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Marwa, une enfance passée dans les cars de la Croix Rouge Internationale et aux barrages israéliens
Publie le lundi 7 août 2006 par Open-PublishingJénine - Ahmad Hassan www.amin.org
Marwa, la jeune fille de 13 ans, de Tubas, ne savait pas que l’Intifada al-Aqsa allait changer le cours de sa vie, et qu’elle avait rendez-vous avec la douleur, la privation de son père, le vol de son enfance par les forces de l’occupation israélienne. Marwa c’est l’histoire d’un peuple qui a beaucoup souffert et qui continue à endurer l’occupation israélienne. L’histoire de Marwa, c’est l’histoire de milliers d’enfants dont l’enfance a été volée et qui ont été privés de leurs pères, soit par les meurtres soit par la détention.
Marwa, un visage qui exprime l’innocence et l’amour. Une fillette en classe de 8ème fondamentale (4ème), qui relate sa vie et son parcours, depuis que les forces de l’occupation israélienne lui ont volé son enfance innocente : "Lorsque j’étais en classe de quatrième fondamentale, les forces de l’occupation sont venues à notre maison, la nuit. Elles ont arrêté mon père, sauvagement, et l’ont emmené en prison. Il a été condamné à 6 ans et demi de prison. A partir de là, le vrai changement s’est passé dans ma vie. Les forces de l’occupation m’ont non seulement privée, moi et mes frères et soeurs, de notre père, durant toute cette période, mais elles ont interdit à ma mère, à ma grand-mère, à mes frères et mes soeurs de le visiter, elles ont refusé de leur donner une autorisation de visite. Depuis cette période, je porte moi-même la responsabilité de visiter mon père, en prison, au cours de ces quatres années, je suis le seul lien entre mon père et la famille.
Un parcours de souffrance pour une fillette
Marwa ajoute : Je ne me suis jamais absentée des cars de la Croix-Rouge. Leur présence est un cauchemar qui accompagne ma vie. J’ai passé par des rangées et rangées de fouilles sur les passages et les barrages, pour visiter mon père, j’ai été dans plusieurs prisons, dans un parcours interminable, le poursuivant d’une prison à l’autre." Concernant les coutumes de la visite et du voyage de Marwa, elle dit : je suis la seule parmi mes frères et mes soeurs à avoir obtenu l’autorisation de visiter mon père, parce que je suis la plus jeune.
Je me lève à l’aube, soit à 4 heures du matin. Ma mère a déjà préparé à mon père quelques plats, préparé des vêtements et des affaires dont il a besoin. Elle me prépare des sandwichs car la route est longue, et en général, je ressens la faim au cours de ce trajet. Ensuite, je quitte ma mère, elle pleure, me demande de faire attention, et de transmettre à mon père tous les saluts les plus chaleureux." Elle poursuit : "Lorsque j’aperçois les larmes de ma mère, je prends peur, je deviens angoissée, car je ne sais pas ce qui m’attend. Mon père m’attend avec impatience, il attend les nouvelles de ma mère, de mes frères et soeurs. Au lever du jour, je suis déjà à Jénine, sur une grande place. Je suis avec plusieurs familles, et je me sens seule parce qu’il n’y a pas d’adulte qui m’accompagne.
"Ensuite, nous montons dans les cars de la Croix-Rouge, qui se dirigent vers le barrage militaire d’al-Jalameh, nous attendons des heures pour être fouillés, nous et nos affaires, puis nous montons dans des cars israéliens. Nous sommes accompagnés par des jeeps militaires, et je ne sais pas jusqu’où, ce que je sais, c’est que je vais voir mon père, qui est détenu dans la prison du Naqab. Puis je me sens très fatiguée de ce long voyage, mais je n’y peux rien. Je ne peux me plaindre à personne. Je vois d’autres enfants accompagnés par leurs parents, mais moi, je suis seule. Pourquoi Israël ne permet pas à ma mère, ma grand-mère, à mes soeurs et mes frères de venir avec moi ?
A peine nous arrivons, après quatre heures de route vers la prison du Naqab, les soldats nous rassemblent dans une grande cour, ils nous alignent, et j’attends longtemps avant que mon tour ne vienne. Je commence à imaginer ce que font mes amies à l’école, en ce moment et je me demande pourquoi je ne suis pas avec elles. Je me dis que c’est mon sort. Israël me punit et vole mon enfance, en me privant de jouer, et en m’obligeant de porter cette lourde responsabilité.
Lorsque vient mon tour, j’entre dans une petite pièce où il y a une soldat israélienne qui me fouille, qui fouille mes affaires. Puis je vais dans une grande pièce, où se trouvent d’autres familles. Lorsque les soldats finissent la fouille des parents, ils nous prennent vers la salle des visites. A peine j’aperçois mon père, je cours pour l’embrasser, mais je me heurte aux grilles qui me séparent de lui. Il y a juste de petites ouvertures, je peux toucher ses doigts. Il me pose des questions sur moi, sur mes études, sur les membres de la famille, et les choses qui se déroulent hors de la prison, surtout dans ma ville. Je lui transmets à mon tour quelques lettres, je lui transmets tout ce que je me rappelle, mais au cours de cet instant, je ressens le besoin d’entrer au delà des grilles maudites, pour embrasser mon père. Je ressens sa tendresse, mais toujours, c’est interdit, interdit... Je déteste ces mots que les soldats ne cessent de répéter, qui me privent de mon père, qui me privent de ressentir sa tendresse, il me manque beaucoup.
Une demi-heure plus tard, qui passe comme un éclair, les soldats viennent et nous disent que le temps de la visite est terminé. Ils crient et nous poussent vers la sortie. C’est à ce moment que je commence à pleurer, et je me rappelle les paroles de ma mère, qui me dit : ceci est notre sort, il faut que nous supportions.
Ensuite, je me prépare à faire à nouveau le trajet de la douleur. De nouveau, le car qui nous emmène, et je me sens de nouveau fatiguée, la tête tourne, et je m’endors. Je me réveille et c’est déjà la nuit.
Nous arrivons au barrage d’al-Jalameh, puis où prenons les cars de la Croix-Rouge qui nous emmènent à Jénine, et de là, je reviens à la maison. Mes parents m’ont réservée une voiture qui me prend à Jénine, et j’arrive en général à 22 heures. Je me repose un peu, avec les membres de la famille, je leur donne les nouvelles de notre père, et puis je vais au lit, exténuée.
C’est mon histoire depuis quatre ans.
Tout au long de ces années d’absence, on se rappelle notre père. Au moment des repas, on se rappelle où il s’asseyait, ce qu’il disait, et même lorsque nous avons des moments de joie, on se le rappelle et nous devenons tout tristes. Comme lorsque mes soeurs se sont mariées, on était triste, malgré le moment de joie vécu par la famille. Son absence pèse sur nous tous les jours. Un vide s’est installé dans notre vie.
Marwa n’a qu’une seule envie, elle souhaite embrasser son père. "Je le souhaite et je rêve toutes les nuits à ce moment où il sera libre, comment on l’accueillera, comment sera ma vie lorsqu’il sera parmi nous. L’occupation m’a privée de sa présence. L’occupation a privé les membres de ma famille de le voir toute cette période. Je souhaite encore autre chose : que je puisse vivre le reste de mon enfance en toute liberté, que je puisse jouer comme les enfants du monde, que je ressente le goût de la vie, que je n’aie plus peur des assassinats et du sang, tout ce que nous apporte l’armée israélienne.