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Sud Liban : retour des réfugiés dans un pays dévasté

Publie le jeudi 17 août 2006 par Open-Publishing
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Des milliers de personnes regagnent leurs villages. Les destructions sont terribles. Les combattants et les militants du Hezbollah sont partout présents. Reportage.

de Pierre Barbancey, Aït-Chaab (frontière libano-israélienne)

C’est un signe qui ne trompe pas : à Tyr, les enfants ont retrouvé le chemin de la mer. Hier, sur les plages de sable fin, ils tentaient d’oublier ce mois de cauchemar, alors que les routes, désertées depuis des semaines, se remplissaient toujours un peu plus. Au nord de Tyr, les autorités ont ponctuellement remblayé, à l’aide de pelleteuses, le lit du Litani, ouvrant deux voies de circulation dans les deux sens pour pallier l’absence de ponts, détruits par les raids israéliens. C’est par milliers que les Libanais ont pris les routes qui mènent au sud du pays, vers les villes et les villages qu’ils avaient abandonnés, fuyant les bombardements. Personne ne tient compte des tracts largués en début d’après-midi par un avion israélien. « La situation va rester dangereuse dans le sud tant que l’armée libanaise et la force de l’ONU ne se seront pas déployées sur tout le sud du Liban », préviennent les papiers signés du commandement des forces de défense israéliennes. « Pour votre sécurité, nous vous demandons de ne pas revenir tant que les forces censées assurer votre - sécurité ne seront pas déployées », poursuit le texte.

Certains ont empilé des matelas sur le toit de leur véhicule. Le soulagement le dispute à l’angoisse car ils ne savent pas comment ils vont retrouver leurs habitations. En partant de Tyr, en direction des localités frontalières, c’est un véritable spectacle de désolation qui se présente. Les routes sont salement endommagées, les pylônes électriques arrachés. Malgré la violence de l’offensive israélienne, tous les habitants ne sont pas partis. À Alma-Chaab, un village chrétien, ils étaient 156 à braver les bombes. « Nous nous sommes réfugiés dans l’église, explique Jamil Haddad, ancien gendarme. Mais nous avons tenu à rester parce que c’est tout ce qu’on a et on ne voulait pas quitter nos biens. »

« Ils sont entrés

et ont tout cassé »

À Thaine, mêmes visions. « Les Israéliens sont partout, tout autour, indique Ali Darwich, la voix tremblante. Nous avons eu trois morts ici, dont une petite fille. » Il ajoute : « Nous, ce qu’on veut, c’est la paix. » À l’entrée de Yarine, un vieillard se lamente : « Ils ont tiré sur toutes les maisons, sont entrés et ont tout cassé. » De la main, il montre les façades éventrées ou criblées de balles. Quelques kilomètres plus loin, à Al-Boustane, une petite vieille nous fait signe d’arrêter. Elle est en pleurs. Elle est seule avec son mari handicapé, Mustafa, et ils n’ont plus rien. Mustafa est sur la terrasse, un énorme sac plein de boîtes de médicaments vides à ses côtés. Atteint d’un diabète aigu, il a été amputé des deux jambes. « Donnez-nous des médicaments et à manger », implore-t-il.

Pas un village n’a été épargné et certains sont totalement détruits. C’est le cas d’Aït-Chaab, à la frontière avec Israël où les affrontements ont été particulièrement violents. Les combattants du Hezbollah sont là. Certains sont encore en treillis. Ils portent tous leurs armes. Leur chef, lui aussi en treillis, le visage masqué par un keffieh, lunettes de soleil et casquette noire. « Les Israéliens ont essayé d’entrer par le côté est, mais ils ne sont pas parvenus à le faire. Ils n’ont jamais occupé Aït-Chaab. Ils ont eu énormément de pertes. Ils se sont enfuis en laissant leurs armes derrière eux. » Pour preuve, il tend au-dessus de sa tête un fusil M16 qu’il a, dit-il, « pris sur le - cadavre d’un soldat ». À quelques encablures, la carcasse calcinée d’un char israélien semble indiquer que l’homme ne ment pas. Dans une villa en contrebas, on trouve même d’importantes quantités de nourriture, des boîtes de conserve aux étiquettes en hébreu qui ne laissent aucun doute sur leur provenance, mais aussi des armes, dont un mortier. Hier, les combattants du Hezbollah faisaient encore le tri des armes, des camionnettes emportaient des katiouchas, alors que l’armée israélienne était toujours présente.

« On ne pliera pas devant l’ennemi »

La branche politique du Hezbollah n’a pas non plus perdu de temps. Ses militants sillonnent les routes du Sud en déployant le drapeau de leur organisation. Le mouvement chiite propose son aide et un premier pécule aux déplacés qui ont perdu leur toit dans les bombardements israéliens. À l’entrée de Tyr, ils distribuent des bonbons et de grandes banderoles jaunes tendues assurent : « Le beau petit Liban a vaincu Israël » ou encore : « On ne pliera pas devant l’ennemi. » Un mégaphone diffuse des extraits de discours du chef du Hezbollah et des slogans de foules enflammées : « Mort à Israël ! Mort à l’Amérique ! »

À un carrefour de la ville, un responsable du Parti de Dieu supervise 150 militants qui viennent d’entrer à bord d’une trentaine de camions bourrés à ras bord de riz, de sucre, de farine, de boîtes de conserve et de lait pour enfant. « Depuis le début de l’offensive israélienne, notre action consiste à aider les déplacés dans les écoles de Beyrouth. Maintenant qu’il y a le cessez-le-feu, nous revenons au sud et une autre équipe s’est rendue à Nabatiyé », indique ce responsable. « Ici, nous travaillons sur trois axes : Tyr-Abbassiyé, au nord-est, Tyr-Cana et jusqu’à Kafra et Yater, au sud-est, et Tyr-Naqoura, au sud. Nous allons tenter, si possible, de louer des appartements. Lorsque nous aurons terminé le recensement supervisé par 60 ingénieurs du Hezbollah pour la région de Tyr (qui compte 60 villages et hameaux), le rapport sera remis à Seyyed Hassan Nasrallah », ajoute-t-il en évoquant le chef du mouvement. Une activité qui n’est pas vraiment du goût des militants d’Amal, le mouvement chiite de Nabih Berri, le président du Parlement. Mais ils n’ont rien pu faire quand le Hezbollah est venu planter son drapeau dans les villages, qui flotte maintenant sur tout le Sud Liban, comme un pied-de-nez aux Israéliens qui n’ont pu venir à bout de cette résistance.

http://www.humanite.fr/journal/2006-08-16/2006-08-16-834969

Messages

  • D’où vient tout cet argent que possède le Hezbollah ? Du pétrole iranien ? Possible, car avec la flambée du prix du baril de pétrole, les pays producteurs ont gagné le pactol. Alors pourquoi tant de misère et de manque de libertés dans ces pays-là ?
    Pour en revenir à cet article, le Hezbollah devrait avoir la "victoire modeste", car les armes ne viennent pas du Liban, ni l’argent. Il devrait choisir la voie de la pacification, c’est tellement nul de chercher noise en brandissant le drapeau du "parti de dieu". Il a bon dos ce dieu qui est mis à toutes les sauces. On voit bien comment les gens sont achetés. Ca devrait être du ressort du gouvernement libanais de s’occuper entièrement de sa population et ne pas laisser des pans entiers entre les mains de mouvements qui pourraient conduire à un nouveau drame humain.

    Une question tracasse de plus en plus de monde c’est pourquoi les USA aidés d’Israël ont voulu détruire des Chiites du Liban (Hezbollah), alors que ces mêmes USA soutiennent et mettent au pouvoir des Chiites d’ Irak, mais veulent entrer en guerre contre les Chiites d’ Iran.