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Les chômeurs soumis à un radar permanent

Publie le jeudi 11 août 2005 par Open-Publishing

de Fanny Doumayrou

Le décret renforçant le contrôle a été publié vendredi au Journal officiel. Les allocations pourront être amputées, suspendues ou supprimées.

Application de la loi de cohésion sociale du 18 janvier 2005, le décret sur le contrôle des chômeurs a été publié vendredi au Journal officiel. Aucune modification n’a été apportée au projet de texte qui avait été transmis le 21 juillet dernier aux partenaires sociaux pour avis (voir l’Humanité du 25 juillet). Le gouvernement confirme donc son objectif de multiplier les sanctions financières contre les demandeurs d’emploi.

Jusqu’à présent, en cas de doute sur la recherche d’emploi d’un chômeur, la direction départementale du travail (DDT) pouvait seulement décider une suppression, provisoire ou définitive, de l’allocation. Le gouvernement a jugé que cette sanction était trop lourde pour être appliquée « efficacement », c’est-à-dire souvent. Désormais, les sanctions seront donc progressives en fonction des faits reprochés. Par exemple, un refus d’emploi, de formation, de contrat d’apprentissage ou de professionnalisation pourra entraîner une amputation de 20 % de l’allocation. Des refus répétés pourront valoir une amputation de 50 %, ou bien la suppression de l’allocation pendant deux à six mois, ou définitive. Un chômeur qui ne répond pas à une convocation pourra écoper d’une suppression de deux mois de son revenu. S’il récidive, il encourra deux à six mois de suppression, voire la suppression définitive. Même gradation du côté des radiations, qui ne sont officiellement pas considérées comme des sanctions. Jusqu’à présent, l’ANPE pouvait radier un chômeur des listes (ce qui entraîne la suppression de l’allocation) pour une période de deux à six mois. Désormais, une radiation de quinze jours est instaurée en cas de refus d’emploi isolé, puis d’un à deux mois en cas de refus répété.

Le pouvoir de sanction reste aux mains de l’État. Les ANPE et les ASSEDIC instruiront des dossiers de « suspects » qu’elles transmettront aux services de contrôle des directions départementales du travail. Ceux-ci, placés sous l’autorité du préfet, trancheront. Le MEDEF se dit donc déçu que le gouvernement n’ait pas accédé à sa revendication : le patronat souhaitait qu’en vertu du principe « qui paie contrôle » les ASSEDIC puissent décider elles-mêmes la suppression des allocations. Mais au fond le résultat pourra être le même pour les chômeurs, si les préfets donnent pour instruction de valider quasi systématiquement les dossiers transmis par les ASSEDIC. « Comme les sanctions sont moins lourdes qu’avant, les DDT auront moins de scrupules à suivre », craint Philippe Sabater, du SNU-ANPE (FSU), qui dénonce un « traitement statistique du chômage, par multiplication des radiations et des sanctions. On va s’en prendre au porte-monnaie des chômeurs en retirant un pourcentage de leur allocation. Ces sanctions paraîtront moins graves que la suppression totale d’autrefois, donc on sera moins regardant sur la justification ».

« Les chômeurs vont être soumis à un radar permanent automatique », déplore Martin Joao, du SNU-ANPE. « On nous parle de centaines de milliers d’offres d’emploi non satisfaites, mais c’est du pipeau. La réalité, c’est que les patrons n’embauchent pas, et à côté de ça, on demande aux chômeurs de prouver leur recherche effective d’emploi. Certaines régions sont de vrais déserts industriels, il n’y a aucun emploi. Les chômeurs devront écrire dix fois la même lettre de motivation aux mêmes entreprises pour prouver leur recherche ? On va imposer à des gens des boulots dans le bâtiment alors qu’ils ont la gale du ciment ? De plus en plus, mon métier va se résumer à dire aux chômeurs de faire attention aux contrôles. »

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