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Pourquoi je refuse de participer au comité de Yazid Sabeg

Publie le mardi 17 mars 2009 par Open-Publishing
4 commentaires

Pourquoi je refuse de participer au comité de Yazid Sabeg

Historien de l’immigration, Patrick Weil refuse de participer au comité pour la mesure et l’évaluationdes discriminations et de la diversité mis en place par Yazid Sabeg, commissaire à la diversité. Voici la lettre qu’il lui a envoyée.

Monsieur le Commissaire,

J’ai bien reçu votre invitation à participer à un « comité pour la mesure et l’évaluation des
discriminations et de la diversité » et vous en remercie. J’ai toujours pensé que pour un chercheur, accepter de faire partie d’un comité, d’une commission nommée par le pouvoir politique, c’était faire de la politique. En faire avec la formation et l’information du scientifique, mais en faire tout de même puisqu’il s’agit de faire des propositions politiques, ce qui implique, non pas un accord complet, mais un minimum d’accord avec le cadre général de la politique suivie dans le domaine de la mission ou de la commission.

Or dans des domaines qui sont particulièrement de ma compétence, ceux de l’immigration et de la nationalité, qui ne sont pas étrangers à la mission de votre commissariat, le gouvernement qui a vous a nommé mène une politique discrètement et objectivement discriminatoire, à un niveau jamais atteint depuis la Seconde Guerre mondiale, sous l’impulsion d’un ministère de l’immigration et de l’identité nationale,
inédit dans notre histoire politique. Je ne me vois pas travailler aux outils de la lutte contre la discrimination dans le cadre d’une commission nommée par vous, pendant que les naturalisations et l’accès à la nationalité par mariage, le regroupement des conjoints de Français, pour ne citer que quelques exemples, continueront de s’effectuer de façons de plus en plus discrétionnaire et discriminatoire.

Je ne saisis pas non plus très bien l’objectif de cette commission et il m’inquiète même pour le moins. S’agit-il mettre en oeuvre une politique de lutte contre les discriminations en raison de l’origine réelle ou supposée ? Si c’est le cas, les instruments existent, ils ont été rappelés clairement par la commission présidée par Madame Simone Veil dont j’approuve l’excellent rapport.

Au mois de juin dernier Patrick Simon et moi-même rappelions que dans le cadre constitutionnel existant, une meilleure connaissance des nationalités et lieux de naissance des ascendants, croisée avec des données socioprofessionnelles permettraient dans les statistiques publiques et au niveau des grandes entreprises
privées de mieux approcher les phénomènes discriminatoires et d’ainsi mieux les combattre. De façon ponctuelle, pour permettre notamment de relier les informations recueillies à partir de ces données objectives à la perception ou la réalité des discriminations, sur échantillon anonyme et sous le contrôle de la CNIL, des enquêtes conduites par la statistique publique pourraient contenir des questions faisant
référence à la religion, aux origines ou à la couleur de la peau.

Mesurer la diversité dans la société française est un objectif différent, qui ne me paraît ni prioritaire ni de même de la compétence légitime des pouvoirs publics, contraire en réalité à l’article 1 de notre Constitution.

Pour toutes ces raisons, je ne peux accepter votre proposition.

Je vous prie d’agréer, Monsieur le Commissaire, l’expression de mes sentiments les meilleurs.

Patrick Weil

Source TERRA :

http://www.mediapart.fr/club/edition/les-invites-de-mediapart/article/120309/pourquoi-je-refuse-de-participer-au-comite-de--0

Messages

  • Contre-exemple qui démontre l’inutilité de ce genre de statistiques pour lutter contre les discriminations :
    Comme la date de naissance et le sexe de chaque personne sont connues, on peut mesurer de façon très précise, les discriminations fondées sur l’âge et le sexe, notamment en matière d’emploi.
    Cela ne fait pas avancer la lutte contre ces discriminations. On les mesure, c’est tout. On les connaissait déjà.

  • Mesurer (statistiques ethono-raciales) permettra de lutter contre les discriminations. Pourquoi ?

    Car en France aujourd’hui, beaucoup de Français (qui s’appellent François ou Martine) ignorent qu’on peut s’appeler Mohammed ou Abdoulaye, Fatima ou Aïcha ou autre et être français. Pire, beaucoup de Français pensent que nous, enfants d’immigrés, nous ne constituons qu’une infime minorité de la population quand assurément nous devons être 15 voire 20 % de la population à ne pas avoir le bon faciès.

    Une fois qu’on aura mesuré combien nous sommes, nous serons en droit de dire : "nous voulons 15% voire 20 % de FRANCAIS d’origine maghrébine, asiatique ou africaine" au Sénat, à l’Assemblée, au gouvernement, aux postes clefs et aux postes pas clefs dans les entreprises, à la TV, dans la culture, dans les immeubles, dans les quartiers, à la campagne ! Bref, on pourra demander l’égalité (article 1 de la Constitution).

    La gauche nous a endormi avec de bonnes paroles : ça suffit ! Nous, on crève... du racisme, de la misère et de l’exploitation. Alors, des actes !

    Je suis d’extrême-gauche mais j’approuve entièrement l’action de Y. Sabeg.

    Je suis peinée de voir qu’à gauche certains sont contre, peinée mais guère étonnée : Jues Ferry était pour la colonisation (quand Clémenceau la dénonçait), Guy Mollet a fait la guerre d’Algérie (De Gaulle a décolonisé). Bref, on a tristement l’habitude ! On aurait aimé de l’extrême gauche qu’elle soit à nos côtés. Mais n’est-ce pas le PCF qui disait dans les années cinquante : "Les Français d’abord" ?

    Ceux qui prétendent être contre ces statistiques car ils sont CONTRE le racisme, sont ou des menteurs ou des inconscients. Etre contre ces statistiques c’est ne pas vouloir que les choses changent. Evidemment quand on est blanc, on s’en fout : on ne risque pas de se voir refuser un appartement ou un travail parce qu’on est noir ! On peut s’en foutre, oui... on peut même s’en réjouir cruellement !