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Les gifles de l’Europe au Vatican

Publie le mardi 9 novembre 2004 par Open-Publishing
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de FILIPPO GENTILONI

Même s’il ne le dit pas, le Vatican n’a pas l’air enthousiaste de la nouvelle
Constitution européenne. Il ne le dit pas, il répète même plutôt les habituelles formules de courtoisie que Prodi est allé précisément échanger ces jours-ci dans les palais sacrés. On ne peut pas ne pas observer, en tout cas, une certaine absence des grandes festivités de Rome de la part du Saint-Siège. Les grandes statues des papes dans la salle des Horace et des Curiace au Capitole apparaissaient comme des souvenirs d’un monde lointain. L’histoire des rapports entre l’Europe et le Vatican est une histoire complexe. L’Europe unie était née surtout grâce à l’engagement de quelques grands catholiques, de de Gasperi à Schumann en passant par Adenauer.

Le Vatican était bien soulagé de faire une croix sur certaines connivences coupables du passé. Et l’Europe unie et bénie par Rome pouvait réussir à faire s’écrouler les murs tristement célèbres.

Les murs tombèrent mais l’Europe ne s’unit pas de l’Atlantique à l’Oural comme le souhaitait le pape polonais, au nom des "racines chrétiennes" communes. Elle s’unit plutôt à l’enseigne du capital et de la concurrence et des racines communes "bourgeoises", liées à une histoire plus laïque que chrétienne et, si jamais, plus protestante que catholique. L’histoire récente n’a fait que confirmer cette perplexité et cette méfiance, jusqu’aux "gifles" d’hier et d’aujourd’hui. La première : le refus d’insérer dans le préambule de la Constitution ces fameuses "racines chrétiennes" : une mention pour laquelle le souverain pontife lui-même s’était engagé à la première personne et de manière répétée. Et pourtant, le Saint-Siège cherche toujours a éviter de se montrer à son désavantage. Le texte approuvé mentionne : "En s’inspirant des héritages culturels, religieux et humanistes...". Pour le Vatican, trois adjectifs qui représentent une sorte d’offense.

L’autre gifle remonte à quelques jours et porte un nom devenu célèbre, Buttiglione. Son rejet, plus ou moins explicite, de la part de l’Europe, représente un rejet pas seulement de l’Italie mais aussi du catholicisme dont le "philosophe" s’était fait le champion. Un rejet aussi pour le Vatican qui, pourtant, n’avait accordé aucune délégation à Buttiglione : c’était lui qui se l’était "autoaccordée". Nous ne savons pas pour le moment comment cela finira mais nous savons que la nouvelle Europe unie n’accordera pas de voie réservée au catholicisme.

L’éditorial perplexe de Elio Maraone sur "L’avvenire", le jour de la signature, se conclut ainsi :"Les documents constitutifs sont aussi un miroir de la société qui les a élaborés : ce serait terrible que, à la longue, on y reconnaisse une citoyenneté européenne fondée en premier lieu sur les désirs de l’individu, ou plutôt sur l’hédonisme induit par le marché, en ayant laissé à la technocratie la mission de conduire une voiture politique désormais trop complexe et à la destination non précisée". Des craintes que l’on considère plutôt fondées, au Vatican.

Traduit de l’italien par karl & rosa de bellaciao

http://www.ilmanifesto.it/Quotidiano-archivio/31-Ottobre-2004/art76.html