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Vos droits nationaux valent combien ?

Publie le jeudi 31 juillet 2003 par Open-Publishing

Le premier ministre palestinien Mahmoud Abbas a été reçu vendredi à la Maison-Blanche. Ariel Sharon l’a rencontré mardi. Si les deux visites n’ont pas la même valeur - il y avait longtemps qu’un dirigeant palestinien n’avait pas été reçu à Washington - il semble néanmoins qu’on assiste à une certaine accélération dans le processus lancé par les États-Unis. Car, dans le fond, si la fameuse " feuille de route " est régulièrement citée comme nouvelle référence et est parrainée par le quartette (États-Unis, Union européenne, Russie, Nations unies), Bush n’entend pas partager une quelconque initiative avec ses autres partenaires. C’est que le calendrier américain est précis et nécessite quelques contorsions, quelques concessions sur la forme, tout en gardant le cap sur l’idée essentielle : remodeler une fois pour toutes le Proche-Orient dans le cadre des intérêts américains, ce qui implique une nouvelle relation entre les pays arabes et Israël, d’un côté, et la neutralisation des revendications historiques et politiques des Palestiniens, de l’autre. D’où la tentative de marginalisation de Yasser Arafat alors que, sur le terrain, la trêve décrétée par les organisations palestiniennes tient toujours mais que la cote de popularité de Mahmoud Abbas est au plus bas.

Vendredi, George W. Bush s’est justement voulu soucieux du problème palestinien, critiquant même Israël qui continue d’édifier un " mur de protection ". Qu’a dit le président américain ? " Il est très difficile de développer la confiance entre les Palestiniens et les Israéliens avec un mur serpentant au travers de la Cisjordanie, et je continuerai à discuter de cette question très franchement avec les premiers ministres. " Or, pendant ce temps-là, ce mur continue de s’allonger. Il n’est qu’à se rendre en Cisjordanie, par exemple vers la ville de Kalkyliah, pour s’en rendre compte. Il y a fort à parier que d’ici la fin des discussions, le mur sera lui aussi terminé ! Israël, par le biais d’un officiel, explique que " cette clôture est une nécessité et non un choix ". Le même a poursuivi en soulignant que le président Bush avait toujours mis en avant le droit d’Israël à se défendre. Ce qui est exact. Et rien dans les propos de Bush n’indique qu’il va exercer une pression pour la destruction de ce mur.

De même, concernant la libération des prisonniers (autre gros point du dossier), Israël a reçu un blanc-seing de Washington qui explique que ce problème doit se résoudre " au cas par cas ", car " personne ne veut laisser un meurtrier de sang-froid sortir de prison et cela contribuerait à faire dérailler le processus de paix ". Un chiffre de 600 libérations est avancé, qui comprendrait des membres du Hamas, du Jihad islamique et du Front populaire de libération de la Palestine (FPLP). Un chiffre dérisoire au regard des 6 500 Palestiniens qui croupissent toujours dans les geôles israéliennes. Or, rien n’indique que ces 600 soient les premiers dans le cadre d’un processus visant à tous les libérer. De même, Tel Aviv annonce qu’il va lever trois check points et se désengager, après Bethléem il y a quelques semaines, de deux nouvelles villes palestiniennes (on parle de Jéricho et de Kalkyliah). Trois check points sur 160, c’est faible. Quant aux villes, on peut voir ce qu’il se passe à Bethléem : les chars ne sont plus dans le centre mais continuent d’encercler la cité, et la liberté de circulation n’existe toujours pas !

" Quelques mesures ont été prises jusqu’ici par Israël, mais ces mesures sont hésitantes. Une nouvelle ère de paix implique la logique courageuse de la paix, pas la logique suspicieuse du conflit ", a souligné le premier ministre palestinien, tout en expliquant que son gouvernement risquait de s’effondrer si Israël ne faisait pas davantage de gestes, notamment la libération de prisonniers, la levée du siège imposé au président Arafat, le retrait israélien des zones palestiniennes et l’amélioration de la liberté de mouvement des Palestiniens.

En annonçant la création d’un " groupe de développement économique palestinien (...) chargé de générer emplois, croissance et investissement au profit de l’économie palestinienne ", et l’envoi au Proche-Orient du secrétaire au Trésor John Snow et du secrétaire au Commerce Don Evans pour étudier les mesures à mettre en oeuvre " afin de bâtir les fondations économiques nécessaires à un État palestinien libre et souverain ", Bush lève le voile sur ses intentions : amadouer le peuple palestinien à coups de millions de dollars et lui faire oublier ses revendications nationales dont les issues politiques sont évidemment plus complexes. La " feuille de route " semble bien loin de ses préoccupations. Ce qui ne déplait pas à Ariel Sharon.