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Mac Do a des difficultés en russie.

Publie le lundi 3 mai 2004 par Open-Publishing

Mac Do a des difficultés en russie. (article tiré de la presse
professionnelle des gérants de fast food)

A 500 kilomètres au sud de Moscou, Voronej est une ville de 850 000
habitants tout en barres de béton, comme la Russie en compte des dizaines.
Elle ne mériterait guère qu’on s’y attarde si elle n’était devenue capitale
assez inattendue de la résistance russe au McDonald’s.

Refuge. Niché dans un grand local un peu foutoir, qui sert de refuge à tous
les militants écolos, droits de l’homme ou antimondialisation de la région,
Alexeï Kozlov, professeur de philosophie, mène la lutte locale sans pouvoir
vraiment lui-même expliquer pourquoi McDo suscite une telle résistance ici.

« C’est peut-être parce que nous sommes une ville assez grande, où il ne se
passe pas grand-chose mais où vivent beaucoup d’étudiants. Ou bien parce que
les conditions dans lesquelles McDonald’s s’est installé ici sont
particulièrement scandaleuses, hasarde-t-il. La façon dont McDonald’s a
obtenu des terrains de la mairie pour construire son restaurant en plein
centre-ville, à la place d’un parc où l’on jouait aux échecs, sent fort la
corruption. Et cela me choque qu’une multinationale vienne ainsi en Russie
confirmer que, pour faire des affaires, on peut s’appuyer sur la corruption
et les magouilles. » En 2002, la firme américaine a construit son premier
McDo sur la place centrale de Voronej, au milieu des manifestations de
grands-mères protestant contre la disparition du parc.

Des policiers ont dû être affectés à la protection du chantier. « Nous étions
quelques centaines de manifestants, dont beaucoup de babouchkas, raconte
Alexeï Kozlov. Vu la passivité générale de la population en Russie, c’était
une belle mobilisation. Certes, nous n’avons pas pu empêcher l’ouverture du
McDo. Mais nous l’avons au moins retardée et je crois aussi qu’on a pas mal
nui à leur chiffre d’affaires. » Projets gelés.

En 2003, McDo a ouvert un deuxième site à Voronej, dans une banlieue-dortoir
du nord de la ville, qui se fait aussi régulièrement visiter par les équipes
de colleurs d’autocollants anti-McDo ou anti-OGM. Leurs arguments sont
généralement les mêmes que ceux de leurs frères de combat du monde entier :
exploitation du personnel (4 200 roubles le salaire à la caisse du McDo de
Voronej, soit 123 euros), sale bouffe, perversion du goût des enfants...

Les tracts anti-McDo de Voronej ont d’ailleurs été téléchargés de sites
Internet anglo-saxons, avant d’être traduits en russe. Une partie du
financement des militants de Voronej vient aussi d’organisations étrangères.
Dans leurs restaurants à moitié vides, les managers locaux de McDonald’s
assurent, quand ils acceptent de parler, que malgré tout leurs affaires « se
développent ». N’empêche : la firme américaine, qui avait promis aux édiles
de Voronej d’ouvrir encore deux autres restaurants, a gelé ces projets.

Le 31 janvier 1990 à Moscou, l’ouverture du premier McDo de l’URSS avait
pourtant été célébrée comme une libération : c’était l’arrivée de l’Amérique
à Moscou, la liberté de pouvoir manger comme les Yankees, avec le sourire en
prime à la caisse pour les Russes habitués à un service franchement revêche
dans les restaurants soviétiques. « A l’époque, la queue sur la place
Pouchkine pouvait durer cinq heures », se souvient Svetlana Poliakova.
Caissière à l’époque dans ce restaurant qui serait aujourd’hui encore le
plus visité au monde, avec jusqu’à 10 000 clients par jour , elle est
aujourd’hui porte-parole de McDonald’s en Russie.

Quinze ans plus tard, la Russie reste terre de conquête pour la
multinationale américaine, mais l’assaut se révèle plus difficile que prévu
et se heurte à un sursaut inattendu de nationalisme russe. Devant le McDo du
nord de Voronej, Roman, Vladimir et Genia, 20 et 21 ans, grignotent des
graines de tournesol et expliquent pourquoi il n’est pas question pour eux
d’aller au McDo. « C’est trop cher. Mieux vaut acheter dans les petits kiosks
russes, ils sont meilleurs et meilleur marché », dit le premier, montrant un
kiosk baptisé l’Appétit russe, où le hamburger est à 15 roubles (44 centimes
d’euro), contre 16 roubles au McDo (47 centimes). « Il n’y a pas assez de
viande dans les sandwichs du McDo. Seules leurs glaces sont bonnes », précise
le deuxième, qui plaide aussi pour les kiosks. « Et McDo, c’est américain,
ajoute le troisième. Ce n’est pas aussi bon que la cuisine russe. Rien ne
vaut le bortsch et les pelmenis (deux plats traditionnels en Russie, ndlr). »

McDo compte aujourd’hui 111 enseignes en Russie, dans 31 villes. « Nous
prévoyons de continuer à ouvrir une vingtaine de restaurants par an », assure
Svetlana Poliakova, recevant au McDo de la place Pouchkine. « Nous allons
continuer à nous implanter dans les régions », promet la porte-parole. Tout
en concédant à demi-mot que le gros de l’effort de McDo en Russie repose sur
Moscou et les plus grandes villes, où les modes de vie sont plus
occidentalisés : « Nous avons déjà 57 restaurants dans la capitale. Mais cela
n’épuise pas encore le marché. Nous allons ouvrir de nouvelles adresses à
Moscou. »