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Italie : la droite abolit l’urbanisme. La gauche se tait

Publie le mardi 1er février 2005 par Open-Publishing

de Vezio De Lucia traduit de l’italien par karl&rosa

Un désastre menace les villes et le territoire italiens. Au mois de février prochain, la Chambre des députés pourrait approuver la nouvelle loi d’urbanisme. Une proposition meurtrière, portant le nom de Maurizio Lupi, député de Forza Italie, adjoint au maire de Milan durant les dernières années et inspirateur de l’urbanisme négocié à la milanaise. A Milan les anciennes règles ne valent plus. Ce n’est pas le plan d’urbanisme qui dirige les choix de construction. C’est le contraire qui est vrai : ce sont les projets, une fois approuvés, qui déterminent le plan d’urbanisme. Un plan qui devient ainsi une sorte de cadastre où l’on enregistre les transformations décidées à l’échelle des constructions. La proposition de loi en discussion à la Chambre des Députés est caractérisée par la même organisation. L’urbanisme n’est plus de la compétence exclusive du pouvoir public, mais dépend des "négociations" et des accords entre les sujets institutionnels et les sujets intéressés, qui ne sont sûrement pas la pluralité des citoyens mais seulement les détenteurs de la propriété immobilière.

Une autre nouveauté concerne le champ d’application des plans d’urbanisme, qui ne couvrent plus le territoire communal tout entier, comme cela a toujours été le cas depuis l’après-guerre ; au contraire, il revient aux régions d’identifier les cadres territoriaux et les contenus de la planification. Pire encore, le projet de loi Lupi a dénaturé la discipline urbanistique elle-même, en lui retirant la protection des biens culturels et du paysage, qui avaient été toujours organiquement tressées dans la législation de notre Pays. Quelques-uns des résultats les plus extraordinaires de l’urbanisme italien ne seraient plus possibles si la loi en discussion était approuvée. Je me borne à rappeler la destination publique de la zone (2.500 hectares) de l’Appia Ancienne toute entière, décidée par le plan d’urbanisme de 1965 précisément pour protéger l’énorme patrimoine d’art et d’histoire formé par la regina viarum et ses alentours. La formation du grand parc des remparts de Ferrare, ni la sauvegarde des collines de Florence, de Bologne, de Bergame, de Naples échappées aux énergumènes du ciment armé ne seraient plus possibles.

Une autre prévision funeste de cette proposition concerne l’effacement des standards dits d’urbanisme, qui sont une sorte de droit à la ville, la reconnaissance du droit de chaque citoyen italien à disposer d’une quantité suffisante d’espace public pour des services fondamentaux : les espaces verts, l’instruction, les parkings et d’autres équipements. Les standards, qui sont le fruit de revendications populaires vastes et prolongées, existent dans la législation italienne depuis 1968, et ont représenté depuis un référence incontournable pour l’action des partis, des comités, des associations, des mouvements qui ont prétendu, et obtenu, la réalisation et la gestion de services essentiels. Avec la loi Lupi il n’en sera plus ainsi, et au nom de la flexibilité et de la privatisation la presse proche des industriels exulte et parle d’un véritable déblocage, celui prévu par l’article 6, qui est destiné à faire sauter une des normes les plus rigides de l’urbanisme italien des vingt dernières années : la discipline des standards d’urbanisme.

L’opposition se tait. Au contraire, d’amples secteurs du centre gauche, ceux qui sont convaincus que la modernité consiste à soumettre l’intérêt public à l’intérêt privé, collaborent à la bonne issue de l’initiative. La presse ne traite pas le sujet. Seule l’association "Italia nostra", réunie à Rome dans un meeting sur le paysage, a donné l’alarme et a commencé à recueillir les signatures au bas d’un appel à l’opinion publique et aux partis politiques.

Un appel préoccupé et sévère : préoccupé par les effets du projet de loi Lupi, sévère non seulement à l’égard du rapporteur de la loi, mais aussi de ceux qui ne s’y sont pas opposés.

http://www.liberazione.it/giornale/050130/default.asp