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Nous ne pouvons accepter qu’un pouvoir quel qu’il soit prive des journalistes de leur liberté.

Publie le jeudi 21 avril 2005 par Open-Publishing

Abasourdis et révoltés !

de Patrick Le Hyaric

En condamnant hier Youcef Rezzoug, rédacteur en chef du Matin, Yasmine Ferroukhi, Abla Chérif, Hassane Zerrouky, journalistes, à des peines de deux à trois mois de prison, la justice algérienne s’est déshonorée. Le directeur de ce journal, Mohamed Benchicou qui purge déjà deux ans de prison, voit sa peine aggravée d’au moins cinq mois supplémentaires. Pour quel motif ? Ils ont osé enquêter pour le journal le Matin sur deux dossiers concernant des marchés publics. Le travail d’investigation est considéré comme partie intégrante du métier de journaliste. La démocratie exige que ce droit puisse s’exercer pleinement, sans pression. Il participe des débats, des confrontations normales dans toute société. S’il fallait emprisonner toutes celles et ceux qui mènent des enquêtes, révèlent des affaires ou des événements, même lorsque la justice les désavoue, les prisons seraient encore plus chargées qu’elles ne le sont.

Nous sommes abasourdis et révoltés par la décision de la justice algérienne. Parmi ces condamnés figure un journaliste de l’Humanité, notre camarade Hassane Zerrouky. Hassane est le lien vivant entre les pays du Maghreb - en particulier l’Algérie - et l’Humanité. Il n’a jamais hésité à se rendre en Palestine, en Israël, au Liban ou en Irak faisant de l’Humanité le porte-voix de la paix et de la fraternité. Son regard original, ses connaissances de ces pays enrichissent notre journal. La justice algérienne s’apprête donc à jeter en prison un homme honnête, travailleur, un militant de la justice et de la vérité.

C’est la première fois qu’un journaliste de l’Humanité est condamné à la prison par un tribunal étranger. L’État algérien a-t-il conscience qu’il veut embastiller un collaborateur de l’un des journaux qui a le plus lutté pour la liberté, l’indépendance et la paix pour le peuple algérien ? Cette parodie de justice revient à cracher sur la tombe de ceux qui ont versé leur sang, de part et d’autre de la Méditerranée, pour faire vivre des idéaux communs de paix, de liberté et de fraternité. L’Humanité et ses journalistes ont payé un lourd tribut à ces combats. Elle a été saisie ou censurée 27 fois durant la guerre d’Algérie, poursuivie 150 fois. Des tribunaux français ont condamné sévèrement plusieurs de ses journalistes pour leur engagement aux côtés du peuple algérien en lutte contre le colonialisme français.

Aujourd’hui, pour aller de l’avant, l’Algérie a besoin d’une presse libre. Les diffuseurs de l’information et de la pensée, les promoteurs de la confrontation d’idées, ces passeurs du savoir et de la culture que sont les journalistes, ne peuvent être pris en tenailles entre des forces intégristes et un pouvoir restreignant sans cesse leurs libertés.

Au moment même où nous sommes engagés dans une grande campagne pour faire libérer Florence Aubenas, Hussein Hanoun Al Saadi et tous les journalistes détenus en otages, nous ne pouvons accepter qu’un pouvoir quel qu’il soit prive des journalistes de leur liberté. La place d’un journaliste est dans sa rédaction, pas dans une prison.

Nous en appelons aux autorités algériennes, à la justice algérienne pour qu’elle révise son jugement dans les plus brefs délais, relaxe les journalistes du Matin, libère Mohamed Benchicou et autorise les journaux aujourd’hui interdits à reparaître. Nous en appelons aux autorités françaises pour qu’au nom de l’amitié et de la coopération entre nos deux pays, elles fassent connaître leur désapprobation au pouvoir algérien et lui demandent de respecter les principes élémentaires de toute démocratie.

Nous en appelons à tous les démocrates, à tous ceux qui sont attachés à la liberté d’expression et de la presse, à tous ceux qui ont à coeur l’amitié franco-algérienne, à se mobiliser pour que nos confrères n’aillent pas en prison et pour faire respecter la liberté de la presse en Algérie. La liberté d’écriture, de publication, d’investigation, d’opinion est un principe fondamental qu’on ne peut bafouer impunément. C’est l’intérêt de l’Algérie de respecter ces libertés.

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