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Amnesty international dénonce les déplacements forcés de Bédouins par Israël

par Amnesty international

Publie le jeudi 14 juin 2012 par Amnesty international - Open-Publishing

"La politique d’aménagement et de construction que mène depuis des années Israël dans les territoires palestiniens occupés se traduit par des déplacements de populations palestiniennes de plus en plus fréquents en Cisjordanie", alerte Amnesty International. Rapport ci-dessous.

Dans la Zone C de Cisjordanie, l’armée israélienne impose de sévères restrictions aux opérations d’aménagement ou de construction palestiniennes, n’hésitant pas, souvent, à démolir des habitations, des infrastructures et divers autres bâtiments privés ou communaux. Parallèlement, dans les mêmes secteurs, les colonies exclusivement réservées aux Israéliens ne cessent de s’étendre.

Amnesty International a appris que l’armée israélienne était en train de faire des plans pour déplacer quelque 30 000 personnes appartenant à des communautés de Bédouins vivant et pratiquant le pastoralisme dans la Zone C, vers des sites « permanents » de Cisjordanie occupée, où elles ne disposeraient pas de suffisamment de terres pour continuer à vivre de leurs activités d’éleveurs. L’un des plans en question, qui devait initialement être mis en œuvre à partir du début de l’année 2012, selon des responsables des Forces de défense d’Israël (FDI), se traduirait par l’expulsion forcée de 20 communautés bédouines vivant dans des zones promises à l’édification de colonies israéliennes à l’est de Jérusalem. Quelque 2 300 Bédouins, dont deux tiers d’enfants, seraient contraints de quitter leurs foyers et déplacés.

Parallèlement, l’armée israélienne continue de démolir des maisons et d’autres structures dans les villages occupés par ces personnes. La dernière démolition en date, qui a touché la communauté d’al-Khalayleh, remonte au 9 février 2012. L’armée israélienne a d’ores et déjà émis des ordres de démolition pour plus de 90 % des habitations et autres constructions (y compris des écoles) de certains villages.

Violations du droit international relatif aux droits humains

Les démolitions illégales d’habitations palestiniennes et les expulsions forcées de ces villages bédouins par Israël violent le droit international relatif aux droits humains, notamment le droit à un logement convenable. Les violations du droit au logement dont sont victimes les Palestiniens des territoires occupés sont à la fois le symptôme des violations plus larges des droits humains qu’ils subissent et une entrave à l’exercice de leurs autres droits fondamentaux, notamment le droit à la vie familiale, au travail et à l’éducation.

Israël a ratifié le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (PIDESC), qui garantit expressément le droit à un logement convenable, impliquant notamment le droit à la sécurité d’occupation et le droit à être légalement protégé de toute expulsion forcée.

Violations du droit international humanitaire

Israël étant la puissance occupante, les opérations qu’il mène dans les territoires palestiniens occupés doivent respecter la Quatrième Convention de Genève, dont le pays est une Haute Partie contractante. L’article 49 de cette Convention interdit « les transferts forcés, en masses ou individuels […], quel qu’en soit le motif », ce qui comprend les déplacements forcés à l’intérieur du territoire occupé ainsi que l’expulsion hors dudit territoire. L’article 49 de la Quatrième Convention de Genève dispose par ailleurs que la puissance occupante ne peut procéder au transfert d’une partie de sa propre population civile dans le territoire occupé par elle, ce qui signifie que les colonies israéliennes dans les territoires palestiniens occupés sont illégales au regard du droit international.

Par ailleurs, l’article 53 de cette même Convention prohibe la destruction de biens si elle n’est pas justifiée par des nécessités militaires. Enfin, aux termes de l’article 147, les transferts illégaux ainsi que la destruction et l’appropriation de biens exécutées sur une grande échelle de façon illicite et arbitraire constituent une violation grave de la Convention et, par conséquent, un crime de guerre. Si le projet de l’armée est mis en oeuvre sans véritable consultation avec les communautés concernées (consultation qui, pour l’instant, n’a pas eu lieu), le déplacement de celles-ci pourrait constituer un crime de guerre.

Complément d’information

Selon le Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations unies (OCHA), près de 1 100 Palestiniens, dont plus de la moitié d’enfants, ont été déplacés en 2011 en raison de démolitions d’habitations effectuées par les forces israéliennes, soit plus de 80 p. cent de plus qu’en 2010. Plus de 60 p. cent des bâtiments appartenant à des Palestiniens démolis en 2011 se trouvaient dans des secteurs de la Zone C de Cisjordanie destinés à accueillir des colonies.

La Zone C de Cisjordanie

Aux termes des Accords d’Oslo de 1995, la Zone C, qui représente plus de 60% de la Cisjordanie et abrite environ 150 000 Palestiniens, est totalement placée sous l’autorité de l’armée israélienne, tant pour la sécurité que pour les affaires civiles. Des colonies israéliennes continuent de voir le jour dans cette zone, tandis que les permis de construire demandés par des Palestiniens sont presque systématiquement refusés. De nombreux Palestiniens qui vivent dans les secteurs concernés risquent ainsi de voir leurs maisons démolies et d’être déplacés.

Environ 90 p. cent des démolitions et 92 p. cent des déplacements enregistrés en 2011 ont touché des populations vulnérables de cultivateurs et d’éleveurs de la Zone C. Des milliers d’autres personnes, dont de nombreux Bédouins Jahalins, sont toujours menacées de déplacement par les arrêtés de démolition qui ont d’ores et déjà été pris.

Les démolitions sont officiellement réalisées au motif que les bâtiments visés ont été construits sans permis des autorités israéliennes. Or, il est quasiment impossible à un Palestinien d’obtenir un permis de construire, en raison des obstacles qu’il rencontre dans ses démarches, du fait de la politique israélienne d’aménagement et de construction. La Zone C est à 70 p. cent interdite de construction palestinienne et à 29 p. cent soumise à d’importantes restrictions en la matière. L’administration civile israélienne a prévu d’allouer moins de 1 p. cent de la zone C aux implantations palestiniennes.

Pendant ce temps, des colonies israéliennes, illégales au regard du droit international, continuent d’être implantées en Cisjordanie, notamment à Jérusalem-Est. Selon l’organisation israélienne La Paix Maintenant, qui surveille les implantations de colonies, il y aurait eu en 2011 une augmentation de 20 p. cent des mises en chantier et des livraisons de logements neufs dans les colonies, par rapport à 2010. Environ 500 000 colons israéliens vivent actuellement en Cisjordanie occupée.

Les Bédouins Jahalins

Au début des années 1950, la tribu bédouine des Jahalins a été chassée de force de la région de Tel Arad, dans le Néguev, par les autorités israéliennes, pour être réinstallée en Cisjordanie. La majorité des Jahalins qui vivent à l’est de Jérusalem sont des réfugiés, qui relèvent de la responsabilité de l’Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA).

Depuis des décennies, les Jahalins se battent pour rester chez eux face aux expropriations de terres, aux démolitions de maisons et aux expulsions forcées perpétrées par les Israéliens. Ils vivent tous sur le territoire municipal des colonies formant le bloc de Maale Adumim. Ce secteur est destiné à l’extension des colonies existantes ou à la construction de nouvelles infrastructures d’implantation. Dans le secteur dit « E1 », entre Jérusalem-Est et Maale Adumim, Israël projette de construire plusieurs milliers de logements destinés à des colons, des hôtels et divers autres bâtiments et infrastructures. La population locale fait en outre l’objet d’actes de harcèlement permanents de la part des colons des implantations voisines, qui n’hésitent pas à s’en prendre à leurs biens, sans que ces attaques soient prises en compte par les autorités.

Pour répondre aux menaces croissantes dont ils sont victimes, les membres des 20 communautés concernées ont créé un Comité de défense, qui a également pour mission de constituer un front commun face aux démolitions d’habitations et au projet de transfert. La position de ce Comité concernant le projet de transfert tient en trois points. Un : si les Jahalins doivent être déplacés, leur préférence est de retourner sur leurs terres d’origine, à Tel Arad, dans le désert du Néguev, dont ils ont été une première fois expulsés. Deux : à défaut, ils souhaitent rester où ils se trouvent actuellement, en disposant des services et des infrastructures nécessaires et en ayant le droit d’aménager et de construire. Trois : ils demandent à être traités comme des égaux dans les négociations avec les autorités israéliennes sur les questions d’aménagement.

Évolution récente

Visite de la rapporteuse spéciale des Nations unies sur le droit à un logement convenable

Le professeur Raquel Rolnik, rapporteuse spéciale des Nations unies sur le droit à un logement convenable, a achevé le 12 février 2012 une visite de deux semaines en Israël – visite au cours de laquelle elle s’est notamment rendue dans le village jahalin de Khan al-Ahmar. Elle déclare notamment dans les conclusions préliminaires de sa mission : « Durant ma visite, j’ai été témoin d’un modèle d’aménagement foncier qui exclut les minorités d’Israël, en les déplaçant et en les soumettant à des discriminations, et qui est appliqué de la même manière dans les territoires occupés, au détriment des populations palestiniennes. Les Bédouins du Néguev – à l’intérieur des frontières d’Israël –, ainsi que les nouvelles implantations juives de la Zone C de Cisjordanie et des quartiers palestiniens de Jérusalem-Est, constituent les nouveaux fronts de la spoliation des habitants coutumiers, et sont les signes de la mise en oeuvre d’une stratégie de judaïsation et de contrôle des territoires. »

Démolitions récentes et autres événements survenus sur place ces derniers mois

Janvier

L’Administration civile israélienne a fermé l’accès de la communauté à la route 1. Les Palestiniens du secteur doivent donc désormais effectuer un détour de 2,5 km pour pouvoir bénéficier des services les plus élémentaires. L’Administration a promis d’ouvrir à leur intention une voie d’accès de remplacement, mais rien n’a pour l’instant été fait en ce sens. L’Administration civile israélienne a par ailleurs confisqué des matériaux destinés à construire des abris dans le village jahalin de Kasaraat. Ces matériaux avaient été fournis par l’Autorité palestinienne.

Décembre

Deux bâtiments d’habitation, trois étables, deux édifices commerciaux et un atelier appartenant aux habitants du village jahalin d’al-Khalayleh ont été démolis, ce qui a entraîné le déplacement de 15 personnes et a affecté le quotidien de 35 autres.

Deux habitations précaires de Khan al-Ahmar ont également été démolies. Ces bâtiments avaient été reconstruits après avoir été rasés une première fois le 31 octobre 2011. Deux tentes et deux réservoirs d’eau fournis par le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) au lendemain des démolitions précédentes ont en outre été confisqués. Douze personnes, dont neuf enfants, ont été déplacées et 21 autres ont été affectées par cette action.

La communauté de Wadi Abu Hindi a bénéficié d’une mesure de prolongation, dans le cadre de la procédure judiciaire engagée concernant les arrêtés de démolition de l’ensemble des bâtiments du village, jusqu’en février 2012 cette fois.

Amnesty International demande aux autorités israéliennes :

 d’annuler le projet de déplacement des villages bédouins jahalins et mettre des services et des infrastructures à leur disposition sur leur lieu actuel d’implantation ;
 de mettre immédiatement un terme à toutes les opérations de démolition dans les villages bédouins jahalins et ailleurs dans les territoires palestiniens occupés, y compris à Jérusalem-Est ;
 de retirer aux autorités israéliennes la responsabilité de la politique d’aménagement du territoire et des règles relatives à la construction dans les territoires palestiniens occupés pour la confier exclusivement aux autorités palestiniennes locales ;
 de suspendre immédiatement la construction et l’expansion des colonies israéliennes et des infrastructures connexes dans les territoires palestiniens occupés, à titre de première étape vers un retrait des civils israéliens qui vivent dans ces colonies."

http://inside.amnestyinternational.be/isavelives/fr/node/9206

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