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Les risques du RMA

Publie le vendredi 21 novembre 2003 par Open-Publishing

FRANÇOIS FILLON, le ministre des affaires sociales, veut inciter les
chômeurs à reprendre du travail. On ne peut que l’en féliciter. Le chômage
est à la racine de toutes les exclusions et du vote pour les extrêmes,
hantise du ministre. M. Fillon constate aussi que le RMI (revenu minimum
d’insertion), créé il y a quinze ans, ne remplit pas son ¦uvre d’insertion
sociale.

Il concerne plus d’un million de personnes dont la moitié perçoivent
l’allocation (410 euros par mois) depuis plus de trois ans, preuve que le
provisoire d’un entre-deux emplois s’est transformé en situation pérenne
sinon définitive.

Le ministre veut réformer en profondeur le RMI et en décentraliser le
financement pour aider les bénéficiaires à en sortir. Mais cette intention
louable s’est malheureusement perdue dans un projet de loi très complexe,
imprécis, dont l’intérêt comme les conséquences sont douteux. M. Fillon a
voulu trop en faire, en souhaitant sanctionner les "fraudeurs et
profiteurs", en redéfinissant le RMI pour revaloriser le volet insertion
avec le revenu minimum d’activité (RMA), tout en décentralisant le système
au profit des départements. Trop de réformes tue la réforme.

Mme Boutin (UMP, Yvelines), rapporteur du projet de loi, estime que beaucoup
de bénéficiaires du RMI sont en situation de détresse et bien incapables de
retrouver un emploi. Elle est critique vis-à-vis de ses collègues de la
majorité pour nombre desquels les Rmistes seraient des fainéants, état
d’esprit que le ministre ne partage pas. Mme Boutin a donc proposé une vaste
liste d’amendements pour défendre le droit au RMI... qui ont tous été
repoussés par le gouvernement. Situation politique inédite que de voir
toutes les propositions d’un rapporteur d’un projet de loi, envoyées à la
trappe.

L’autre aspect critiquable est le mélange avec la décentralisation qui
aboutit à un complexe bureaucratique redoutable. Les commissions locales
sont déjà embouteillées, selon la Cour des comptes, et elles manquent
surtout de ces "accompagnateurs" chargés de suivre individuellement les
bénéficiaires, seule manière de les connaître et les insérer. On peut douter
que les départements, désormais uniques responsables, consacreront tous les
moyens nécessaires pour en accroître le nombre.

Enfin, sur le fond : M. Fillon veut que les Rmistes depuis longtemps (la
période est à fixer, mais on évoque deux ans) passent au RMA, qui leur
donnera un travail dans une entreprise ou une association en échange d’un
équivalent smic. Ce salaire sera constitué du RMI, auquel s’ajoutera une
somme versée par l’employeur qui sera, au passage, exonéré des charges
patronales. La gauche n’a pas tort de craindre que des entreprises ne
trouvent là des emplois très peu chers, payés par le contribuable, et ne les
substituent aux emplois existants. Surtout, il n’est rien prévu pour les
bénéficiaires du RMA au bout des 18 mois du contrat si l’entreprise ne les
embauche pas. Ils risquent de tout perdre.

RMI-RMA : M. Fillon tente de rassurer les conseils générauxLE MONDE |
20.11.03 Les départements resteront néanmoins tenus, en 2004, d’allouer 17 %
de leurs crédits à l’insertion.Le débat sur la décentralisation du revenu
minimum d’insertion (RMI) et la création du revenu minimum d’activité (RMA)
a commencé, mercredi 19 novembre, à l’Assemblée nationale. Le RMA consiste
en un contrat d’insertion d’un titulaire du RMI, signé entre le département
et un employeur, privé ou public, pour un emploi d’une durée maximum de 18
mois. Dans ce cadre, l’employeur est exonéré de toute cotisation sociale, ne
prenant à sa charge que la part résiduelle entre le montant du RMI (versé
par le département) et le smic pour un travail minimum de 20 heures par
semaine.

Alors que s’engageait la discussion, la priorité du gouvernement et de l’UMP
était d’éteindre les incendies qui couvaient. Il s’agissait donc, pour le
ministre des affaires sociales, François Fillon, d’annoncer les aménagements
que le gouvernement va apporter à son texte afin de tenter de désamorcer les
inquiétudes qui se sont manifestées jusque dans les rangs de la majorité, et
d’abord parmi les présidents de conseils généraux. Ceux-ci se verront, en
effet, confier la responsabilité de la gestion et du financement de
l’ensemble du dispositif.

Si le ministre s’est montré intransigeant sur la date d’entrée en
application, qu’il maintient au 1er janvier 2004, il a apporté quelques
précisions sur les modalités des compensations financières. Le montant des
charges transférées aux départements au titre du RMI sera ainsi réexaminé en
2005 sur la base de la dépense constatée en 2004. Les personnels de l’Etat
actuellement chargés de la gestion du RMI seront mis à la disposition des
départements, à titre transitoire, pour la première année d’application. M.
Fillon a également consenti à laisser aux commissions locales d’insertion
(CLI) la possibilité d’émettre un simple avis préalablement à toute demande
de suspension d’une allocation, leurs autres compétences étant transférées
au conseil général.

En revanche, le ministre s’est réservé d’annoncer au moment où viendra en
discussion l’article 28 du texte - portant sur les crédits départementaux
d’insertion - la proposition de synthèse négociée jusque dans la journée de
mercredi avec les sénateurs de la majorité. En première lecture, le Sénat
avait supprimé l’obligation faite aux départements de consacrer au
financement de l’insertion au moins 17 % des crédits versés au titre du RMI.
Cet amendement a suscité de nombreuses réactions, notamment dans les milieux
associatifs.

"FAIRE TAIRE" CHRISTINE BOUTIN

La commission des affaires sociales de l’Assemblée, sous l’impulsion de
Christine Boutin (UMP, Yvelines), rapporteur du texte, propose de rétablir
cette obligation (Le Monde du 20 novembre). Après tractations, il a été
convenu avec les sénateurs de maintenir le taux de 17 % pour un an. La
synthèse ainsi formulée devrait permettre un vote conforme au Sénat en
deuxième lecture et l’adoption définitive du texte. Car le temps est compté
pour tenir l’objectif de l’entrée en application au 1er janvier 2004.
D’autant que le PS, par la voix de Jean Le Garrec (Nord), qui défendait à la
tribune de l’Assemblée l’exception d’irrecevabilité, a annoncé son intention
de déposer un recours devant le Conseil constitutionnel.

Restait à éteindre l’autre foyer d’incendie. Les critiques qu’a émises Mme
Boutin sur le projet de loi dont elle est le rapporteur ont suscité le
trouble dans les rangs de l’UMP. Mais "la faire taire", comme certains l’ont
réclamé au sein du groupe, pouvait alimenter une image d’intolérance et de
"caporalisation" qu’Alain Juppé s’efforce de briser. Dès lors, l’examen du
texte a donné lieu à un festival d’hypocrisie. La députée des Yvelines eut
en effet la liberté d’exprimer sa différence et de maintenir ses
propositions d’amendements durant les vingt minutes d’intervention dont elle
bénéficiait, en sa qualité de rapporteur. Mais ce furent ses seuls mots de
la journée, noyés sous un déluge de compliments - sur son "humanisme" et le
travail accompli - en même temps que sous un flot d’interventions des
responsables de l’UMP, qui présentaient, eux, la "bonne" position du groupe,
c’est-à-dire celle de M. Fillon.

Mme Boutin aura pu, toutefois, apprécier les hommages que lui ont rendus les
orateurs de l’opposition. Jusqu’à Maxime Gremetz (PCF, Somme), qui lui a
exprimé, en séance, sa "solidarité". Soulignant ses efforts pour tenter de
"rendre le texte moins mauvais", M. Gremetz n’a pas, pour autant, tempéré
son hostilité à un projet qu’il qualifie d’"OVNI dérogatoire au droit
commun". L’UDF, par la voix de Rodolphe Thomas (Calvados), a conditionné son
vote au sort qui sera fait à ses amendements, laissant malgré tout entrevoir
une décision finale favorable.

Patrick Roger


Une loi sur l’emploi courant 2004

Le ministre des affaires sociales, François Fillon, veut proposer en 2004
une loi réformant le service public de l’emploi et améliorant le
fonctionnement du marché du travail. Dans un entretien aux Echos, publié
jeudi 20 novembre, M. Fillon évoque le report de la suppression du monopole
de placement de l’ANPE, expliquant qu’il attend les conclusions, en
décembre, des missions Marimbert et Virville. La première porte sur la
modernisation du service public de l’emploi, la seconde sur la
simplification du droit du travail. Le ministre confirme la priorité donnée
à l’emploi marchand - "Il n’est pas question de revenir à des créations
d’emplois artificiels dans le secteur public" -, et affirme son ambition de
"réduire de 100 000 le nombre d’emplois durablement non pourvus" en mettant
en place des formations spécifiques. Enfin il juge nécessaire de "prendre un
certain nombre de mesures pour convaincre les chômeurs d’accepter les postes
qu’on leur propose". " Des dispositions, y compris législatives, peuvent
être envisagées", dit-il.