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Les chercheurs en colère restent mobilisés

Publie le samedi 20 mars 2004 par Open-Publishing

Le mouvement des chercheurs ne faiblit pas. Faute de réponses concrètes à leurs revendications, des milliers d’entre eux ont manifesté une nouvelle fois, vendredi à travers toute la France, pour exiger la titularisation de 550 jeunes chercheurs au statut précaire, ainsi que des crédits supplémentaires pour la recherche publique.
A Paris, le cortège a rassemblé 9.500 personnes selon la police, 20.000 à 25.000 selon les organisateurs, soit la plus grosse manifestation de chercheurs organisée dans la capitale depuis le début du mouvement et le premier défilé du 29 janvier.
Préoccupé par cette fronde, à deux jours du premier tour des élections régionales, le Premier ministre Jean-Pierre Raffarin a de nouveau tendu la main, vendredi, aux protestataires en réaffirmant solennellement "l’ambition nationale" du gouvernement pour la recherche.

Il a confirmé sa décision d’engager "dès le début avril" une discussion nationale sur l’emploi scientifique, et réaffirmé que la future loi d’orientation et de programmation pour la recherche allait "définir avec précision les financements dans le temps pour la recherche".

Le Premier ministre a ainsi réitéré des propos tenus à plusieurs reprises et rejetés par le collectif "Sauvons la recherche" et les syndicats qui accusent le gouvernement de n’apporter "aucune réponse" à leurs demandes concrètes.

En province, vendredi, entre plusieurs centaines et plusieurs milliers de manifestants se sont rassemblés dans la majeure partie des villes universitaires. Les protestataires étaient, selon la police, 3.000 à Marseille, 1.200 à Strasbourg, 800 à Rennes, 600 à Bordeaux, 500 à Brest, 300 à Lyon, ou encore 200 à Nancy.
Un "pique-nique" citoyen de plusieurs centaines de personnes a été organisé à Besançon tout comme un lâcher de 550 ballons dans le centre de Caen, et des assemblées générales regroupant chercheurs et enseignants à Clermont-Ferrand, La Rochelle, ou encore Limoges.

Dans la capitale, les manifestants sont partis à quelques centaines de l’hôpital Cochin vers 13h30 et ont rejoint plusieurs milliers de protestataires devant la Sorbonne, puis la faculté de Jussieu, et la place de la Bastille.
"Le gouvernement peut l’emporter en misant sur le pourrissement général. D’un autre côté, cette attitude manque de vision et d’ambition. Ce qui est incroyable, c’est que le gouvernement pouvait prendre une mesure pour les jeunes sans se déjuger", a déclaré à l’Associated Press le Pr Axel Kahn, présent dans la manifestation.

"On demande au président ’faites leur un geste, dites leur quelque chose’", a ajouté le généticien. "La seule réponse du président c’est ’on va préparer une loi d’orientation pour 2005-2006’".
Le Pr Kahn a jugé que l’attitude de Jacques Chirac en matière de recherche publique était "incompréhensible d’un point de vue moral, stratégique", et "incompréhensible de la part d’un homme qui se dit soucieux de l’image de la France à l’étranger".

Grossissant à vue d’oeil, le cortège a ensuite rejoint la place de la Madeleine via celle de la République, soit, au total depuis le point de départ, plus de 8km de marche à travers Paris dans une ambiance déterminée et bon enfant, malgré de fortes rafales de vent, un temps plutôt frais, et un ciel menaçant.

"Sauvons la recherche et l’université" pouvait-on lire sur la banderole en tête du cortège, tandis que les manifestants scandaient "Raffarin, si tu savais, ta politique où on se la met !" ou encore "Raffarin menteur, Haigneré complice !".
Devant la manifestation, des jeunes chercheurs brandissaient des portraits de certains d’entre eux, expatriés aux Etats-Unis, en Angleterre, ou encore au Québec pour "pouvoir vivre de leur travail et avoir les moyens de le faire". "Cent pour cent des Nobel sont statutaires. Non à la précarité, ni dans la recherche, ni ailleurs", soulignait une banderole.

"Moi, si je pense à mon avenir, soit je change de métier, soit je pars", a expliqué à l’AP Vincent Feuillet, jeune chercheur de 28 ans qui prépare un doctorat d’immunologie à l’Institut Curie à Paris.

"Actuellement, ma seule rémunération, c’est une subvention de 1.200 euros par mois financée par la Ligue contre le cancer. Et je ne cotise ni à la Sécurité sociale, ni à la retraite" a-t-il ajouté. "On forme des gens qui font sept ou huit ans d’études, et au bout du compte, on leur dit ’il n’y a rien pour vous’".

Sur des photos de Marie Curie, on pouvait aussi lire : "Marie, lève toi, ils sont devenus fous".

Le collectif et les syndicats promettent désormais d’autres "temps forts (dont les dates n’ont pas été arrêtées) et une mobilisation qui ne s’arrêtera pas tant que le gouvernement restera sourd". PARIS (AP)