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Fred Vargas : Cesare Battisti, a propos de l’arrêt du Conseil d’Etat

Publie le dimanche 20 mars 2005 par Open-Publishing
5 commentaires

A propos de l’arrêt du Conseil d’Etat, commentaires de Fred Vargas (extraits) :

"En deux pages, l’arrêt du Conseil d’Etat a servilement commis deux
forfaitures juridiques pour justifier sa décision :

 il a dit qu’il était "conforme à l’ordre public français et à ses accords internationaux" qu’un condamné n’ait pas de procès "s’il était établi de manière non équivoque qu’il était informé". Ce qui est la copie mot pour mot de la phrase récemment pondue par l’Italie dans son décret-loi spécialement adapté pour permettre à la France d’extrader Cesare. "Etabli" comment ?

"Informé" comment ? Par quels moyens ? Ce n’est pas dit, comme ce n’est pas dit dans le décret-loi italien. C’est la première fois que la loi française énonce une telle phrase, qui fait donc jurisprudence. Elle est en opposition totale avec la jurisprudence de la Cour Européenne des Droits de l’Homme, qui a pris soin de préciser ce que signifiait "être informé" au vu de la gravité de la procédure. La CEDH dit en mai 2004 : "la Cour rappelle qu’aviser quelqu’un des poursuites intentées à sa charge constitue un acte juridique d’une telle importance qu’il doit répondre à des conditions de forme et de fond propres à garantir l’exercice effectif des droits de l’accusé.

Une connaissance vague et non officielle ne saurait suffire." Elle
le rappelle encore dans les mêmes termes en novembre 2004. On l’avait fait valoir dans notre mémoire, bien sûr. Mais la loi française s’est sciemment descendue au niveau de la loi italienne. N’importe
qui clame que vous êtes informé, et voilà tout.

 Il se servent ensuite des trois lettres de Cesare qui mandatent son avocat, et disent qu’elles "établissent" qu’il était "informé.". Ces trois lettres, attribués à 82 et 90, sont des faux, je vous l’ai dit, et des faux si grossiers que vous pourriez le voir à l’il nu sans être experts. La dernière, sans enveloppe ni date, dactylographiée au-dessus d’une signature vieille de neuf ans, est particulièrement parlante. L’expert graphologue, objectif, expert auprès de la cour, avait joint son mémoire prouvant tout cela "sans nul doute". Il semblait donc que la "plus haute juridiction de France" aurait dû au moins se poser le problème du Doute, avant d’envoyer un homme achever sa vie en prison.

Mais non. Et ils sont normalement obligés de répondre dans l’arrêt aux moyens soulevés par la défense. Ils ne l’ont pas fait, ils n’ont même pas abordé la question des faux, pas mentionné l’existence de l’expertise graphologique. Ils ont fait comme si tout ce travail n’avait tout simplement jamais existé. Ils écrivent que les trois
lettres "établissent que", et puis c’est tout.

Il y a d’autres forfaitures dans le texte. Je vous ai dit les deux plus importantes."

Donc : la Cour européenne est le dernier recours. Mais là, il y a encore de l’espoir.

Messages

  • oui, inquiétant...la "guerre préventive" rentrerait elle dans le droit public français ?
    enfin il y a la distinction (non officielle) entre arrêts d’espèce et arrêts de règlement, que dira la CEDH ? dont la décision ne sera pa forcément contraignante pour la France...?

  • "Ma in un spazio giuridico europeo - ha osservato Perben - quando un processo si e’ svolto normalmente alla presenza di avvocati e tutti i ricorsi sono esauriti, non vedo come uno dei membri dell’Unione Europea possa rifiutare l’ estradizione".

    Perben .
    (« Mais dans un espace judiciaire européen – a observé Perben – quand un procès s’est déroulé normalement avec la présence d’avocats et que tous les recours sont épuisés, on ne peut supporter qu’un membre de l’Union européenne puisse refuser l’extradition. »)

    Les magistrats sont hélas aux ordres de M. Perben, et de ses très particulières conceptions – toutes inspirées du « Patriot act » et aux mesures d’état d’exception - du droit français et du droit européen.

    En effet l’Arrêt du 10 novembre 2004 relatif à l’ « AFFAIRE SEJDOVIC c. Italie » (Requête no 56581/00) de La Cour européenne des Droits de l’Homme (première section), indique
    ( c’est un peu long, et concerne un cas différent de celui de Battisti, mais sans être juriste, pour qui sait lire, il ressortira aisémentt en quoi les décisions des instances judiciaires et administratives françaises violent la Convention européenne des droits de l’homme et sa Jurisprudence) :
    « La Cour rappelle que quoique non mentionnée en termes exprès au paragraphe 1 de l’article 6, la faculté pour l’« accusé » de prendre part à l’audience découle de l’objet et du but de l’ensemble de l’article. Du reste, les alinéas c), d) et e) du paragraphe 3 reconnaissent à « tout accusé » le droit à « se défendre lui-même », « interroger ou faire interroger les témoins » et « se faire assister gratuitement d’un interprète, s’il ne comprend pas ou ne parle pas la langue employée à l’audience », ce qui ne se conçoit guère sans sa présence (voir Colozza c. Italie, arrêt du 12 février 1985, série A no 89, p. 14, § 27 ; T. c. Italie, arrêt du 12 octobre 1992, série A no 245-C, p. 41, § 26 ; F.C.B. c. Italie, arrêt du 28 août 1991, série A no 208-B, p. 21, § 33 ; voir également Belziuk c. Pologne, arrêt du 25 mars 1998, Recueil des arrêts et décisions 1998-II, p. 570, § 37).
    30. Si une procédure se déroulant en l’absence du prévenu n’est pas en soi incompatible avec l’article 6 de la Convention, il demeure néanmoins qu’un déni de justice est constitué lorsqu’un individu condamné in absentia ne peut obtenir ultérieurement qu’une juridiction statue à nouveau, après l’avoir entendu dans le respect des exigences de l’article 6 de la Convention, sur le bien-fondé de l’accusation en fait comme en droit, alors qu’il n’est pas établi qu’il a renoncé à son droit de comparaître et de se défendre (Colozza c. Italie, arrêt précité, p. 15, § 29, et Einhorn c. France (déc.), no 71555/01, § 33, CEDH 2001-XI).
    31. La Convention laisse aux Etats contractants une grande liberté dans le choix des moyens propres à permettre à leur système judiciaire de répondre aux exigences de l’article 6 tout en préservant leur efficacité. Il appartient toutefois à la Cour de rechercher si le résultat voulu par celle-ci se trouve atteint. En particulier, il faut que les ressources offertes par le droit interne se révèlent effectives si l’accusé n’a ni renoncé à comparaître et à se défendre ni eu l’intention de se soustraire à la justice (Medenica c. Suisse, no 20491/92, § 55, CEDH 2001-VI).
    32. Dans la présente espèce, les autorités italiennes ont estimé, en substance, que le requérant avait renoncé à son droit à comparaître à l’audience car il était devenu introuvable tout de suite après l’homicide de M. S., commis à la présence de plusieurs témoins oculaires (voir les paragraphes 8 et 9 ci-dessus). Cette interprétation a été appuyée par le Gouvernement, selon lequel on pourrait déduire du comportement du requérant la volonté de celui-ci de se soustraire à la justice.
    33. La Cour rappelle que ni la lettre ni l’esprit de l’article 6 de la Convention n’empêchent une personne de renoncer de son plein gré aux garanties d’un procès équitable de manière expresse ou tacite, mais pareille renonciation doit être non équivoque et ne se heurter à aucun intérêt public important (voir, mutatis mutandis, Kwiatkowska c. Italie (déc.), no 52868/99, 30 novembre 2000, et Håkansson et Sturesson c. Suède, arrêt du 21 février 1990, série A no 171-A, p. 20, § 66).
    34. En l’espèce, à la différence de l’affaire Medenica (voir arrêt précité, § 59), rien ne prouve que le requérant avait connaissance des poursuites à son encontre ou de la date de son procès. Seule son absence à son lieu de résidence habituel lorsque les autorités essayèrent de l’appréhender pourrait donner à penser qu’il savait ou qu’il craignait être recherché par la police.
    35. La Cour n’estime pas nécessaire de spéculer sur les raisons qui ont induit le requérant à quitter son domicile et à se rendre en Allemagne. Elle rappelle qu’aviser quelqu’un des poursuites intentées à sa charge constitue un acte juridique d’une telle importance qu’il doit répondre à des conditions de forme et de fond propres à garantir l’exercice effectif des droits de l’accusé ; cela ressort, du reste, de l’article 6 § 3 a) de la Convention. Une connaissance vague et non officielle ne saurait suffire (voir T. c. Italie, arrêt précité, p. 42, § 28).
    36. Partant, à supposer même que le requérant était indirectement au courant de l’ouverture d’un procès pénal contre lui, on ne saurait pour autant en conclure qu’il a renoncé de manière non équivoque à son droit à comparaître à l’audience. Il reste à vérifier si le droit interne lui offrait, à un degré suffisant de certitude, une possibilité d’obtenir un nouveau procès en sa présence.
    37. A cet égard, le Gouvernement invoque le remède prévu par l’article 175 du CPP, soulignant qu’aux fins de l’introduction d’une demande en relèvement de forclusion, il suffirait au condamné absent de prouver qu’il n’a pas eu connaissance des actes de la procédure (voir le paragraphe 24 ci-dessus). La Cour rappelle cependant que dans sa décision sur la recevabilité de la requête, elle a rejeté une exception de non épuisement du Gouvernement, estimant que le remède en question aurait eu peu de chances d’aboutir et que son utilisation par le requérant se heurtait à des obstacles objectifs. Aux yeux de la Cour, rien ne permet de revenir sur cette conclusion.
    38. Par ailleurs, à supposer même que, comme le veut le Gouvernement, aucune preuve de l’absence d’un comportement intentionnel visant la soustraction à la justice ne doive être fournie par un condamné souhaitant introduire une demande en relèvement de forclusion, la Cour relève que l’article 175 du CPP ne confère guère à l’accusé qui n’a jamais été informé de manière effective des poursuites, le droit inconditionné à obtenir la réouverture du délai pour interjeter appel. Comme le parquet de Rome lui-même l’a à juste tire observé, dans le cas du requérant un nouveau procès n’était pas automatique, se posant au contraire préalablement la question de savoir si la déclaration selon laquelle l’accusé était « en fuite » était erronée (voir le paragraphe 15 ci-dessus).
    39. La Cour rappelle qu’aux termes de sa jurisprudence citée ci-dessus (voir les paragraphes 30 et 31), un condamné qui ne saurait être estimé avoir renoncé de manière non équivoque à comparaître doit en toute circonstance pouvoir obtenir qu’une juridiction statue à nouveau sur le bien-fondé de l’accusation. Une simple possibilité dans ce sens, dépendant des preuves pouvant être fournies par le parquet ou par le condamné quant aux circonstances entourant la déclaration de fuite, ne saurait satisfaire aux exigences de l’article 6 de la Convention.
    40. Il en découle que le remède prévu à l’article 175 du CPP ne garantissait pas au requérant, à un degré suffisant de certitude, la possibilité d’être présent et de se défendre au cours d’un nouveau procès. Il n’a pas été soutenu devant la Cour que le requérant disposait d’autres moyens pour obtenir la réouverture du délai pour interjeter appel ou la tenue d’un nouveau procès.
    41. Il s’ensuit qu’en l’espèce les moyens mis en place par les autorités nationales n’ont pas permis d’atteindre le résultat voulu par l’article 6 de la Convention.
    42. Il y a donc eu violation de cette disposition. »

    (L’article 175 est celui du CPP italien concernant la contumace, et c’est cet article de Loi – base sur laquelle on réclame et on autorise l’extradition de Battisti – qui est condamné.)
    Enfin :
    « 44. Les conclusions de la Cour impliquent en soi que la violation du droit du requérant tel que le garantit l’article 6 de la Convention tire son origine d’un problème résultant de la législation italienne en matière de procès par contumace, qui peut encore toucher plusieurs personnes à l’avenir. L’obstacle injustifié au droit du requérant d’obtenir qu’une juridiction statue à nouveau sur le bien-fondé de l’accusation n’a pas été causé par un incident isolé ni est imputable au tour particulier qu’ont pris les événements dans le cas de l’intéressé ; il résulte du libellé des dispositions du CPP relatives aux conditions pour introduire une demande en relèvement de forclusion. Par ailleurs, des violations analogues à celle constatée dans la présente affaire avaient été relevées par la Cour soit sous l’empire de l’ancien CPP (voir les arrêts Colozza, T. et F.C.B. précités), soit après l’entrée en vigueur du nouveau CPP (voir Somogyi c. Italie, no 67972/01, 18 mai 2004), et il convient de rappeler que le Comité des Droits de l’Homme des Nations Unies a exprimé l’avis que l’Italie avait violé l’article 14 de la Convention internationale des droits civils et politiques par rapport à une condamnation par contumace survenue sans que l’accusé fût officiellement et personnellement informé des poursuites à son encontre (voir l’avis du 27 juillet 1999, rendu dans l’affaire Ali Malaki c. Italie). La Cour conclut que les faits de la cause révèlent l’existence dans l’ordre juridique italien d’une défaillance, en conséquence de laquelle tout condamné par contumace n’ayant pas été informé de manière effective des poursuites pourrait se voir privé d’un nouveau procès. Elle estime également que les lacunes du droit et de la pratique internes décelées dans l’affaire particulière du requérant peuvent donner lieu à l’avenir à de nombreuses requêtes bien fondées. »

    (NB : La "mise en gras" de certains caratères n’est pas dans le texte original)

  • Sur le Droit italien :
    « Dans ses parties pertinentes, l’article 175 §§ 2 et 3 du CPP se lit comme suit :
    « En cas de condamnation par défaut (...), l’accusé peut demander la réouverture du délai d’appel contre le jugement, lorsqu’il peut établir qu’il n’a pas eu connaissance [du jugement] (...) sans qu’il y ait eu faute de sa part ou, si le jugement prononcé par défaut a été notifié (...) à son avocat (...), lorsqu’il peut établir qu’il n’a pas volontairement refusé de prendre connaissance des actes de la procédure.
    La demande de réouverture du délai doit être introduite, sous peine d’irrecevabilité, dans les dix jours qui suivent la date (...) à laquelle l’accusé a eu connaissance [du jugement] ». »
    On a ici toute la perversité du Droit italien actuel : il s’agit de prouver, pour l’accusé et non pour l’accusation, comme on serait légitimement en droit de s’attendre, « qu’il n’a pas volontairement refusé de prendre connaissance des actes de la procédure ». C’est par définition toujours improuvable, à moins d’être mort ou à l’isolement absolu à Guantanamo.
    Notons aussi le délai ridiculement court de 10 jours, mais qui ne serait rien, si, contrairement à toute loi de bon sens, une condamnation par contumax, pouvait faire l’objet d’un nouveau procès. Mais ici pour ce faire il faut prouver l’improuvable, démontrer l’indémontrable : que l’accusé « n’a pas volontairement refusé de prendre connaissance des actes de la procédure ».
    Mais de cette disposition si extravagante du « droit » italien, l’Etat italien a su faire un excellent et très productif usage ces 25 dernières années, (particulièrement dans les années 80, mais aussi après) et des centaines de fois : on arrête un quidam militant gauchiste sous motif de « participation à bande armée », « conspiration visant à renverser l’Etat » etc. A l’époque 80, une Loi spéciale permet de détenir jusque pendant 12 ans un prévenu de « terrorisme » en détention provisoire. La détention dure un an, deux ans etc. sous ces motifs « vagues ». Au bout d’un moment le prévenu est mis en liberté provisoire, pour raison de santé ou autre. Celui-ci, voyant la machine judiciaire complètement emballée dans des maxi-procès où l’on distribue des perpétuités par centaines, à la tête du client, et sur foi de « repentis » (en général des gars bien mouillés dans les crimes de sang « politiques », mais eux-mêmes si peu politisés, qu’ils « dealent » aisément des dénonciations contre l’impunité. Ce qu’on appelait jadis en France « des témoins à gage » ou « à brevet »), adoptant une attitude rationnelle face à de telles désordres, se dit qu’il faut mieux laisser passer l’orage de l’exceptionnalité juridico-politique, et prend le large vers des pays plus calmes, en attendant de pouvoir revenir dans son pays, une fois que la raison y sera revenue. Et là : Patatrac ! Les accusations de l’instruction se font beaucoup plus précises : on lui impute des délits et crimes bien précis, une multitude de (faux) témoins, et des « expertises » arrivent… Le procès se déroule hors de sa présence, il ne peut pas se défendre. Le simple fait d’être « latitante » (en fuite) est déjà une preuve de culpabilité. Le tour est joué ! Le prévenu est définitivement condamné, sans que jamais désormais, il ne puisse être jugé en sa présence, qu’il puisse réellement se défendre. Ce sont donc des condamnations « politiques », mais qui ont bénéficié d’un véritable « huis-clos », où une personne peut être condamnée à perpétuité sans même avoir entendu les faits qui lui étaient reprochés, si ce n’est les commentaires qu’il a pu vaguement entendre dans les « médias » ! C’est le « Procès » de Kafka, mais à l’heure médiatique !
    Sur l’arrêt Somogyi c. Italie (N°67972/01) du 18 mai 2004 de la Cour européenne des droits de l’homme, qu’évoque Fred Vargas, citons quelques extraits qui illustrent la démarche si pernicieuse du gouvernement italien
    « 1. Le requérant (autrement dit M. Somogyi condamné par défaut en Italie)
    41. Le requérant allègue avoir été condamné par défaut sans avoir eu la possibilité de se défendre devant les tribunaux italiens. Il souligne n’avoir reçu aucune information quant à l’ouverture des poursuites à son encontre, l’avis de fixation de l’audience préliminaire ne lui ayant jamais été communiqué. A cet égard, il soutient que la signature figurant sur l’accusé de réception de la communication du GIP de Rimini n’était pas la sienne. »
    (…./ ….)
    « 2. Le Gouvernement (Italien)
    55. Estimant devoir s’en tenir aux faits, tels que résultant du dossier, le Gouvernement relève que l’avis de fixation de l’audience préliminaire à été notifié en mains propres à une adresse correspondante à celle qui avait été notée par Mme M., et à laquelle cette dernière avait reçu une lettre de l’un des frères S. Par ailleurs, cette adresse ne différerait guère de celle qui a été indiquée par le requérant dans sa requête à la Cour. De toute manière, l’adresse et le nom du requérant étaient exacts, sinon dans l’original, au moins dans la traduction hongroise de l’acte. De plus, soit la poste était en mesure de comprendre l’erreur (qui selon le Gouvernement serait minime) et de délivrer le pli à son destinataire, soit elle aurait dû restituer la lettre à son expéditeur. Il serait contraire au bon sens de penser que le facteur hongrois ait pu délivrer la communication du GIP de Rimini à une personne différente du requérant – mais dont le nom serait étonnamment proche de celui de M. Somogyi – et à une adresse qui, selon les allégations de la partie requérante elle-même, n’existerait pas. Selon le Gouvernement, la thèse du requérant serait un échafaudage peu ingénieux et passablement confus, fondé sur un fait réel (les fautes dans l’adresse), pour essayer de sortir d’une très fâcheuse passe. »
    [ en gros : les services du Tribunal de Rimini s’était trompé et sur le libellé du nom de M. Somogyi, et sur son adresse en Hongrie où il vivait – avec comme conséquences qu’il n’a pu prendre connaissance de sa convocation, mais selon le gouvernement italien « il serait contraire au bon sens » que cela puisse être vrai, puisque le nom comme l’adresse ne « différait guère ». Dans un tel pays il vaut mieux ne pas s’appeler « Dupond » ou « Durand »]
    « 56. Le Gouvernement relève en outre qu’en 1995 le requérant a été interviewé par un journaliste italien. Ce dernier a probablement dit quelque chose au requérant pour justifier sa visite, décelant ainsi l’existence de soupçons et d’une procédure judiciaire pendante. Bien que de telles informations ne puissent pas remplacer la notification de l’avis d’audience, il serait difficile de croire que le requérant se soit, malgré la situation très grave à laquelle il allait faire face, totalement désintéressé de l’affaire. Notamment, le requérant aurait pu charger un avocat de suivre le déroulement de la procédure italienne. Par ailleurs, compte tenu de la grande médiatisation de l’affaire, la presse hongroise a dû donner des nouvelles quant à l’impasse dans laquelle se trouvait un compatriote, ce qui rend peu crédible le requérant lorsqu’il affirme n’avoir jamais rien su de la procédure pénale le concernant. Pareillement il serait très curieux que la personne ayant reçu la lettre adressée au requérant n’ait pas pris le soin de manifester aux autorités italiennes sa position.
    57. Le Gouvernement en déduit que le requérant a eu connaissance en temps voulu de la
    procédure diligentée à son encontre, ayant, partant, la possibilité de participer à son procès et de s’y faire représenter par un avocat de son choix, possibilité à laquelle il aurait volontairement renoncé. »
    [ Est ici exposée toute la rigueur juridique du gouvernement de M. Berlusconi. Le requérant a reçu un journaliste. Son affaire a fait du barnum médiatique : donc le requérant a été convoqué au Tribunal dans les formes légales ! ]
    (…/…)
    « B. L’appréciation de la Cour
    « 2. Le fond de l’affaire
    65. La Cour rappelle que quoique non mentionnée en termes exprès au paragraphe 1 de l’article 6, la faculté pour l’« accusé » de prendre part à l’audience découle de l’objet et du but de l’ensemble de l’article. Du reste, les alinéas c), d) et e) du paragraphe 3 reconnaissent à « tout accusé » le droit à « se défendre lui-même », « interroger ou faire interroger les témoins » et « se faire assister gratuitement d’un interprète, s’il ne comprend pas ou ne parle pas la langue employée à l’audience », ce qui ne se conçoit guère sans sa présence (voir Colozza c. Italie, arrêt du 12 février 1985, série A no 89, p. 14, § 27 ; T. c. Italie, arrêt du 12 octobre 1992, série A no 245-C, p. 41, § 26 ; F.C.B. c. Italie, arrêt du 28 août 1991, série A no 208-B, p. 21, § 33 ; voir également Belziuk c. Pologne, arrêt du 25 mars 1998, Recueil des arrêts et décisions 1998-II, p. 570, § 37). »
    (…/ …)
    « 69. Les circonstances qui entourent la délivrance de la communication du GIP de Rimini du 30 octobre 1997 demeurent incertaines. Sur la base des éléments produits devant elle, la Cour n’est pas en mesure de déterminer si ladite communication a été reçue par le requérant.
    70. Aux fins de la présente affaire, la Cour se borne à observer que le requérant a à plusieurs reprises contesté l’authenticité de la signature qu’on lui attribuait et qui constituait le seul élément susceptible de prouver que l’accusé avait été informé de l’ouverture des poursuites. On ne saurait considérer que les allégations du requérant étaient de prime abord dénuées de fondement, compte tenu, notamment, de la différence entre les signatures produites par le requérant et celle figurant sur l’accusé de réception, ainsi que de la différence existante entre le prénom du requérant (Tamas) et celui du signataire (Thamas). De plus, les imprécisions dans l’indication de l’adresse du destinataire étaient de nature à soulever des doutes sérieux quant à l’endroit auquel la lettre avait été délivrée.
    71. Face aux allégations de l’intéressé, les juridictions italiennes ont rejeté tout recours interne et refusé de rouvrir le procès ou le délai pour interjeter appel sans examiner l’élément qui, aux yeux de la Cour, était au cœur de l’affaire, à savoir la paternité de la signature figurant sur l’accusé de réception. En particulier, aucune enquête n’a été ordonnée pour vérifier le fait litigieux, et, malgré les demandes réitérées de l’intéressé, aucune expertise graphologique n’a été accomplie pour comparer les signatures.
    72. La Cour considère que, eu égard à la place éminente que le droit à un procès équitable occupe dans une société démocratique (voir, parmi beaucoup d’autres, Delcourt c. Belgique, arrêt du 17 janvier 1970, série A no 11, pp. 14-15, § 25 in fine), l’article 6 de la Convention implique pour toute juridiction nationale l’obligation de vérifier si l’accusé a eu la possibilité d’avoir connaissance des poursuites à son encontre lorsque, comme en l’espèce, surgit sur ce point une contestation qui n’apparaît pas d’emblée manifestement dépourvue de sérieux (voir, mutatis mutandis et en relation à l’obligation de vérifier si le tribunal était « impartial », Remli c. France, arrêt du 23 avril 1996, Recueil des arrêts et décisions 1996-II, p. 574, §§ 47-48). Ce principe est d’ailleurs en substance accepté par le Gouvernement (voir paragraphe 58 ci-dessus).
    73. Or, dans la présente affaire, la cour d’appel de Bologne et la Cour de cassation n’ont pas procédé à une telle vérification, privant le requérant de la possibilité de remédier, le cas échéant, à une situation contraire aux exigences de la Convention. Ainsi, aucun contrôle scrupuleux n’a été accompli pour déterminer, au-delà de tout doute raisonnable, si la renonciation à comparaître du condamné était non équivoque.
    74. Il s’ensuit qu’en l’espèce les moyens mis en place par les autorités nationales n’ont pas permis d’atteindre le résultat voulu par l’article 6 de la Convention.
    75. En ce qui concerne, enfin, l’affirmation du Gouvernement selon laquelle le requérant aurait de toute manière eu connaissance des poursuites par le biais du journaliste l’ayant interviewé ou de la presse locale, la Cour rappelle qu’aviser quelqu’un des poursuites intentées à sa charge constitue un acte juridique d’une telle importance qu’il doit répondre à des conditions de forme et de fond propres à garantir l’exercice effectif des droits de l’accusé ; cela ressort, du reste, de l’article 6 § 3 a) de la Convention. Une connaissance vague et non officielle ne saurait suffire (T. c. Italie, arrêt précité, p. 42, § 28).
    76. Il y a donc eu violation de l’article 6 de la Convention. »

    Pour lire l’intégralité des arrêts de la CEDH Cf. http://www.echr.coe.int/Fr/Judgments.htm

  • Voici ci-après le texte du décret-loi (spécial Battisiti, selon Doninique Simonnot dans un article de Libération de mars 2005 reproduit sur ce site) . Lisant très mal l’italien, j’ai du mal à en saisir les subtilités. Mais en tout état de cause, si d’aventure elle permettait à la législation italienne de cesser de violer la Convention européenne des droits de l’homme, et notamment son article 6 sur le droit à un procès juste et équitable, comme c’est le cas depuis des décennies, (je dis bien "si d’aventure", car le nouveau CPP italien d’il y a déjà quelques années était déjà censé faire cesser ces violations, et la CEDH a déjà tranché sur ces aménagements cosmétiques, ne faisant cesser en rien la violation de la Convention), cela ne pourrait que signifier, que, dans le cas d’espèce, M. Battisti pourrait dès son retour en Italie bénéficier immédiatement d’un procès juste et équitable, en sa présence. Ce cas d’espèce serait en quelque sorte la "preuve par neuf" que l’Italie vient seulement enfin de mettre son "ordre juridique interne" en harmonie avec le droit à un procès juste et équitable, et non pas seulement, comme il est dit au préambule de ce décret-loi, avec le "nouveau système de remise (NB : consegna : d’un paquet, d’une lettre ! mais ici il s’agit de bonshommes) entre les Etats de l’Union Européenne, qui consent à l’autorité judiciaire d’un Etat membre de refuser l’exécution du mandat d’arrêt européen émis sur la base d’un jugement de condamnation par contumace, au cas où ne serait pas garanti, sempre che ne ricorrano i presupposti (je n’ai pas réussi à traduire : toujours - que - ne recourt pas - les conditions), la possibilité d’un nouveau procès".
    Sans aller plus loin il est déjà clair que le législateur italien n’a toujours rien compris. Il ne s’agit pas de garantir "la possibilité" d’un nouveau procès, mais de garantir son absolue nécessité, son implacable et inexorable advenue, son irréfragable tenue, l’automaticité expresse de son déroulement, dès lors que le condamné par contumace en fait la demande !
    Mais il faudrait traduire très correctement, et analyser profondément l’ensemble de ce décret-loi.
    Puisqu’il existe maintenant un "mandat d’arrêt européen" , ce que l’immense majorité des européens ignorent, et que les lois et juridictions "nationales" européennes s’interpénètrent à ce point, il devient le devoir de chaque "citizen", s’il ne veut contrevenir à la Loi que nul n’est censé ignorer, d’apprendre une douzaine de langue et d’étudier leurs divers CP et CPP, qui semblent tout de même si divergents (EN FRANCE : un condamné par contumace, en fuite, est obligatoirement rejugé quand il retombe dans les mains de la Justice ! Et c’est pour cela, en théorie, qu’elle ne peut pas extrader une personne vers un pays qui ne respecte pas ce droit fondamental, de même qu’elle ne peut pas extrader une personne vers un pays où celle-ci encourt la peine de mort. Mais la "construction européenne" en cours produit de telles monstruosités juridiques - la dernière en date étant cette "constitution" à la Soviétique de 1936 que l’on cherche naïvement à faire ratifier - que la saine doctrine juridique est abandonnée au profit de sordides calculs diplomatiques et politiques.).

    DECRETO-LEGGE 21 febbraio 2005 n. 17
    (pubblicato nella Gazzetta Ufficiale n. 43 del 22 febbraio 2005)
    DISPOSIZIONI URGENTI IN MATERIA DI IMPUGNAZIONE DELLE SENTENZE CONTUMACIALI E DEI DECRETI DI CONDANNA

    Il Presidente della Repubblica

    Visti gli articoli 77 e 87 della Costituzione ;

    Ritenuta la straordinaria necessità ed urgenza di garantire il diritto incondizionato alla impugnazione delle sentenze contumaciali e dei decreti di condanna da parte delle persone condannate nei casi in cui esse non sono state informate in modo effettivo dell’esistenza di un procedimento a loro carico, così come espressamente richiesto allo Stato italiano dalla sentenza del 10 novembre 2004, pronunciata sul ricorso n. 56581/00, della Corte europea dei diritti dell’uomo ;

    Considerata, altresì, la necessità e l’urgenza di armonizzare l’ordinamento giuridico interno al nuovo sistema di consegna tra gli Stati dell’Unione europea, che consente alle autorità giudiziarie di Stati membri di rifiutare l’esecuzione del mandato di cattura europeo emesso in base ad una sentenza di condanna in contumacia ove non sia garantita, sempre che ne ricorrano i presupposti, la possibilità di un nuovo processo ;

    Considerata la necessità di adeguare il nuovo regime dell’impugnazione tardiva dei provvedimenti contumaciali al principio di ragionevole durata dei processi e, conseguentemente, di introdurre nuove disposizioni in materia di notificazione all’imputato non detenuto e di elezione di domicilio da parte della persona sottoposta alle indagini o dell’imputato che abbiano nominato un difensore di fiducia ;

    Vista la deliberazione del Consiglio dei Ministri, adottata nella riunione del 18 febbraio 2005 ;

    Sulla proposta del Presidente del Consiglio dei Ministri e del Ministro della giustizia ;

    Emana il seguente decreto-legge :

    Art. 1.

    Modifiche all’articolo 175 del codice di procedura penale
    1. All’articolo 175 del codice di procedura penale sono apportate le seguenti modificazioni :
    a. al comma 1, é aggiunto, in fine, il seguente periodo : « La richiesta per la restituzione nel termine é presentata, a pena di decadenza, entro dieci giorni da quello nel quale é cessato il fatto costituente caso fortuito o forza maggiore. » ;
    b. il comma 2 é sostituito dal seguente : « 2. Se é stata pronunciata sentenza contumaciale o decreto di condanna, l’imputato é restituito, a sua richiesta, nel termine per proporre impugnazione od opposizione, se risulta dagli atti che non ha avuto effettiva conoscenza del procedimento e non ha volontariamente rinunciato a comparire e sempre che l’impugnazione o l’opposizione non siano state già proposte dal difensore. » ;
    c. dopo il comma 2 é inserito il seguente : « 2-bis. La richiesta indicata al comma 2 é presentata, a pena di decadenza, nel termine di trenta giorni da quello in cui l’imputato ha avuto effettiva conoscenza del provvedimento. In caso di estradizione dall’estero, il termine per la presentazione della richiesta decorre dalla consegna del condannato. » ;
    d. al comma 3 il periodo : « La richiesta per la restituzione nel termine é presentata, a pena di decadenza, entro dieci giorni da quello nel quale é cessato il fatto costituente caso fortuito o forza maggiore ovvero, nei casi previsti dal comma 2, da quello in cui l’imputato ha avuto effettiva conoscenza dell’atto. » é soppresso.
    Art. 2.

    Modifiche agli articoli 157 e 161 del codice di procedura penale
    1. All’articolo 157 del codice di procedura penale dopo il comma 8 é aggiunto, in fine, il seguente : « 8-bis. Le notificazioni successive sono eseguite, in caso di nomina di difensore di fiducia ai sensi dell’articolo 96, mediante consegna ai difensori. ».
    2. All’articolo 161 del codice di procedura penale dopo il comma 4 é aggiunto, in fine, il seguente : « 4-bis. In caso di nomina di difensore di fiducia ai sensi dell’articolo 96, le notificazioni alla persona sottoposta alle indagini o all’imputato, che non abbia eletto o dichiarato domicilio, sono eseguite mediante consegna ai difensori. ».

    Art. 3.

    Entrata in vigore
    1. Il presente decreto entra in vigore il giorno successivo a quello della sua pubblicazione nella Gazzetta Ufficiale della Repubblica italiana e sarà presentato alle Camere per la conversione in legge.
    Il presente decreto, munito del sigillo dello Stato, sarà inserito nella Raccolta ufficiale degli atti normativi della Repubblica italiana. E’ fatto obbligo a chiunque spetti di osservarlo e di farlo osservare.