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Y a t-il eu pacte de corruption pour le rachat de Quick par la Caisse Des Dépots ?
Publie le vendredi 15 octobre 2010 par Open-Publishing1 commentaire
La Caisse des dépôts et consignations, bras financier de l’état français, avait-elle un intérêt à acquérir la chaîne de restauration Quick ? Ce rachat, réalisé il y a près de quatre ans par la filiale investissement de l’institution financière publique, suscite toujours de nombreuses interrogations. Un homme d’affaire français, Jean-Marie Kuhn, a porté plainte. Il va jusqu’à évoquer un pacte de corruption.
Rachat de Quick par la Caisse des dépôts : la justice s’interroge L’enquête d’Elodie Guéguen (4’59")
A première vue, ce scénario pourrait paraître un peu loufoque s’il n’intéressait pas la justice belge. En janvier dernier, France Baeckeland, une magistrate réputée pour son action anticorruption a ouvert une instruction pour faux, usage de faux, faux bilans dans l’établissement des comptes de Quick et infractions au code des sociétés.
Reprenons le scénario depuis le début : fin 2006, la chaîne de restaurants, détenue majoritairement par le groupe du milliardaire belge Albert Frère, est à vendre. Lorsque le nom de l’acquéreur sort du chapeau, la surprise est totale : il s’agit de la filiale investissement de la Caisse des dépôts et consignations. Mais voilà, la Caisse, plus connue pour son rôle dans le financement du logement social, est régie par une mission d’intérêt général. Tout comme l’est l’ensemble de ses filiales. Elles ont des comptes à rendre, chaque année, au Parlement. Or le sénateur socialiste du Doubs Martial Bourquin doute qu’il y avait là un intérêt pour la nation : “Acheter du fast-food alors que des centaines voire des milliers de petites entreprises ont du mal à accéder au crédit, je me dis : qu’est-ce que c’est que cette politique de gribouille ?”.
Le sénateur socialiste du Doubs, Martial Bourquin, s’étonne qu’une filiale de la Caisse des dépôts décide d’acheter du "fast-food". (2’06")
UN “PACTE DE CORRUPTION” ?
Mais ce qui trouble à l’époque, plus que le nom du nouveau propriétaire de Quick, c’est le montant du rachat : près de 800 millions d’euros. Une somme délirante pour Jean-Marie Kuhn. Cet industriel lorrain est à l’origine de la plainte en Belgique. Dès le départ, selon lui, tout était faussé. “Le P.-D.G. de l’époque avait donné une interview au journal Les Echos deux ans avant la cession pour dire que Quick était valorisé à 300 millions d’euros, et que, à ce prix là, il était vendeur”, raconte-t-il. “Personne ne peut croire que la Caisse des dépôts a dépensé 800 millions d’euros en se sentant trompé. On peut considérer que le vendeur et l’acquéreur étant d’accord sur un prix qui visiblement est réellement surfait, il y a donc une notion de pacte de corruption”.
Ces accusations sont graves. Jean-Marie Kuhn affirme que la France, via la Caisse des dépôts, aurait volontairement fait un cadeau à Albert Frère, première fortune belge et ami de Nicolas Sarkozy. Albert Frère faisait partie des invités au fameux dîner au Fouquet’s, le soir de la présidentielle de 2007. Le milliardaire a également reçu la légion d’honneur des mains du chef de l’Etat. Les bilans de Quick auraient pu, selon Jean-Marie Kuhn, être sciemment modifiés.
L’homme d’affaires va plus loin : il prétend que la filiale de la Caisse des dépôts aurait à travers cette acquisition donné à Albert Frère les liquidités nécessaires pour se renforcer dans le capital de Suez. Quelques mois plus tard, Suez et GDF parvenaient à fusionner.
QUICK, UNE AFFAIRE RENTABLE
La juge d’instruction belge devrait y voir un peu plus clair dans quelques jours. Elle a ordonné une expertise comptable et financière de Quick. Cela dit, rien ne permet à ce stade d’étayer cette thèse. D’ailleurs, du côté de Qualium investissement (nouveau nom de CDCCI, “caisse des dépôts et consignations capital investissement”), on récuse ces accusations.
D’une part, explique l’actuel patron de Qualium, ce n’est pas de l’argent public qui a permis d’acquérir Quick, mais ce sont des fonds privés, gérés pour le compte de tiers. D’autre part, le prix payé obéissait aux règles du droit boursier. D’ailleurs, Qualium aurait rapidement récupéré une partie de sa mise via une opération immobilière. Ce qui fait que le véritable prix d’acquisition de Quick ne serait pas 800 mais 550 millions d’euros. Le rival de McDo en Europe aurait même été un investissement très rentable pour la filiale de la caisse des dépôts. En 2009, le chiffre d’affaires a atteint 930 millions d’euros. Et, cette année, le développement du halal et du bio a dopé les ventes de burgers. Aujourd’hui, la chaîne de fast-food vaudrait environ 900 millions d’euros.
Jean-Philippe Gasparotto, de la CGT de la Caisse des dépôts et consignations (0’49")
Reste que Quick n’a pas vocation à rester indéfiniment dans le giron de la Caisse des dépôts. Quid de l’avenir des restaurants ? Une introduction en bourse ? Une cession à un fonds d’investissement ? Mais, dans ce cas, à quel prix la chaîne de restaurants pourra-t-elle être revendue ? Et, si son prix d’achat a été surévalué, pourquoi la France aurait-elle fait ce cadeau à Albert Frère ? Contre quelle contrepartie ? Les membres de la commission de surveillance de la Caisse des dépôts (composée de députés et de sénateurs) que nous avons contactés n’ont pas voulu s’exprimer sur le sujet. “C’est beaucoup trop sensible”, nous dit-t-on.
Séverine Teissier, qui suit ce dossier pour l’association Anticor, qui lutte contre la corruption, estime qu’il faut surveiller toutes les opérations faites par des organismes publics, même si l’argent mobilisé, lui, est privé. (1’15")
CONSIGNES DE PARIS A LA JUSTICE BELGE
Ce silence, cette “omerta” n’a que trop duré estime le socialiste Martial Bourquin. Il a multiplié les questions au gouvernement et les lettres au premier président de la Cour des comptes. “Je crois que maintenant le gouvernement ne peut plus se taire. Les éclaircissements que je demande depuis un an doivent être donnés sans délai. Ca ne peut pas durer, peste l’élu du Doubs. On est dans le clair-obscur le plus total !”.
Jointe par téléphone, la holding CNP, qui appartient au groupe Albert Frère n’a pas souhaité faire de commentaire. La justice belge parviendra-t-elle à faire la lumière sur les conditions de cette acquisition ? Beaucoup en doutent. Le parquet de Charleroi nous a affirmé avoir reçu des consignes émanant de Paris, demandant à la justice belge de “ne pas enquêter sur le volet français de l’affaire”. Quant aux deux plaintes déposées par Jean-Marie Kuhn auprès du parquet de Paris, elles ont été classées sans suite.
Messages
1. Y a t-il eu pacte de corruption pour le rachat de Quick par la Caisse Des Dépots ?, 15 octobre 2010, 16:08, par jihel
c’est pas parce que je viens de faire un post sur la même chose, mais je me demande ce que cela peut apporter que de recopier simplement tout l’article. est ce que le lien n’est pas suffisant ? ;-)