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A l’Ouest, les Francofolies et Johnny...

Publie le lundi 7 juillet 2003 par Open-Publishing

A l’Ouest, les Francofolies et Johnny sont dans le collimateur

http://www.lemonde.fr/article/0,5987,3246--326885-,00.html

Nantes de notre envoyée spéciale

Avec les quelque 3 000 intermittents répertoriés aux Assedic dans les Pays de la Loire et un peu plus en Bretagne, l’ouest de la France est un des principaux théâtres de la guerre menée contre la réforme du statut. Les intermittents de l’agglomération nantaise (500 000 habitants) tiennent des AG quotidiennes au Lieu Unique (LU), scène nationale, dont le personnel et le directeur, Jean Blaise, se sont déclarés "totalement solidaires de la grève" depuis son début, fin juin. Ils ont offert deux jours de leur salaire, soit environ 3 000 euros, à la caisse commune.

Les 26 et 27 juin, les représentations prévues à LU ont été annulées, et un cycle Jacques Tati écorné à la Maison de la culture de Loire- Atlantique (MCLA). Le Festival de musiques et nouvelles technologies Scopitone, émanation de la salle de musiques amplifiées L’Olympic, prévu les 4 et 5 juillet, a été rayé de la carte des festivals, à l’instar des Tombées de la nuit à Rennes. Il s’agit pourtant de deux manifestations à l’économie fragile et au public aligné sur la défense de l’exception culturelle française.

L’Olympic, géré par l’association Songo, est, avec le Panonica pour le jazz et la Bouche d’air pour la chanson, l’une des trois salles de musiques actuelles (SMAC) de Nantes. Le label, octroyé par le ministère de la culture, permet à l’Olympic de recevoir 140 000 euros de l’Etat sur un budget de 1,7 million d’euros pour 230 concerts par an, dont 80 directement produits par la salle. Selon son directeur, Eric Boistard, l’Olympic génère sur place environ 800 cachets d’intermittents, tout en employant douze personnes à temps complet.

SCOPITONE ET LE MUSCADET

Temps fort de la programmation 2003, Scopitone (330 000 euros de budget dont 190 000 de recettes propres prévues) proposait une réflexion sur la musique, les images et les nouvelles technologies, en partenariat avec le monde associatif. Annulé après une assemblée générale houleuse le 1er juillet, Scopitone doit aujourd’hui négocier au cas par cas le paiement des cachets des artistes, les accords de parrainage, etc.

Deux soirées réunissant des musiciens étrangers n’ayant pas renoncé à se faire payer, tel DJ Krush, ont été montées au débotté à l’Olympic, les 3 et 4 juillet, avec boîtes à dons placées à l’entrée. De même, le festival des Tombées de la nuit de Rennes, qui faisait cette année peau neuve sous la direction de Claude Guinard, doit poser des pansements pour ne pas prendre l’eau. Avec un budget de 1 million d’euros, dont 602 000 euros provenant de la ville et 75 000 de la billetterie (beaucoup de spectacles sont gratuits), les Tombées de la nuit ont des reins plus solides, mais la déception est la même.

"J’ai retrouvé mes tickets pour Scopitone. J’avais les numéros 1 et 2 de la billetterie" : Philippe Gautier, musicien et responsable CGT nantais, entend prouver ainsi son attachement aux festivals de création, pourtant bloqués. "Depuis un an, dans cette région qui a fortement investi sur la culture, nous essayons de nous faire entendre. En vain, d’où les annulations. Si vous avez un plan B, dites- le nous !"

Pour infirmer l’idée que les grévistes ne s’attaqueraient qu’aux faibles, et qui plus est du même bord politique, les intermittents nantais ont décidé d’empêcher la tenue de la Nuit du muscadet le 4 juillet - "une fête des gros sous, de vente de pinard, à Mouzillon, municipalité UMP, bien raffariniste", dit en AG un intervenant.

APPEL DU MAIRE DE CARHAIX

Dans le collimateur des grévistes, les concerts de Johnny Hallyday prévus les 9 et 10 juillet au stade de la Beaujoire, mais aussi les Francofolies de La Rochelle et les Vieilles Charrues de Carhaix (Finistère). Dans une tribune au quotidien Ouest Francedu 7 juillet, Christian Troadec, maire de Carhaix, a appelé à un rassemblement devant la préfecture de Quimper, mardi 8 juillet à 15 heures, pour défendre la tenue de la 12e édition du festival qu’il a fondé en 1992.

"Nous ferons ce festival", promet Christian Troadec. "Sur le fond, je suis d’accord avec le mouvement des intermittents(...), dit-il. Mais sur la forme, la CGT du spectacle de Bretagne se trompe de cible en demandant le blocage et l’annulation du festival des Vieilles Charrues. J’avoue que je ne comprends pas ce mot d’ordre". "Nous ne sommes ni le Medef, ni le gouvernement", ajoute Christian Troadec.

Avec un budget de 2,6 millions d’euros, les Francofolies sont soutenues par la région Poitou-Charentes, et là beaucoup tiennent leur directeur, Jean-Louis Foulquier, pour un proche du premier ministre, Jean-Pierre Raffarin. Des autocars devaient partir lundi matin de Nantes, de Bretagne, de Poitiers, du Limousin et d’Aquitaine pour bloquer le montage des scènes, après un préavis de grève déposé par la CGT à partir du 6 juillet. L’équipe des Francofolies jure que si le festival est bloqué, ce sera le dernier.

Pour Johnny Hallyday, la partie paraît plus serrée. "C’est une question militaire", précisait un jeune intermittent. Les troupes sont maigres face aux semi-remorques de la tournée des stades et aux appuis politiques de l’entourage de la star. "Ce qui est sûr,dit Pierre Roba, comédien et responsable de l’association Action Ouest, c’est que, hormis les grosses machines, les conditions de diffusion du spectacle vivant n’ont cessé de se dégrader." Et de rappeler qu’en 1983, "lors du démantèlement de la Maison de la culture par la municipalité de droite, les Nantais étaient descendus dans la rue".

Véronique Mortaigne