priorité : "Augmenter les heures travaillées." Outre la diminution du chômage, le gouvernement va s’atteler à "donner plus de souplesse dans le temps de travail", a annoncé le premier ministre. Refusant la logique du partage du travail, le gouvernement et sa majorité sont convaincus que l’assouplissement des 35 heures est une condition du redémarrage de l’emploi.

Enfin, le gouvernement ne désespère pas d’assouplir les règles du marché du travail. Nicolas Sarkozy expliquait, dans Le Monde des 11 et 12 juillet, que "le droit du travail n’a jamais été aussi protecteur, et pourtant, jamais les salariés ne se sont sentis autant menacés". "Notre pays est-il prêt à aller vers un système où sécurité professionnelle s’appuie sur une flexibilité importante ?", s’interroge M. Larcher.

Le 30 juin 2004, MM. Borloo et Larcher ont écrit aux confédérations syndicales pour leur proposer, entre autres, de négocier sur "la simplification" et "la lisibilité des règles du droit du travail". Avec le retour de la croissance, le gouvernement ne désespère pas de pouvoir revenir à ses convictions premières.

Rémi Barroux et Christophe Jakubyszyn

Le moral des ménages se stabilise en juillet

La confiance des ménages s’est stabilisée en juillet au même niveau qu’en juin, selon l’enquête mensuelle de l’Insee publiée vendredi 30 juillet. Ils sont notamment "plus optimistes sur l’évolution future du niveau de vie", et l’Institut de la statistique note que "les opportunités d’acheter enregistrent une légère progression".

Par ailleurs, cette enquête réalisée depuis 1987 (2 000 foyers interrogés) montre qu’à leurs yeux les perspectives d’évolution de l’emploi s’améliorent sensiblement pour les mois à venir. Leur opinion sur leur situation financière personnelle passée se stabilise, mais ils sont un peu plus pessimistes sur leur situation financière à venir. En juin, ils sont plus nombreux qu’en mai à considérer la période propice à la réalisation d’achats importants, mais aussi à considérer que leur capacité à épargner s’améliore légèrement. Quant à l’inflation, les ménages pensent qu’elle a été plus forte les mois passés, mais ils sont plus optimistes pour les prochains mois.

http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-3224,36-374073,0.html