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SBFM : "On est devenu de la viande à bosser !" dit Nico

Publie le samedi 20 décembre 2008 par Open-Publishing

Depuis cinq ans, Nicolas Guillemette, dit Nico, travaille de nuit à la Société bretonne de fonderie et mécanique. Rencontre avec un salarié de 33 ans inquiet pour l’avenir de la SBFM.

Je suis assistant régleur sur la principale ligne de production de la SBFM. Je travaille en équipe de nuit permanente. Les deux autres équipes de 2/8 tournent, pas nous. Nous fabriquons aujourd’hui environ 120 moules à l’heure alors qu’il y a quelques semaines, nous en faisions 200 à 250 moules. La semaine prochaine, on est en congé payé obligatoire.

« On ne sait pas comment l’usine va reprendre le 5 janvier. J’ai fait grève une semaine fin octobre pour défendre mon emploi, pour ma famille, l’emploi de mes camarades. Pour me dire que je me serai battu et que je sortirai la tête haute.

« Nous travaillons dans la poussière de sable et d’argile qui font les formes des moules. Il y a des fuites car les machines ne sont pas entretenues comme il faut. Depuis que les Italiens sont arrivés à la tête de l’entreprise, ils ont mis l’usine sur le programme essorage et ils vont jusqu’au bout. Nous travaillons de manière honteuse. On est arrêté de temps à autre parce qu’il manque du minerai. Quand on a la ferraille, il manque un additif. Il y a quelques jours nous n’avions plus de savon, plus de boules Quies, plus de papier toilette.

« Je gagne 1 500 € environ par mois avec les primes de nuit. Le métier est devenu dur par rapport aux conditions de travail et au stress. Ça reste un métier physique. En bas, les gars soulèvent de la fonte : il y a du mal de dos et de bras. Si nous avions un outil entretenu, nous pourrions supprimer pas mal de problèmes.

« De la viande à bosser »

« Ma compagne travaille dans une librairie de Lorient. Nous avons deux enfants, un garçon de huit ans et une fille de quatre ans. J’essaye de ne pas ramener mes problèmes de boulot à la maison. Nous avons acheté un terrain à Hennebont où nous construisons une maison. Ma femme est inquiète.

« À l’annonce du redressement judiciaire, même si la majorité d’entre nous n’avait pas de doute sur l’état actuel de l’entreprise, nous avons pris quand même une bonne claque. Au quotidien, les salariés ont moins le moral. On sent les tensions même si on essaye d’être soudés. Tout le monde doute. On est devenu de la viande à bosser !

« L’âge d’or de la SBFM, c’était l’époque Renault avant 1998. Quand l’entreprise gagnait de l’argent, était autosuffisante. À l’époque, il était bon d’entrer dans la SBFM. En 2004, nous étions encore 730 salariés et une centaine d’intérimaires contre 550 salariés aujourd’hui. L’entreprise peut vivre si demain quelqu’un met des ronds pour la restaurer. C’est un gâchis. Nous avons un savoir-faire et on ne nous donne pas les moyens.

« Si Renault nous reprend »

« Demain mon fils de huit ans viendra à la manif d’Hennebont. Je ne vais pas lui dire que je peux perdre mon emploi demain. Mais, quoi qu’il en soit, je me bats pour le garder.

« Je voudrais être optimiste et j’espère que Renault nous reprendra. C’est la seule solution. Nous travaillons pour eux à 68 % et nous savons faire ce qu’il demande. Aujourd’hui, nous ne pouvons pas tourner à moins de 550 salariés. Mais si Renault nous reprend, cela se fera sans doute avec des conditions. Il y a beaucoup de choses en jeu.

« La SBFM, c’est près de 1 500 emplois induits. C’est un bastion de la lutte syndicale. Si nous tombons, alors je ne sais pas ce qu’il adviendra de beaucoup d’entreprises des environs. »

Recueilli par Christian GOUEROU.

La manifestation organisée pour soutenir l’emploi à la SBFM, en redressement judiciaire, démarre à 10 h à Hennebont.

Ouest-France} du samedi 20 décembre 2008

 www.lorient.maville.com/actu/actudet_-Nicolas-se-bat-pour-son-boulot-et-sa-famille

 HALTE A LA CASSE DE L’EMPLOI DANS LE MORBIHAN