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Saïd Bouamama censure post-coloniale

par UJFP LMSI via jyp

Publie le dimanche 14 juillet 2019 par UJFP LMSI via jyp - Open-Publishing
2 commentaires

En soutien à Saïd Bouamama

Après le boycott d’un colloque par des représentants de l’État pour seul motif que le sociologue Saïd Bouamama y participait, 130 personnalités communiquent leur solidarité à l’universitaire face à une « campagne de diffamation » islamophobe. Ils déplorent que le pouvoir ait « obtempéré aux injonctions de l’extrême-droite ».

Le colloque de deux jours, organisé à Bobigny sur le thème « Mécaniques de l’extrémisme violent », a été troublé par l’absence d’un de ses organisateurs, le sociologue Saïd Bouamama, conséquence d’un veto émanant du ministère de l’intérieur. Cette intervention relaie une campagne expresse initiée par le Rassemblement national, aussitôt suivi par le FigaroVox et Valeurs Actuelles.

Les officiels qui devaient introduire le colloque, le président du conseil départemental, la préfète déléguée à l’égalité des chances du 93, la procureure de la République du 93 ainsi que la secrétaire générale du comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation (CIPDR), ont « boycotté » ce colloque, pour reprendre la formulation du Parisien.

L’oukase contre Saïd Bouamama est d’autant plus étonnant qu’il est co-animateur depuis quatre ans du projet dont ce colloque est l’aboutissement, et qu’il s’agit d’un projet soutenu par l’État et en particulier la préfecture de Seine-Saint-Denis. L’intervention qu’il devait faire a été lue et chaudement applaudie ; quand elle sera publiée, chacun·e pourra constater, outre sa qualité, qu’elle est à mille lieues de constituer une « complaisance envers le djihadisme » comme l’en ont accusé ses détracteurs sans s’être donné la peine de l’entendre.
La question du djihadisme est donc instrumentalisée pour tenter de discréditer un sociologue dont les opinions politiques de gauche sont publiques, ses références intellectuelles se situant du côté du marxisme, à l’opposé de l’islam politique. Cette campagne de diffamation contre Saïd Bouamama émane de milieux islamophobes et d’extrême droite devant lesquels le pouvoir a cédé.

La volonté destructrice de ces lobbys va donc jusqu’à tenter d’anéantir des structures et projets visant à réinsérer des personnes dites "radicalisées" dans une vie sociale partagée plutôt que de poursuivre une trajectoire dangereuse pour les autres comme pour elles-mêmes.
Nous, signataires, sommes solidaires de Saïd Bouamama et dénonçons l’attitude de ce pouvoir qui obtempère aux injonctions de l’extrême-droite, preuve éclatante de son double discours qui prétend la combattre en la renforçant quotidiennement.

http://www.ujfp.org/spip.php?article7280

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Un racisme post-colonial

réflexions sur un passé qui ne passe pas

par Pierre Tevanian, Saïd Bouamama

3.07.2019

Le Parisien notamment vient de le révéler : une nouvelle fois, les plus hautes autorités de la République française viennent de porter atteinte à la liberté d’expression, et plus précisément à la nécessaire autonomie de la recherche scientifique et du travail social, en cédant à une demande de censure émanant de la droite dure et de l’extrême droite. C’est notre camarade et ami Saïd Bouamama qui cette fois-ci fait les frais d’une abjecte campagne menée principalement par le Rassemblement National et sa presse quasi organique : Le Figaro et Valeurs Actuelles. Interdit de séjour dans un colloque de trois jours dont il avait pourtant été l’une des chevilles ouvrières, et cela sur simple décision d’un ministère de l’Intérieur lui-même soumis aux desiderata d’une extrême droite xénophobe et obscurantiste, Saïd mérite un large soutien. Nous nous associons donc à la pétition que vient de publier Mediapart, et nous republions un texte co-écrit avec lui, consacré à ce qui semble bel et bien être le ressort de cette extravagante et brutale ingérence étatique : le racisme.

À la question « Peut-on parler d’un racisme post-colonial ? », nous répondons par une autre question : Comment peut-on ne pas en parler ? Comment peut-on parler des formes contemporaines du racisme sans évoquer deux de ses principales généalogies : les systèmes esclavagiste et colonial ? Comment peut-on nier qu’existe aujourd’hui un profond racisme qui trouve son fondement dans des institutions, des pratiques, des discours et des représentations qui se sont élaborées dans le cadre de l’empire colonial français ? [1]

Comment peut-on le nier, par exemple, alors que les enquêtes d’opinion mettent en évidence une forme de mépris ou de rejet spécifique, plus fort et plus durable, à l’encontre des immigrés originaires de pays colonisés ? De ces enquêtes [2], il ressort en effet que, depuis plusieurs décennies, deux phénomènes sont observables : d’une part, les vagues d’immigration les plus récentes sont toujours les plus dépréciées, les plus craintes ou les plus méprisées, tandis que le temps dissipe peu à peu cette crainte et ce mépris ; d’autre part, les immigrés issus de pays anciennement colonisés, notamment d’Afrique, font exception à cette première règle.

En d’autres termes, il convient de distinguer le stigmate xénophobe, qui n’existe sous une forme exacerbée que pour les nouveaux arrivants, et le stigmate raciste, qui cristallise des représentations beaucoup plus profondément enracinées, et qui par conséquent ne perd pas - ou très peu - de sa force avec le renouvellement des générations et leur enracinement en France. Si les immigrants italiens, polonais, arméniens ou portugais ont pu être, à leur arrivée en France, l’objet de discours infâmants et de mesures discriminatoires d’une grande brutalité, souvent comparables par leur forme et par leur violence à ce que subissent aujourd’hui les immigrants post-coloniaux [3], il n’en est pas allé de même pour leurs enfants, et moins encore pour leurs petits-enfants. On ne peut pas en dire autant des enfants d’immigrés maghrébins ou noirs-Africains, seuls condamnés à l’appellation absurde - mais éloquente politiquement – d’« immigrés de la deuxième ou troisième génération », et aux discriminations qui l’accompagnent.

Si le racisme est, selon la formule d’Albert Memmi, « une valorisation généralisée et définitive de différences réelles ou imaginaires, au profit de l’accusateur et au détriment de sa victime, afin de légitimer une agression ou des privilèges » [4], il y a bien un racisme spécifique qui s’est construit comme une légitimation de l’agression et du privilège coloniaux...

http://lmsi.net/Un-racisme-post-colonial

suite sur recueil :

Saïd Bouamama censure post-coloniale

Messages

  • "ses références intellectuelles se situant du côté du marxisme"
    Oui, mais cela fait longtemps, non !?
    C’est toujours le problème avec les racialistes/indigénistes : toute critique est obligatoirement islamophobe (même quand elle émane des communistes) et donc tout critique est obligatoirement d’extrême-droite. Le tour est joué, on élude ainsi les vrais questions, donc le débat, donc la montée en puissance du sens critique et de l’intelligence politique, facteur indispensable vers l’émancipation de l’humanité. C’est peut-être cela qu’ils visent ?
    Et puis, c’est l’arroseur arrosé ; combien de conférences, colloques, réunions, spectacles ont dû être annulé sous la pression sociale des racialistes/indigénistes qui voyaient du racisme et de l’islamophobie là où il y avait défense de la laïcité ?
    Ce qui est dommage c’est que effectivement ce soit la droite et l’extrême-droite qui récupère ce combat, la gauche laïque et de progrès ayant été neutralisée pendant très longtemps ; mais les chose changent.