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Alain Badiou : "Il y a une barbarie sarkozienne" (vidéos)

Publie le samedi 26 janvier 2008 par Open-Publishing
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de Pascal Riché et David Servenay

Auteur d’un pamphlet contre Sarkozy, le philosophe refuse de remiser l’utopie communiste et raille la "politique de civilisation".

Son éditeur n’en revient pas : plus de 20 000 exemplaires écoulés, des libraires enthousiastes et des lecteurs qui d’habitude n’ouvrent jamais un livre de philo. Alain Badiou, vieux mao sur le retour, a tapé juste.

En 155 pages, son pamphlet, "De quoi Sarkozy est-il le nom ?", aussi brutal que bien écrit, étrille sans concession celui qu’il surnomme "l’Homme aux rats" -allusion à la fable du "Joueur de flûte de Hamelin", et au titre de l’une des "Cinq psychanalyses" de Freud, qui présente un personnage obsessionnel.

Sarkozy et sa "rupture" sont le produit, dit-il, d’un "pétainisme" transcendental de la France, qui se nourrit de peurs. De même que la Restauration voulait effacer la Révolution française et Pétain, le Front populaire, Sarkozy, lui, veut "liquider" Mai 68.

Comme il l’avait fait dans "Circonstances 1", Badiou fustige au passage la "démocratie électorale" (autrefois il aurait écrit "bourgeoise") qu’il considère comme une imposture :

"Le suffrage universel serait la seule chose qu’on aurait à respecter indépendamment de ce qu’il produit ? Et pourquoi donc ?"

Le succès de son petit livre, et l’antiparlementarisme qu’il véhicule, a soulevé de nombreux haut-le-coeur, notamment chez les intellectuels "antitotalitaires". Alain Finkielkraut, abasourdi par le retour à la mode de Badiou, a ainsi déploré ce "symptôme du retour de la radicalité et de l’effondrement de l’antitotalitarisme".

A 70 ans, il se définit toujours comme un "ultragauchiste"

Vénérable mandarin de l’Ecole normale supérieure (ENS), où les étudiants font la queue pour suivre son séminaire annuel (cette année consacré à Platon), Alain Badiou est, après Jacques Derrida, l’un des philosophes français les plus connus au monde. Très estimé par ses collègues, il a bâti un univers conceptuel cohérent, mélange néo-platonicien et marxiste pur et dur. Il est réputé pour sa capacité à synthétiser l’histoire des idées.

Aujourd’hui, il se définit encore comme "ultragauchiste". En publiant ce quatrième volume de la série "Circonstances", cet ami de Louis Althusser entend faire acte de militance.

Et s’il défend bec et ongles "l’hypothèse communiste" c’est parce qu’il n’y en a "pas d’autres", juge-t-il. Le communisme est une idée, au sens platonicien, indestructible. Le fait même de renoncer à l’utopie d’une société égalitaire, collective, débarrassée de l’Etat, est impensable, sauf à se faire complice des violences inégalitaires du système capitalisme.

Quelle forme prendra le communisme ? Certainement pas celle d’un parti discipliné, modèle qui a échoué. La réponse est à chercher, selon lui, dans les initiatives "expérimentales" actuelles. (Voir la vidéo.)




Les "huit points praticables" pour refonder une pensée de gauche

Au troisième chapitre de son essai, Badiou dresse une liste de "huit points praticables", sorte de piliers sur lesquels appuyer une refondation conceptuelle de la gauche. Des ouvriers au monde, en passant par l’art, les malades ou l’amour...

 "Point 4. L’amour doit être réinventé (point dit ’de Rimbaud’), mais aussi tout simplement défendu.

 Point 7. Un journal qui appartient à de riches managers n’a pas à être lu par quelqu’un qui n’est ni manager ni riche."

Le philosophe défend aussi la nécessité de penser l’unicité du monde, dans des univers de plus en plus éclatés.

La politique ? A 70 ans, l’ancien militant de l’UCMLF, scission du PC-MLF (le Parti communiste marxiste-léniniste de France, groupe maoïste), fait mine de ne pas s’intéresser au jeu politique classique. Besancenot et sa tentative de créer un parti anticapitaliste ? Son approche est trop traditionnelle à ses yeux. Le débat sur la "politique de civilisation" ? Foutaise sans intérêt, selon lui : "Sarkozy peut se réclamer de tout finalement, sauf de la civilisation. A mes yeux, c’est un barbare..." (Voir la vidéo.)


Reste Mai 68, auquel Badiou reste fidèle. Il y voit quatre dimensions : une révolte de la jeunesse, une grève ouvrière, un mouvement libertaire, et, de façon moins visible, une recherche de figures politiques novatrices. Mais il se méfie de la commémoration des "événements", quarante ans après. (Voir la vidéo)


Pascal Riché et David Servenay

"De quoi Sarkozy est-il le nom ?, Circonstances 4" d’Alain Badiou - Nouvelles éditions lignes - 155 pages - 14 euros.

-http://www.rue89.com/2008/01/26/ala...

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