Accueil > Le monde ouvrier.

Le monde ouvrier.

par L’iena rabbioso

Publie le mercredi 22 avril 2020 par L’iena rabbioso - Open-Publishing

J’ai eu de la chance.

J’ai vécu dans un monde ouvrier.

Et puis ensuite j’ai fait un bac+5 pour échapper au monde ouvrier.

Je vous parle ici des ouvriers du bâtiment, et des petites entreprises qui doivent subir des décisions incohérentes venues d’en haut, qui oblige le travailleur à démonter ce qui était sur le plan, et respecter le nouveau plan qui implique un travail supplémentaire, des heures supplémentaires non payées.

Le monde ouvrier du bâtiment est rude, mais il est moins désespérant que le monde ouvrier commercial, car l’ouvrier du bâtiment bénéficie, ironiquement, d’une absence de surveillance qui est due à la disparition des chefs de chantiers, trop chers, inutiles.

Bref les ouvriers du bâtiment doivent se démerder seuls.

Et ce monde est un monde rude.

Souvent pas de toilettes, ou bien des horribles boites en plastique, ni d’autre solution pour les travailleurs sans papier que la gamelle pour déjeuner.

En fin de journée, évidemment pas de solution pour se doucher après une après midi à suer.

Vous pouvez le croire ou non, mais j’ai travaillé comme ouvrier sur des chantiers à une époque où j’étais trotskyste intégriste, et que mon travail petit bourgeois m’ennuyait, tellement il était tranquille et insouciant par rapport à mes frères ouvriers (j’ai deux frères ouvriers, et un troisième conducteur de bus)

J’ai vécu la période durant laquelle les délais ont été divisées par deux par des bureaucrates privés.

Cette période n’a pas été malheureuse pour moi.

Fatigué le matin, exténué le soir, car j’avais la chance de travailler entre frères.

Ils comprenaient que j’étais un piètre ouvrier, maladroit et lent, et me confiaient des tâches simples.

J’étais seul, et personne ne venait ne venait vérifier où en était mon travail, en général désespérément médiocre, et tragiquement en retard.

Et puis un jour cela n’a plus été possible : Il fallait un vrai ouvrier pour tenir la cadence.

Alors je suis retourné à mon travail d’informaticien, et comment vous dire, le télétravail, avec tout le confort, toute la liberté que cela impliquait, m’a satisfait quelques temps.

Et puis un jour j’ai reçu des mails me demandant de communiquer en anglais uniquement, et d’utiliser un programme qui m’obligeais à justifier mon activité.

Je me suis alors rendu compte que je pouvais entrer n’importe quoi dans ce programme.

Tout simplement parce que personne en face ne savait exactement sur quoi je travaillais.

Alors bien payé et dépressif, j’ai fini par lâcher prise.

Quel dommage de ne pas avoir été un ouvrier digne de ce nom.