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Questionnaire sur le nucléaire et les médias

Publie le samedi 23 avril 2011 par Open-Publishing
5 commentaires

Les médias parlent des dangers du nucléaire militaire ?
Il n’est pas question, dans aucun média, d’un débat public pluraliste en direct sur le nucléaire militaire, et plus généralement sur les problèmes militaires.

Les effets des expériences nucléaires militaires sont occultés ou minimisés. La réalité est que les lieux d’expérience sont contaminés pour des dizaines d’années, voire des centaines d’années, et que les victimes civiles ou militaires sont ignorées ou faiblement indemnisées.

La présence risquée d’armes nucléaires sur les bases militaires terrestres, dans certains avions, navires et sous-marins est rarement évoquée, sans parler du danger des navires et sous-marins à propulsion nucléaire.

Les médias parlent des dangers du nucléaire civil ?
En matière de nucléaire civil, la propagande est tout autant mondiale.
La radioactivité autour des mines et des lieux d’ensevelissement des déchets sont minimisés. Le danger du transport des matières nucléaires est nié.

On ne dit pas que toutes les installations nucléaires fonctionnent avec des rejets chimiques et radioactifs autorisés.

Le bilan de Tchernobyl, cosigné par l’OMS et par l’AIEA, le 5 septembre 2005, concède une cinquantaine de morts, 400 irradiés et 4000 morts potentiels.

Face à ce décompte flatteur, l’Académie des sciences de New York, le 28 avril 2010, estime à 985 000 le nombre de décès survenu à cause de Tchernobyl entre 1986 et 2004.

Les médias disent que ces catastrophes civiles sont des crimes contre l’humanité ?
Les accidents de l’atome civil ne tuent pas moins que le militaire. Nous vivons aujourd’hui un second temps. Celui des accommodements. La catastrophe devient consentie. C’est l’impuissance technique et l’acceptation morale de soumettre le sort de l’humanité à des forces aveugles.

Au nom des droits sacro-saints de la propriété privée des sites industriels, une catastrophe, qui affectera le Japon et la planète pendant une durée indéterminée, est gérée par la plus grande entreprise privée d’électricité du monde, la florissante TEPCO.

Face à cette catastrophe évitable (voir l’avertissement très net du sismologue qui n’a pu que démissionner du Comité des normes sismiques du Japon en 2007 pour marquer son désaccord), la direction de TEPCO s’est surtout mobilisée pour minimiser les pertes, se contentant de quelques excuses à un groupe d’habitants déplacés et d’une prime journalière de 15 € aux liquidateurs.

Un tribunal pénal international doit rompre l’impunité lorsque des intérêts égoïstes conduisent à ces catastrophes sanitaires majeures qui sont des crimes contre l’humanité.

Les médias mettent en cause la gestion privée du nucléaire ?
La recherche d’une sûreté maximale ne s’accorde pas avec la recherche du profit.

Concilier le temps industriel long avec la recherche du profit à court terme implique la réduction des coûts d’exploitation, des coûts de maintenance et de personnel, avec au bout de la chaîne des risques accrus en matière de sûreté.

Certaines rénovations cruciales, comme la mise aux normes sismiques des réacteurs, qui auraient entraînées des frais importants, n’ont pas été faites. Ce qui prime, ce n’est pas le risque zéro, mais un arbitrage entre la sûreté et les coûts.

La législation encourage une telle gestion, puisque la responsabilité de l’exploitant en matière de réparation des dommages est extrêmement limitée.

Depuis la privatisation d’EDF, on assiste à une dégradation de la sûreté, par la réduction des coûts, en particulier par le recours massif à la sous-traitance (environ 20 000 personnes) pour effectuer les opérations de maintenance essentielle pour la sûreté, des sous-traitants peu formés, mal payés, opérant dans des conditions précaires et disposant de peu de moyens pour accomplir leur mission, recourant souvent au système D, sous-traitants sur lesquels on rejette les responsabilités, tout en faisant pression sur eux pour que les opérations soient accomplies au plus vite.

Les médias disent qu’il faut développer la recherche publique ?
La sûreté nucléaire, en particulier dans le démantèlement des centrales, c’est de la technique, c’est beaucoup de recherches scientifiques fondamentales et appliquées, c’est par conséquent des moyens publics importants affectés à une recherche publique, c’est-à-dire débarrassée des contraintes des intérêts privés.

Les médias disent qu’il faut améliorer immédiatement les conditions de travail dans les centrales ?
La sûreté nucléaire, si on accepte d’écouter les représentants syndicaux, c’est aussi le travail des hommes.

N’oublions pas que l’accident de Tchernobyl a pour origine des erreurs humaines, par des personnels mal formés.

Il faut donc que les conditions de travail soient propices. Les questions des conséquences du recours à la sous-traitance, du style de management, des choix de gestion, des compétences, de la formation, des effectifs, des relations de travail, de la reconnaissance des travailleurs doivent être interrogées.

En particulier, il faut de toute urgence internaliser les opérations de maintenance sur les matériels importants pour la sûreté et donner un statut unique avec un haut niveau de garanties collectives pour les sous-traitants.

Les médias disent que nous sommes mal informés et mal contrôlés ?
En France, l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN), qui assure, au nom de l’État, le contrôle du nucléaire, ne dispose que d’une indépendance relative. L’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), chargé de l’expertise et de la prévention des risques, chargé aussi de l’appréciation des situations de crise, a de moins en moins de moyens.
Il n’y a pas de transparence quand les informations essentielles ne sont pas accessibles, publiées de manière quasi anecdotique ou dans des termes techniques incompréhensibles.

La filière n’est même pas transparente en interne. EDF dissimule à l’Autorité de sûreté nucléaire certaines informations et les recommandations de cette Autorité ne sont pas suivies d’effet.

L’information du public et des travailleurs ne s’accompagne d’aucun pouvoir d’intervention et de participation sur les choix et les décisions. Il n’y a pas de droit d’opposition des Comités d’entreprise et des Comités d’hygiène et de sécurité, pas de droit d’expertise des citoyens, autant sur le plan des stratégies énergétiques que sur le plan des choix technologiques et sociaux.

Conclusion

Ne soyons pas naïfs : nous savons que tous les médias de masse sont la propriété des actionnaires du CAC 40 et les médias publics contrôlés par leur représentant politique.

Demander un débat public en direct et pluraliste sur les questions du nucléaire sera donc difficile. Parce que pluraliste, cela ne veut pas dire se contenter des seuls partis que les médias autoproclament de gauche et écologistes, cela veut dire tous les courants de gauche et tous les courants écologistes. Pas seulement les courants de gauche et les courants écologistes qui soutiennent le traité de Lisbonne et qui engagent les citoyens dans l’idéologie de l’homme providentiel et la personnalisation de la politique en proposant des candidatures séparées à l’élection présidentielle, et en en rajoutant même avec des primaires, sous prétexte de démocratie. Ces courants, distingués par les médias comme étant seuls de gauche et écologistes, pourraient faire tous les efforts possibles pour réunir tous les courants de gauche et écologiques autour d’un débat sur savoir comment gagner l’élection présidentielle pour instituer le pluralisme dans les médias et une Constituante, pour en finir avec la personnalisation de la vie politique. Ces courants pourraient non seulement dénoncer sans complaisance les manipulations de l’information, mais aussi dénoncer les privilèges d’accès aux médias dont ils profitent et qui limitent les possibilités du débat à l’échange d’arguments relativement consensuels, en tout cas, et sur le long terme, dans les limites de ce que peuvent supporter les actionnaires propriétaires des médias. Ainsi, animés par une volonté d’ouverture, de rationalité et de mise en cause des certitudes, ces courants privilégiés par les médias pourraient se référer aux positions largement censurées des autres courants de gauche et écologiques, au lieu de les ostraciser comme extrémistes ou populistes (sauf au moment des deuxièmes tours d’élection).

Contre le favoritisme manipulatoire des médias et des instituts de sondage, contre la complaisance à l’idéologie d’extrême droite de l’homme providentiel, espérons que les électeurs à l’élection présidentielle placeront les candidatures de l’irrationalité en deuxième position à gauche, ce qui installera les conditions pour engager enfin le débat sur le nucléaire.

(Ce texte est surtout la compilation de textes parus sur le site de la CRIRAD et dans les Huma des 25 mars et 15 avril 2011)

Messages

  • Voeux pieux et realité :

    Publié le 22/04/2011 | 17:59

    La région rejette l’idée d’un moratoire sur l’EPR

    Par Catherine BERRA France 3 Basse-Normandie

    Les élus d’Europe Ecologie Les Verts (EE-LV) avaient déposé une "motion d’urgence" sur l’EPR.

    Cette motion demandait un "moratoire" sur le réacteur nucléaire EPR en construction à Flamanville.

    Les neuf élus écologistes ont voté pour, tous les autres élus PS, PCF, NC, UMP et deux des PRG se sont prononcés contre. Deux PRG n’ont pas pris part au vote.

    Selon le texte de la motion, "la construction du réacteur EPR à Flamanville serait, si elle venait à son terme, clairement de nature à clore (le) débat" sur "le choix de poursuivre ou non le programme électronucléaire français" après la "catastrophe" de Fukushima.

    La motion rappelle que le président de l’Autorité de sûreté nucléaire, André-Claude Lacoste, a "lui-même évoqué, le 30 mars", devant des parlementaires, "l’hypothèse d’un moratoire" sur Flamanville.

    Le chantier employant environ 3 800 personnes, les écologistes proposaient que soit "amorti à court terme le choc" par "des réparations économiques d’Etat".

    "La Basse-Normandie, premier bassin laitier de France, qui destine une large part de ses produits à l’export, serait immédiatement vulnérable en cas d’accident", souligne encore le texte.

    Maître d’oeuvre du chantier, EDF exclut un moratoire. "Arrêter Flamanville pendant six mois coûterait infiniment plus cher que d’avoir éventuellement à reprendre telle ou telle tuyauterie ou tel ou tel élément de génie civil", a affirmé jeudi Hervé Machenaud, son directeur de l’ingénierie.

    "Personne ne peut le dire", a pour sa part déclaré Mickaël Marie, président du groupe EE-LV au conseil régional de Basse-Normandie, affirmant qu’il existait un "décalage" entre le vote de certains élus et l’opinion qu’ils exprimaient en privé.

    Le conseil régional de Basse-Normandie est à majorité PS. On sait que le nucléaire est, depuis toujours, un sujet de friction entre socialistes et écologistes, au point que, dans la Manche, ils n’étaient pas parvenus à aucun accord de second tour lors des cantonales de mars dernier.

    http://basse-normandie.france3.fr/info/la-region-rejette-l-idee-d-un-moratoire-sur-l-epr-68511666.html

  • à voir sur Arte mardi soir :
    Thema sur le nucléaire !!!

  • Ayons un débat serein sur les besoins d’énergie de TOUTE la planète. Des pistes sont proposées avec la sobriété énergétique, une meilleure efficacité énergétique et le développement des nouvelles énergies renouvelables. Mais la passion qui s’empare de ce débat bloque la réflexion entre les risques du nucléaire et les dangers des énergies carbone (charbon, pétrole et gaz).
    Le prix d’accès à l’énergie est décisif. La question d’une coopération mondiale pour faire de l’énergie un droit humain est essentielle. Nous avons besoin d’une mondialisation solidaire. Un rêve et une urgence.

    • Le prix d’accès à l’énergie est décisif

      et pour le nucléaire on tient compte du démantelement des centrales ( EDF depuis 25 ans essaie de finir le démentelement d’une toute petite centrale, brennelis et ça a déjà couté des centaines de millions )

      et la gestion , pendant des dizaines de milliers d’années des déchets , quand est ce que l’on prend leur cout en compte !

      bordel de merde ! y en a marre des gentils débats !

      ça fait 30 ans que nous subissons des gentils débats dans tous les domaines !!

      à bas tous les experts qui nous mènent dans le mur, vive la compétence des incompétents !

  • Un exemple très évident ?
    Nous organisons, dans ma ville, un rassemblement anti-nucléaire pour les 25 ans de Tchernobyl.
    L’info circule bien sur nos réseaux associatifs, privés, sociaux. Des communiqués de presse ont été envoyés à la presse locale. Aucun ne nous a répondu.

    A moins d’appartenir à l’aristocratie élective, il semblerait que le black out soit total et que les initiatives citoyennes soient systématiquement tues.

    Nous nous rassemblerons quand même, le mardi 26 avril, à 18h30, place Dalton à Boulogne sur mer.

    Et nous y exigerons un débat public sur le nucléaire et la promotion des énergies renouvelables.