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En prison pour avoir demandé un hébergement

par Philippe Alain

Publie le vendredi 13 avril 2012 par Philippe Alain - Open-Publishing
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Le droit à l’hébergement d’urgence est une liberté fondamentale en France. C’est une ordonnance du Conseil d’Etat du 10 février 2012 qui le dit clairement. (1)

Le Conseil d’Etat rappelle en particulier :

« Considérant qu’il appartient aux autorités de l’Etat de mettre en œuvre le droit à l’hébergement d’urgence reconnu par la loi à toute personne sans-abri qui se trouve en situation de détresse médicale, psychique et sociale ; qu’un carence caractérisée dans l’accomplissement de cette tâche peut (…) faire apparaître (…) une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale lorsqu’elle entraîne des conséquences graves pour la personne intéressée. »

En d’autres termes, toute personne en situation de détresse a droit à un hébergement d’urgence. Le non respect de ce droit constitue une atteinte à une liberté fondamentale.

A l’époque, cette décision avait été saluée par les associations comme une immense victoire pour les plus démunis. Elles avaient donc encouragé les sans-abri à multiplier les référés libertés.

Finis les plans froid qui se limitent à l’hiver, finis les 115 saturés qui répondent sèchement qu’il n’y a plus de place, finis les enfants qui dorment dehors, finis les morts dans la rue (2).

Enfin, en théorie…

Parce qu’en pratique, ce n’est pas encore ça.

A Lyon, le préfet de Sarkozy, lui, applique la loi à sa manière.

Après avoir été condamné plusieurs fois par le Tribunal Administratif qui lui ordonne de proposer un hébergement d’urgence à des sans-abri (3), il a décidé d’innover en la matière.

Le droit à l’hébergement d’urgence est une liberté fondamentale ?

Très bien, je l’applique…

Mais je reloge… en prison en attendant de renvoyer les gens dans leur pays.

Non ? Si… Il a osé…

Monsieur et Madame M. son arrivés en France en septembre 2010, accompagnés de leurs enfants.

Une fois leur demande d’asile rejetée, ils sont également rejetés du dispositif d’hébergement, ce qui constitue une violation de leurs droits. (4)

Ils dorment à la rue jusqu’au 5 décembre 2011 et sont ensuite accueillis dans une structure ouverte dans le cadre du plan froid jusqu’au 4 avril 2012. A cette date, comme des centaines de personnes et en violation de l’article L 345-2-3 du code de l’action sociale et des familles, ils sont une nouvelle fois jetés à la rue. Ils saisissent donc le Tribunal Administratif et demandent le respect de la loi.

Par un jugement du 6 avril 2012, le Tribunal Administratif de Lyon condamne le préfet du Rhône à les héberger dans les 72 heures sous astreinte de 70 € par jour de retard. Le préfet du Rhône, M. Jean-François Carenco, gérant probablement en bon père de famille les deniers de l’Etat, estime que la République peut certainement économiser 210 € et les laisse dormir à la rue le week-end pascal.

Le mardi 10 avril, il leur propose un hébergement à l’hôtel, se décidant, la mort dans l’âme, à appliquer la loi.

L’histoire pourrait s’arrêter là. Et bien non.

Figurez-vous que le jeudi 12 avril, à 7 heures du matin, la police débarque dans l’hôtel et arrête toute la famille pour les conduire au Centre de Rétention de Satolas.

L’opération de relogement à l’hôtel n’était donc qu’un guet-apens.

Le sous-préfet Alain Marc qui était présent en personne lors de l’audience au tribunal a du prendre un soin tout particulier à monter cette opération. Il démontre ainsi aux sans-abri et aux associations à quel point la préfecture de Lyon prend soin des étrangers en situation de précarité.

Originaires d’Azerbaïdjan, la famille n’a aucun papier. Ils ne sont donc ni expulsables, ni régularisables. Obtenir un laisser-passer vers leur pays pour les expulser prendra des semaines.

En attendant, un papa, une maman et 2 enfants de 7 et 9 ans vont pourrir dans les geôles de la sarkozie pour avoir osé demander à ne plus dormir dans la rue comme des chiens.

En 2007, un candidat à la Présidence de la République promettait que plus personne ne dormirait à la rue si il était élu. Il s’appelait Sarkozy.

Vive la République, vive la Liberté, vive Sarkozy.

(1) http://www.conseil-etat.fr/fr/communiques-de-presse/hebergement-d-urgence.html

(2) http://blogs.mediapart.fr/blog/philippe-alain/021111/morts-dans-la-rue-sans-avoir-eu-le-temps-de-vivre-0

(3) http://www.jurislogement.org/component/content/article/164-lhebergement-durgence-un-liberte-fondamentale

(4) Article L 345-2-3 du code de l’action sociale et des familles : « Toute personne accueillie dans une structure d’hébergement d’urgence doit pouvoir y demeurer, dès lors qu’elle le souhaite, jusqu’à ce qu’une orientation lui soit proposée. »

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