Accueil > Pour étayer le Non politique du Non divers - mais certain !

Pour étayer le Non politique du Non divers - mais certain !

Publie le mardi 10 mai 2005 par Open-Publishing
1 commentaire

Du "non" politique uni de l’Europe autour du non français, au non métapolitique divers, tout ce qui fait que le coeur du Non n’est pas à droite mais certain sur le fond et sur la forme, délocalisé, et en accord d’ailleurs.


 :// L’architecture du rejet
Par Michel Drac, 20 avril 2005

Subversiv me demande un billet sur le Traité Constitutionnel Européen. Chose curieuse, cela me fait penser à Sylviane Agacinski, l’épouse de Lionel Jospin.

En parlant du TCE, elle a déclaré, en substance, qu’elle ne comprenait pas qu’on puisse être contre.
Il y a pas mal de gens comme elle, parmi les partisans du « oui ». Ils ne comprennent pas le rejet du discours institutionnel. Essayons de leur expliquer.

Un « non » populaire

Ce que n’a pas vu madame Agacinski, c’est que la réalité prime les discours. En cela, la dame est représentative de nos soi-disant élites européennes, qu’en bon lecteur de Maurice G. Dantec, j’ai coutume d’appeler les zélites zéropéennes.
Ces gens sont dupes de la médiasphère dans laquelle ils évoluent. Conçue au départ pour leurrer les spectateurs passifs, cette médiasphère est devenue la prison mentale de ses animateurs. La méconnaissance qu’on voulait imposer au peuple est désormais le fait des princes : retournement classique dans l’histoire des régimes politiques finissants.
La preuve de cette auto-intoxication semble d’ailleurs avoir été donnée par Jacques Chirac lui-même. Il n’a pas correctement apprécié les risques du référendum. Sans cette erreur d’appréciation, même pour diviser la gauche, il ne se serait pas lancé dans cette aventure.

Essayons de décrire plus précisément ce que madame Agacinski n’a pas vu, ou pas voulu voir. Essayons de saisir l’esprit du temps.

Pour nos zélites zéropéennes, nul européen ne saurait s’opposer à la Zérope institutionnelle, puisque celle-ci se confond avec l’Europe réelle. Discours partial : dans les faits, la Zérope apparaît au contraire comme l’adversaire de l’Europe réelle.

Depuis quinze ans, à chaque fois que la Zérope dit quelque chose, l’Europe réelle éprouve le contraire. La Zérope fait l’Euro, et pour cela impose une politique de désinflation compétitive. Officiellement, il s’agit de renforcer la rentabilité du capital productif. Mais dans les faits, on assiste au gonflement de la rente et à la délocalisation des entreprises de main d’oeuvre. Puis, une fois l’Euro créé, la Zérope proclame le retour de la croissance. Mais dans les faits, l’Euroland s’enfonce dans la stagnation.

Un tel divorce entre discours et réalité ne peut pas durer éternellement. Tout se passe comme si la Zérope institutionnelle prétendait défendre l’Europe réelle, mais en réalité la défaisait. Du fait de cette contradiction permanente, l’opinion évolue.

La plupart des gens n’ont pas encore discerné l’origine du problème, mais ils en ont ressenti les effets de manière répétée. Ils commencent donc à se poser de sérieuses questions. Or, plus ils se posent des questions, plus ils sont amenés à reconsidérer leur point de vue.

Ainsi se détricote le discours institutionnel. Les spécialistes de l’action psychologique appellent ce mécanisme une dépersuasion. L’Histoire enseigne que c’est un mécanisme irréversible, c’est-à-dire qu’une fois le discours institutionnel déconstruit, il n’est plus possible de le reconstruire. Il faut en inventer un autre.

Tel est le mécanisme que madame Agacinski n’a pas décelé - ou plutôt tel est le mécanisme qu’elle a choisi d’ignorer, dans l’espoir de le conjurer. Semblable ignorance ne peut évidemment conduire nulle part. Les faits sont têtus.
Les électeurs dépersuadés ne jugent plus en fonction des belles paroles. Ils jugent en fonction de ce qu’ils voient. Or, ce qu’ils voient, c’est la réalité. Et ce que leur enseigne cette réalité, c’est que la politique macro-économique poursuivie sous l’impulsion de la Zérope conduit concrètement à privilégier toujours plus les revenus du capital spéculatif vagabond, au détriment des revenus du travail et du capital productif investi localement.

Ces concepts généraux recouvrent sur le terrain des faits très concrets - hausse du chômage, chantage à la délocalisation, inflation sauvage. Ce sont ces réalités indéniables qui expliqueront le « non » populaire. Il est impossible de dire si ce « non » sera majoritaire dans le pays, mais ce qui est certain, c’est qu’il sera non négligeable.

A ce « non » populaire, il ne faudra pas chercher des justifications élaborées. C’est une réaction instinctive, l’expression d’une exaspération parfois légitime, parfois illégitime.

Exaspération légitime, la réaction de l’ouvrier licencié, à qui la commission européenne présente les délocalisations comme un « phénomène positif ». Notre homme en déduira fort logiquement que la commission européenne parle d’un phénomène positif pour la rentabilité du capital spéculatif - et non, évidemment, pour les intérêts relativement convergents des travailleurs et du petit patronat. D’où un certain sentiment de dépossession chez les petites gens.

Exaspération illégitime, en revanche, la réaction corporatiste du statufié, fonctionnaire ou autre, qui ne défend guère que ses privilèges, parfois indus.

Mais au fond, peu importe. Qu’il procède ou non d’une exaspération légitime, le suffrage populaire est légitime sui generis. Même injuste, sa sanction doit être acceptée, qui révèle à tout le moins un manque de lisibilité dans l’action politique.

Dans ce contexte, l’objectif des « nonistes de gauche » est très clair : il s’agit d’exprimer une exaspération telle que les classes dirigeantes seront contraintes de réviser leurs choix macro-économiques.

Certains critiquent ce « non », au motif que le sujet du référendum est la constitution, pas la politique macro-économique. Critique elle-même critiquable, dans la mesure où la constitution verrouille implicitement le pilotage macro-économique.

Cette question du verrouillage des choix macro-économiques nous amène au deuxième « non » : le « non » politique.

Un « non » politique

Dans le prolongement du « non » populaire, touffu et plus ou moins légitime, il y a le « non » politique, autrement plus structuré. Ce vote-là ne prend pas prétexte du référendum. Il critique le TCE sur le fond.

Ne nous attardons pas sur les faiblesses du texte, elles sont bien connues. De la quasi-impossibilité d’une révision au flou dans la définition du périmètre de l’Union, le TCE est un tissu de contradictions et de compromis boiteux. Ceux qui veulent en savoir plus peuvent se reporter aux sites spécialisés.

Demandons-nous plutôt comment on en est arrivé là. La procédure de rédaction en dit long sur le contexte idéologique zéropéen.

Cette procédure est la copie presque conforme de celle adoptée en 1787 pour rédiger la constitution des Etats-Unis. Délégation par les Etats de représentants siégeant en assemblée, lesquels s’interdisent de rien communiquer de leurs délibérations avant l’achèvement de leurs travaux, puis soumettent leur projet à la ratification des Etats constituants. En Amérique, le résultat fut un texte de 4000 mots, clair et synthétique, énonçant de grands principes souples, élaborés au terme d’un processus transactionnel concluant.

Le moins qu’on puisse dire, c’est qu’en Zérope, le résultat a été moins concluant.

Pour comprendre les raisons de cet échec, il faut nous demander ce qu’est l’Europe réelle, par opposition à ce que la Zérope institutionnelle voudrait qu’elle soit. En effet, l’essence de l’Europe réelle est constituée par ses nations, alors que la Zérope institutionnelle voudrait justement se construire au mépris de cette essence.

Nos dirigeants ont voulu refaire l’Histoire américaine. Mais ce faisant, ils ont nié l’Europe réelle. La procédure américaine était bien adaptée à d’anciennes colonies britanniques, désireuses de se constituer en une nation, homogène de par son héritage institutionnel et culturel. Cette procédure de rédaction centralisée traduisait un fait national dans le domaine institutionnel.

A l’inverse, il n’y a aucun fait national zéropéen. Les nations européennes restent constituées, de par leur originalité linguistique. Dotées chacune de leur personnalité historique propre, poursuivant des intérêts parfois divergents, elles ne peuvent se fondre réellement dans un ensemble supranational. C’est pourquoi la Zérope institutionnelle est structurellement boiteuse.

En fait, pour sortir de l’impasse du traité de Nice, deux procédures étaient envisageables. Soit l’on décidait de créer les Etats-Unis d’Europe, et alors, dans une optique franchement révolutionnaire, il fallait élire une assemblée constituante au scrutin continental par liste, consacrant ainsi la naissance d’une nation européenne. Soit l’on constatait que les nations européennes restaient les réalités essentielles du continent, et l’on revenait tout bonnement à une Europe de la coopération.

A l’inverse, le TCE prononce le divorce entre l’Europe réelle et la Zérope institutionnelle. D’un côté des intérêts divergents, de l’autre une souveraineté théoriquement supérieure, mais sans unité de la volonté. Tout cela risque fort de déboucher sur une paralysie complète.

A ce point de la réflexion, une question se pose : le TCE a-t-il pour but de créer une Union Européenne viable ? Et si c’était un leurre ? Et si la paralysie des institutions était en réalité une incidence acceptable, du point de vue des inspirateurs du texte ?

Demandons-nous qui en fait dirige l’Union Européenne. A quoi pensent ces gens-là ? Quel est leur horizon temporel ?
Ecoutons les connaisseurs des institutions zéropéennes. Leur constat est sans appel : en pratique, les commissaires contrôlent difficilement leurs propres services. Ce sont les fonctionnaires qui dirigent la Zérope. Et à travers eux, les lobbys.

Ce constat explique comment l’Europe des fondateurs s’est réduite à la Zérope. En réalité, il n’y a plus de vision politique derrière la construction zéropéenne. Les véritables inspirateurs de cette construction sont exclusivement préoccupés de questions économiques, et ils ont de l’économie une vision très financiarisée. Les questions politiques fondamentales ne les intéressent pas. C’est pourquoi non seulement ils ne s’inquiètent guère des éventuels blocages institutionnels, mais en outre ils en escomptent une position d’arbitrage.

Ainsi, la coquille institutionnelle européenne est désormais squattée par le projet zéropéen. Les classes dirigeantes européennes ne parviennent pas à penser notre civilisation, même pas par opposition au reste du monde : ne reste que le pouvoir de l’argent.

Quelques exemples.

Prenons la question turque, pour commencer. Bien sûr, l’entrée de la Turquie en Europe est planifiée. Le référendum sur cette question ne sera organisé qu’une fois la population « mûre », idéologiquement et ethniquement. C’est l’évidence.
Mais pourquoi la Zérope tient-elle tant à intégrer la Turquie ? En apparence, c’est absurde. Ce grand pays appartient principalement à l’aire de civilisation musulmane. Il est très lié à l’Asie Centrale, il a peu d’intérêts convergents avec l’Europe. L’entrée de la Turquie, c’est la paralysie garantie pour la Zérope.

S’agit-il d’acquérir un surcroît de puissance ? Voire. La Turquie n’offre aucune ressource naturelle vitale. Même dans le cadre d’une grande politique arabe, la carte turque est assez contestable. Au reste, le règne du tout pétrole s’achève et à long terme, il est plus intéressant de se tourner vers la Russie.

Alors pourquoi l’insistance de la Zérope à se fourrer dans le guêpier turc ? - Tout simplement parce que la rentabilité du capital spéculatif exige qu’on importe en Europe une main d’œuvre abondante et bon marché. L’objectif est évident : il s’agit de réviser le partage des surplus de productivité. Et peu importe si, à long terme, l’Europe réelle est submergée par le monde musulman. L’essentiel est que sur une période de trente ans, le rendement du capital soit maximisé !

Prenons un autre sujet sensible : la réforme de l’Etat. Tout le monde en France sait que la fonction publique doit être réformée. Et cependant, on ne fait rien. Mieux : alors que nos partis politiques sont étroitement liés aux confédérations syndicales, politiciens et syndicalistes nous offrent un affrontement de comparses, avec pour seul résultat le maintien des corporatismes.

Situation absurde : l’Etat programme sa propre faillite.

Situation absurde, mais qui s’explique très bien dans le cadre d’une stratégie de pourrissement. Si nos dirigeants ne réforment pas l’Etat, c’est parce qu’ils ne le veulent pas ! Leur logique est de restreindre le choix politique à deux alternatives également mortifères : ou bien le maintien des conservatismes, ou bien la soumission aux intérêts du capital spéculatif à travers la privatisation générale de la société.

En somme, à l’imitation des grands féodaux du Moyen Âge, par un enchaînement complexe de stratégies conscientes et de réflexes de caste, les oligarchies technocratiques déconstruisent l’ordre public pour rendre désirables les souverainetés privées. Tel est le fond de l’affaire. En la matière, la construction zéropéenne fonctionne comme un système de cliquets : elle institutionnalise à son tour chaque étape de ce processus de démolition générale, ce qui rend les évolutions irréversibles.

Nous pourrions continuer ainsi sur des pages et des pages, à propos de la stratégie des leurres mise en place par la deuxième gauche, à propos de l’immigrationnisme aberrant de certains milieux islamophobes, à propos de bien d’autres sujets encore... Faute de place, nous ne développerons pas davantage. Constatons simplement que les incohérences de nos classes dirigeantes s’expliquent très bien, dès lors qu’on admet leur allégeance au capital spéculatif.

C’est le rejet de cette féodalisation illégitime qui structure secrètement le « non » politique. Même si la racine du problème est ignorée de certains acteurs, tous ont perçu la nécessité d’une refondation du principe de souveraineté.
A partir de ce rejet fondateur, le « non » politique déploie une arborescence complexe, vivante, mouvante. Il s’agit d’un vote contestataire et conservateur à la fois. Contestataire envers le nouvel ordre féodal, mais conservateur par sa défense de l’Etat-nation. D’où une certaine ambiguïté. En outre la droite pose franchement le problème en termes de souveraineté, alors que par réflexe, la gauche de combat privilégie le clivage entre solidarités populaires et capitalisme sauvage.

Et cependant, malgré cette polyphonie parfois dissonante, il semble que le « non » possède une surprenante capacité à faire s’adosser ses tendances les unes aux autres. Comme s’il existait une unité idéologique latente derrière la diversité évidente des « non » de droite et de gauche.

Il nous faut à présent parler des enjeux métapolitiques.

Un « non » métapolitique

La politique peut être vue comme une intermédiation entre les exigences de l’époque et les revendications du peuple. Mais elle peut aussi se montrer volontariste. Dans cette optique, elle est reliée non seulement à l’économique et au social, mais aussi au spirituel et au culturel. Là commence le débat métapolitique. Il s’agit de gérer l’espace mental collectif, au-delà de l’espace matériel.

Cet aspect de la situation paraîtra irréel, mais il ne faut pas s’y tromper : c’est dans le domaine métapolitique que se trouve la matrice conceptuelle des forces agissantes. Généralement, il s’agit de façonner la société à travers la culture, par un effet de choc en retour. Plus rarement, les acteurs métapolitiques visent réellement le domaine symbolique pour lui-même.

Quand il s’agit d’approuver une constitution, la question métapolitique est incontournable.

Ce qui saute aux yeux, quand on lit le TCE, c’est l’emprise des signifiants sur les schémas mentaux de ses rédacteurs. On dirait que pour ces gens-là, les signifiants justifient les signifiés, comme si ceux-ci pouvaient s’émanciper impunément de l’ordre des choses. Telle est la formule de pensée de nos zélites zéropéennes : c’est un nominalisme perverti.

C’est ainsi que la Zérope prétend exister uniquement à travers ses institutions, au point de ne pas toujours distinguer dans ses finalités entre le bien de ses citoyens et celui du reste du monde. Etrange construction politique, qui ne se pense pas en fonction de sa substance charnelle, mais se constitue pour ainsi dire comme une administration anonyme.

Au-delà des intérêts immédiats du capital vagabond, comment une telle formule de pensée a-t-elle pu s’imposer au sommet de notre continent ? Pourquoi imprègne-t-elle à ce point nos élites ? Car on voit bien qu’il s’agit d’un problème de fond, n’est-ce pas ? Pourquoi avons-nous besoin de ce simulacre, interposé entre l’Europe réelle et la perception que nous en avons ? Qu’est-ce que nous cherchons à ne pas voir ?

La vérité que nous cache le simulacre zéropéen, c’est que l’Europe réelle est morte, parce qu’elle n’est plus une civilisation. Elle n’a plus de projet autre que sa préservation, elle ne cherche plus à élever le réel jusqu’à la beauté, elle ne structure plus l’espace mental des peuples. Elle ne fait pas rêver.

Nous autres zéropéens, nous n’existons plus que comme profiteurs du monde. Nous nous gobergeons frénétiquement pour oublier que nous n’avons pas d’avenir. Nous ne sommes plus qu’une foule, hantée par le désir compulsif de régresser vers la matrice fusionnelle. D’où la nécessité du simulacre, qui nous dissimule notre pourrissement.

Ainsi, notre Zérope n’est pas chrétienne : elle adore Mammon, elle est fondamentalement satanique. Mais il serait injuste d’imputer ce malheur à nos seules zélites zéropéennes. Celles-ci n’ont rien fait pour résoudre le problème, certes, mais elles ne l’ont pas pour autant créé. Le mal est en chacun de nous. Il ne retranche pas de la vérité une classe sociale donnée. En chaque européen, et donc en chaque Français, il y a une part du mensonge. C’est du cœur de notre culture que jaillit la source mortifère.

Pour comprendre comment nous en sommes arrivés là, il faut nous interroger sur la nature de l’Europe occidentale d’après 1945, ou de l’Europe orientale d’après 1989. Ces Zéropes d’après le cataclysme n’ont plus d’âme. Elles forment un continent zombi - au mieux un prolongement apathique du véritable cœur de l’Occident, à savoir les Etats-Unis.
Seulement, ce qui fonctionne outre-Atlantique ne fonctionne pas chez nous.

La société américaine a un sens en Amérique. Là-bas, elle renvoie à l’essence secrète d’un projet national, en l’occurrence la libre expérimentation spirituelle. Mais ce projet-là n’est pas le nôtre, et pourtant nous n’avons aucun projet alternatif à lui substituer. Nous ne pouvons donc que singer le système américain, alors qu’il ne correspond pas à notre nature profonde.

C’est ainsi que notre Zérope est devenue le monde le plus bête de l’Histoire. Un monde en pleine implosion culturelle, démographique et même économique, un monde qui ne tient que par la supériorité illusoire d’un avantage technologique momentané. Et un monde, cependant, qui s’acharne à se perpétuer, dans l’attente de sa chute.

Le drame des zélites zéropéennes, c’est justement que la chute approche. D’où la fuite en avant.

Pour assurer son pouvoir, la social-démocratie européenne a promu un système de références débilitant, destiné à modeler des consommateurs compulsifs et des salariés dociles. Le résultat de cette entreprise d’abrutissement général, c’est une fragilisation extrême du corps social. L’Europe n’a plus de tripes.

Or, avec l’épuisement des ressources naturelles et la montée en puissance de blocs rivaux, nous entrons dans un monde où il faudra avoir de la tripe ! Il devient donc nécessaire de retrouver une certaine volonté de puissance, faute de quoi nous serons balayés.

Dans ce contexte, on peut lire l’attitude de nos dirigeants comme une stratégie de classe partiellement programmée. Du point de vue de la bourgeoisie, en effet, il s’agit désormais de préserver son mode de vie, ce qui suppose que quelqu’un d’autre acquitte le prix amer de la re-mobilisation économique du continent. D’où la décision de réduire les classes moyennes à une certaine insécurité. D’où la nécessité d’un verrouillage institutionnel, ce qui est le véritable objectif du TCE.

Le problème est que cette stratégie de classe n’a aucun sens à long terme. Elle renvoie à une perception réductrice du fait politique. Une société ne peut être viable, qui a cessé de se représenter à elle-même. La Zérope va tenter de masquer momentanément la crise, mais ce faisant, elle va nous jeter dans une fuite en avant désastreuse. Pour redonner vie à l’Europe, il faudra lui offrir bien autre chose qu’une dérisoire utopie libérale - libertaire, énième avatar de l’idolâtrie marchande.

Derrière la multiplicité des « non » qui vont s’exprimer le 29 mai, il y aura souvent le pressentiment de cet enjeu métapolitique. Une motivation inconsciente que nous pourrions baptiser le désir de catastrophe.

Ressentant confusément leur responsabilité historique, de nombreux Français veulent en fait la dislocation de la Zérope. Ils veulent déchirer le voile qui cache l’ampleur du désastre. Ils veulent que l’Europe se découvre morte, parce qu’à l’instant où elle se saura morte, elle commencera à renaître. Spirituellement, culturellement, et par contrecoup démographiquement et politiquement.

Ce « non » métapolitique ne visera donc aucun objectif institutionnel zéropéen. D’ailleurs, beaucoup d’électeurs du « non » ne souhaitent plus discuter avec les dirigeants. Ils souhaitent au contraire que les dirigeants se taisent, parce qu’ils n’ont plus rien à dire. En ce sens, le rejet de la Zérope exprimera parfois une revendication sécessionniste.

M.D.

In http://www.subversiv.com

Messages

  • C’est un très bon texte.
    Mais il n’envisage qu’un aspect de cette réalité noétique :
    Si crise il y a, elle est mondiale !
    L’"Europe" (concept non défini) dégénère seulement plus vite que les USA.
    Nous assistons à une usure des idées, concepts des "lumières" et de la révolution scientifique moderne. Ces concepts s’avérant faux, illusoires et au bord de l’effondrement. Mais aucun système de remplacement ne semble surgir, et on entrevoit une béance, un vide, un abîme.
    Fin de : capitalisme, socialisme, communisme, anarchisme, royalisme, fachisme, libéralisme,
    Fin de : relativité générale, théorie du chaos, de l’information, quantique, de la cosmologie, de la génétique, de la médecine moderne etc.
    Fin de : la littérature, peinture, musique, philosophie, etc.
    Fin de : religions chrétienne, musulmane, bouddhiste, juives, animistes, chamanistes etc
    TOUT CE MELANT A TOUT EN UNE FUSION QUI RESSEMBLE A UN CHAOS