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CHOMDU 21

Publie le lundi 10 mars 2008 par Open-Publishing

de P’tit Nico

"... il faut se faire une représentation bien inversée du pouvoir pour croire que nous parlent de liberté toutes ces voix
qui, depuis tant de temps, dans notre civilisation ressassent la formidable injonction d’avoir à dire ce qu’on est, ce qu’on
a fait, ce dont on se souvient et ce qu’on a oublié, ce qu’on cache et ce qui se cache, ce à quoi on ne pense pas et ce
qu’on pense ne pas penser. Immense ouvrage auquel l’Occident a plié des générations pour produire - pendant que
d’autres formes de travail assuraient l’accumulation du capital - l’assujettissement des hommes ; je veux dire leur
constitution comme "sujets", aux deux sens du mot", qu’y dit m’sieur Foucault.

M’sieur Nicolas-Le Strat, ell’ dit la soeur à Polo qu’en plus d’la philo ell’ apprend la sociologie parce qu’ell’ dit qu’y a plus
d’chances qu’ça lui serve plus tard, y dit qu’la sociologie justement ça sert à ça. C’est pour ça qu’on a plein d’p’tites
sociopathes mignone allons voir si la rose qui viennent nous examiner dans la cité, y dit Djamel.

« L’ethnométhodologie, qu’y dit donc m’sieur Nicolas-Le Strat, prend comme point de départ de ses analyses l’activité
des membres ordinaires de la société, elle saisit donc la situation exclusivement sur un registre atomistique et invalide
en fait toute réflexion qui porterait sur la société comprise comme totalité concrète, comme transcendance normative.

Les déterminants macro-sociaux sont ainsi réduits à un simple contexte extérieur de l’action, contexte que les individus
s’emploient à adapter à la poursuite de leurs intérêts propres, contexte qui s’offre à eux comme objet descriptible et
intelligible sur lequel ils peuvent faire porter leur compétence de jugement et à partir desquels ils peuvent librement
construire les situations dans lesquelles ils sont engagés. (...) Ce qui est ainsi occulté, c’est la reproduction d’ensemble
de la société et l’organisation de son rapport social central. (...). Ce modèle a le double mérite d’offrir un cadre de
compréhension des processus qui conduisent à la constitution de situations de difficulté, tout en référant
systématiquement ces processus à l’autonomie interprétative et décisionnelle des individus concernés. La société est
dédouanée de toute responsabilité dans l’apparition de ces difficultés. Ce modèle opère un changement d’optique qui
permet d’intellectualiser désormais les problèmes sociaux à partir de la spécificité des conduites de vie et des modes
d’implication, que ce soit dans le contexte d’un quartier, d’une communauté scolaire ou en fonction des contraintes du
marché du travail.

La visibi1ité des conduites passe désormais par l’éclairage de soi. Elle est le produit direct de tout un complexe
technologique que nous résumons sous le terme générique de “technologie de l’implication”. Il n’est plus réclamé
uniquement aux individus de faire preuve d’obéissance ou de soumission, il leur est demandé de dire le vrai sur leur
situation - qu’ils authentifient ce qu’ils sont, devant les autres et aux yeux de la communauté. Ils sont amenés à
manifester le plus lisiblement et le plus visiblement leur présence et ils le font à l’occasion de ces multiples bilans ou
évaluations de soi qui jalonnent l’élaboration d’un contrat d’insertion, la définition d’un projet de formation ou la
résolution d’un conflit lors d’une médiation. Ces situations ne cessent de se multiplier où l’individu est requis de dire
vrai à propos de lui-même. Nous sommes bien loin d’un gouvernement des hommes qui s’appuierait uniquement sur
des marques d’autorité et des appels à la conformité des comportements. Nous découvrons une forme de gouvernement
des conduites qui participe d’un examen ininterrompu de soi et d’une vigilance permanente sur soi-même. Il y a quelque
chose de curieux à constater l’omniprésence de cette sorte d’aveu de soi en l’absence de toute faute et hors de toute
circonstance délictuelle. »

C’est carrément la lumière du flic dans la gueule, qu’y dit Fred. Sauf qu’là, c’est toi qui tient l’projecteur. Sont feignants
ces flics-SS.

Comm’ si ça leur suffisait pas d’nous mettre des caméras d’surveillance partout qu’mêm’ si on a rien fait on a peur quand
mêm’, y dit Fred.

« L’effet majeur du panoptique : induire chez le détenu un état conscient et permanent de visibilité qu’assure le fonctionnement automatique du pouvoir. Faire que la surveillance soit permanente dans ses effets, même si elle est discontinue dans son action » Michel Foucault

Comm’ y dit un travailleur social qui lit l’pote Karl dans l’Journal du Droit des Jeunes : « L’exclusion du champ
conceptuel des rapports de domination économique et sociale a alors pour fonction de naturaliser les rapports sociaux
vécus par les démunis, réduisant les comportements à des causes psychopathologiques, d’immaturité, de nonsocialisation
(les sauvageons), de perversité naturelle (les irrécupérables), voire à de simples réflexes conditionnés (la
théorie de la vitre brisée). Ainsi, le comportement d’une mère déniant les responsabilités de son enfant dans des faits
délictueux ou perturbateurs avérés, sera interprété exclusivement comme le réflexe naturel d’une mère protégeant son
enfant et non comme le refus d’un ordre répressif vécu dans tous les aspects de sa vie qui, non content de la priver, elle
et sa famille, des droits élémentaires à vivre dignement, s’arroge le droit de sanctionner ce qui n’est que le résultat des
conditions d’existence qu’on lui fait subir. »
C’est sûr qu’« on ne parle pas d’éducation à la citoyenneté à Henri IV ou à Louis le Grand, dans les classes préparatoires
où se fabriquent les futures mafias qui, dans un jeu de chaises musicales assez féroce, vont se répartir l’essentiel des
pouvoirs politiques, économiques et sociaux » comm’ y dit m’sieur Defrance, y dit Polo.

L’insertion d’intégration d’assistance, y dit Polo, c’est la fabrication du pôv’ nouveau des Lumières du Progrés d’l’Peuple
du commerce et de l’industrie.
« Quoi qu’il en soit, y dit m’sieur Fassin, ces mécanismes et ces jeux, élaborés au cours des interactions avec les
services publics, engagent l’individu dans une présentation de lui-même dont on peut supposer qu’elle n’est pas sans
effet sur la construction de son moi - sinon moral, tout au moins social -, surtout si l’on tient compte de la répétition de
ces interactions et du temps qu’elles représentent, aussi bien dans l’anticipation de la scène et la préparation du rôle que
dans la réalisation de la première et l’exécution du second. Pour Michel Messu : "Les situations d’assistance comme
toutes les situations sociales, participent de ce qui fait l’identité de l’individu."

« ...l’impropriété de celui qui a été déclassé devient l’unique propriété sur laquelle il puisse compter pour faire valoir sa
présence, y rajoute m’sieur Nicolas-Le Strat : le manque devient la seule réalité qui puisse justifier l’existence de ceux
qui ne sont plus admis aux places légitimes. Les politiques d’insertion comblent le vide laissé par celui que l’on
déclasse en obtenant de lui qu’il maintienne sa présence sur le mode projectif. Les bilans socio-professionnels opèrent
donc une étonnante conversion en laissant supposer que l’analyse de la qualification perdue conditionne l’appartenance
professionnelle en devenir. Tout ce qui est désormais déclassé et définitivement désapproprié accède ainsi au statut
envié d’une réalité porteuse d’espérance, une réalité qui recèle une authentique possibilité de réalisation de soi, à
condition de savoir bien sûr la découvrir avec force évaluations et analyses de soi. Les politiques d’insertion réussissent
ainsi à masquer le manque et la perte en érigeant justement ce manque et cette perte en critère de construction de soi.
Un individu qui sait évaluer ce qu’il a perdu et qui accepte de prendre la mesure de ses insuffisances reste en prise avec
lui-même et avec la société car il a appris à découvrir dans ses manques et sa déproppriation l’espoir d’une présence
reconquise. Le vide d’une existence finit par équivaloir à une certaine plénitude de l’être (en projet), le manque finit
alors par justifier une présence (attendue).
L’individu est requis de se voir en tant que "militant de lui-même", sans cesse au-devant de soi toujours en projet
d’existence. »

« "Le capitalisme présente, dit-on, un visage froid", écrit Éva Illouz dans Les Sentiments du capitalisme, y cite m’sieur
Salmon. Selon cette sociologue, professeure à l’Université hébraïque de Jérusalem, le capitalisme industriel serait en
voie de se transformer en un "capitalisme émotionnel" qui s’approprierait les affects au point de transformer les
émotions en marchandises. "Dans la culture du capitalisme émotionnel, les émotions sont devenues des entités
évaluables, examinables, discutables, quantifiables et commercialisables... Les émotions ont aussi contribué à créer un
moi souffrant, c’est-à-dire une identité organisée et définie par ses manques et ses déficiences psychiques, qui sont
réinjectés dans le marché au travers de constantes injonctions au changement et à la réalisation de soi."
Voilà pourquoi les prescriptions du néomanagement adoptent souvent, selon Luc Boltanski et Ève Chiapello, "un style
lyrique, voire héroïque, ou soutenu par des références nombreuses et hétéroclites à des sources nobles et antiques telles
que le bouddhisme, la Bible, Platon ou la philosophie morale contemporaine (Habermas notamment)". Mais on pourrait
y ajouter Homère, Shakespeare, Herman Melville, Joseph Conrad... »
C’est pour ça qu’Nicolas-l’p’tit et Ségolène-la belle y z’ont fait l’concours d’la pitié, vu qu’y sont héritiers z’enfants des
Lumières du Progrés, y raconte m’sieur Salmon : « L’enjeu électoral se concentra alors presque logiquement autour des
victimes : les accidentés de la vie, les femmes battues, les sans-logis, les handicapés, c’est-à-dire des personnes à forte
résonance émotionnelle. Le registre des victimes tint lieu de sociologie électorale, le débat sur les inégalités fut remisé
aux archives de la guerre froide ; à sa place, on eut droit à la surenchère des compassions.. (...)

"J’ai changé !" avait lancé Nicolas Sarkozy dès sa déclaration de candidature, ce qui ne fait sans doute pas un
programme, mais signale à coup sûr le début d’une intrigue. De la même manière que les spin doctors républicains
avaient construit la campagne victorieuse de George W. Bush en 2000 à partir de l’histoire personnelle de sa lutte
victorieuse contre l’alcool, Nicolas Sarkozy a adapté les thèmes de la souffrance et de la rédemption pour élaborer sa
version française du conservatisme compassionnel : "J’ai changé parce que les épreuves de la vie m’ont changé. Je veux
le dire avec pudeur, mais je veux le dire. [...] Parce que nul ne peut rester le même devant le visage accablé des parents
d’une jeune fille brûlée vive. Parce que nul ne peut rester le même devant la douleur qu’éprouve le mari d’une jeune
femme tuée par un multirécidiviste condamné dix fois pour violences et déjà une fois pour meurtre. [...] Je suis révolté
par l’injustice et c’en est une lorsque la société ignore les victimes. Je veux parler pour elles, agir pour elles et même,
s’il le faut, crier en leur nom." (...).

Il n’y a donc rien d’étonnant dans le fait que le nouveau président, dès son élection, ait transformé les cérémonies du 14
Juillet en défilé de victimes. Ce fut le plus beau rassemblement de victimes jamais vu à l’Élysée, plus de deux mille,
auxquelles le chef de l’État a rendu hommage avec des accents reaganiens : "Il y a parmi vous beaucoup de héros
anonymes, qui ont fait des choses admirables, a-t-il dit après avoir dédié le défilé du 14 Juillet sur les Champs-Élysées à
un petit garçon infirme. Je voudrais dire à tous ceux qui sont heureux et qui se croient malheureux qu’ils pensent au
petit Guillaume, dont le seul rêve était d’être assis au premier rang le jour de la Fête nationale." Que les victimes
remplacent les militaires le jour de la Fête nationale semble indiquer, comme ce fut le cas aux États-Unis après le 11
septembre, une transmutation des valeurs de la nation et des enjeux du patriotisme : de la défense à l’illustration de la
nation, de la levée des troupes à la mobilisation des émotions, de la conquête du territoire à la capture des écrans...
Paul Ricoeur, si souvent cité abusivement par les adeptes du storytelling pour ses analyses sur le récit et la constitution
narrative de l’identité, s’en alarmait à la fin de sa vie : "Les menaces qui attestent la fragilité de l’identité personnelle ou
collecrive ne sont pas illusoires : il est remarquable que les idéologies du pouvoir entreprennent, avec un inquiétant
succès, de manipuler ces identités fragiles par le biais des médiations symboliques de l’action." »

« La diffusion des pratiques de médiation est particulièrement forte dans les dispositifs d’insertion,y dit m’sieur Nicolas-
Le Strat . Elle n’est sans doute que la forme actualisée d’une tendance à l’oeuvre depuis longtemps dans le domaine du
social. Il s’agit de “faire pivoter le sujet, lui faire prendre l’expertise à son compte puisque c’est lui-même qui amène au
jour son erreur, lui faire accepter du même coup ce qu’il refusait d’entendre, de voir, de faire puisque ce n’est plus une
affaire de morale, de lois ou de mérite, de possible et d’impossible mais qu’il y va de lui-même, de son équilibre
relationnel, de son épanouissement” ; ce que Jacques Donzelot écrit à propos de la police des familles nous paraît
parfaitement s’adapter à l’idéal de la médiation : renvoyer la responsabilité de la décision au sujet (au bénéficiaire d’une
mesure ou à l’usager d’un service), obtenir de lui qu’il pose l’expertise de ses propres difficultés et qu’il en engage la
résolution. Faire pivoter le sujet pour que de demandeur, victime ou coupable, il advienne à l’objectivité de celui qui
évalue et analyse. Convertir l’intensité affective de la souffrance ou de la plainte en une capacité raisonnée et
raisonnable d’expertise : voilà pourquoi je souffre, voilà ce qui motive ma plainte. Le médiateur ou la fonction de
médiation est requis par les dispositifs sociaux pour opérer cette conversion. (...) Deuxième intérêt de la démarche, elle
renvoie le sujet ou les sujets à leur propre vérité et s’emploie à les convaincre que leur véritable ennemi n’est autre
qu’eux-mêmes. Rien de plus apaisant et de protecteur pour les instances de pouvoir qu’une telle démarche qui les dote
d’une neutralité providentielle. A ce titre, la médiation relève bien d’une technologie de la domination.

Enfin, la démarche de médiation fait établir l’expertise par le sujet lui même. ... une expertise menée au plus près des
réalités, directement par les sujets concernés et immédiatement en prise avec la matérialité des faits. Qu’espérer de
mieux ? (...)

C’est en effet l’objet du projet d’insertion que d’inscrire les aspirations de l’individu dans une orientation bien établie et
de le faire à partir d’une évaluation précise de son expérience de vie et de son potentiel professionnel. (...) L’initiative
individuelle est réclamée, et c’est le rôle du projet d’insertion que de la susciter, mais elle reste strictement ordonnée à
l’espace-temps des objectifs négociés avec les professionnels. L’engagement subjectif est nécessaire à la
contractualisation mais il n’excédera pas le relevé de conclusion du contrat, qui va constituer son seul horizon pour
l’avenir. »

Fred qu’a pas la maladie d’la mémoire d’m’sieur Alzheimer et qui se souvient de Chomdu 15, y dit qu’ça ressemble au
dispositif d’m’sieur Rousseau : « Sans doute, il doit faire ce qu’il veut ; mais il ne doit vouloir que ce que vous voulez
qu’il fasse ; il ne doit pas faire un pas que vous ne l’ayez prévu ; il ne doit pas ouvrir la bouche que vous ne sachiez ce
qu’il va dire ».

C’est comm’ pour la "politique des quartiers" d’not’ président qu’c’est un dispositif d’encadrement mobilisation des
travailleurs pauvres comm’ y l’décrit m’sieur Nicolas-Le Strat : « ... une médecine individuelle de restauration des
identités se conjoint à une médecine sociale de remaillage du tissu communautaire, pour rendre à chaque exclu l’identité
d’une capacité et d’une responsabilité mobilisées, pour instaurer en tout habitat délaissé une cellule de responsabilité
collective. L’exclu et la banlieue délaissée deviennent alors les modèles d’un nouveau contrat social et d’une nouvelle
citoyenneté, édifiés au point même où la responsabilité de l’individu et le maillage du lien social se délitaient. »

L’travailleur social qu’a lu l’pote Karl y l’explique l’dispositif :
« Des habitants que l’on mobilise autour de projets et sommés de s’impliquer dans le rapport aux institutions, individus
par ailleurs engagés dans des "parcours" d’insertion ;
un encadrement, lui-même soumis à l’impératif de l’implication et de l’engagement personnel ;

des médiateurs issus du milieu, exemples de l’insertion-collaboration réussie, relais de l’expression de leurs pairs,
tampon entre les usagers et les institutions ;
des agents d’insertion veillant à la mobilisation active des individus dans leur parcours d’insertion ;

des travailleurs sociaux chargés de l’accompagnement social du parcours des habitants de leurs besoins individuels vers
les projets collectifs ;

un chef de projet assurant l’organisation territoriale de cette armée d’intervenants et veillant à l’adaptation des réponses
des services publics.

Chacun étant invité à co-produire la normalisation de l’espace public par le partage de l’information-délation et la mise
en visibilité totale du mouvement de chacun, sous l’égide principalement de la police et de la justice, principaux
animateurs des dispositifs opérationnels dans les quartiers au nom de la lutte contre l’insécurité. On comprend la vogue
de la notion de quartier-village dans la sociologie autorisée, dans cet univers où chacun à l’oeil sur le voisin. »

C’est sûr qu’ça en fait des p’tits bourgeois pour s’occuper d’not’ bonheur d’homme nouveau, y dit Fred. Plus les habitants
collabos, y dit Djamel qu’en connaît. Mêm’ qu’y voulaient nous faire jouer aux grands-frères, y s’souvient Afid.

« Le coaching est le nom d’un rituel de grand frère, rituel d’initiation social au monde de l’autocontrôle, qui - sous
prétexte de psychothérapie d’un malaise personnel - vise à accroître le contrôle d’autrui jusques et y compris dans les
replis les plus obscurs de l’intime » y disent dans leur langage m’sieur Gori et m’sieur Le Coz.

Et nos pères, y z’auraient voulu qu’y jouent aux Bachagas, comm’ pendant la colonisation, y s’moque Afid.
D’ailleurs, y l’ajoute mon ancien délégué syndical CGT, ces dispositifs y viennent d’la conception qu’avait « le maréchal
Lyautey, le "pacificateur" du Maroc, disciple d’Albert de Mun, influencé par Le Play, pour qui le rôle de l’officier
colonial est très proche de ce que l’on peut entendre par ingénieur social, y rappelle m’sieur Lourau. Les officiers des
"affaires indigènes" survivront jusqu’à la disparition de nos anciennes colonies officielles, préposés à la construction de
la paix sociale entre colonisateurs et colonisés. Le vieux maréchal insiste avec délectation sur "le souci et cet amour de
la classe ouvrière, cette préoccuation dominante de la paix sociale". Pour lui, l’ingénieur – comme l’officier et le
...professeur – se doivent d’assurer un équilibre entre le Capital et le Travail. Il est vrai qu’il ajoute à ces trois
professions privilégiées "tous ceux qui ont à agir sur les hommes". Cette formule assez militaire en dit long sur la
conception du génie social, du moins à cette époque. Il n’est pas question d’agir sur les choses, de transformer les
rapports sociaux à l’usine et ailleurs, mais d’influencer les hommes, de leur montrer le droit chemin, d’améliorer non les
rapports sociaux mais les relations sociales. C’est, comme le diront un peu plus tard les psychologues industriels
marqués souvent par l’idéologie à la Lyautey, le problème du "maniement humain" (on ne disait pas encore
"management". »

C’est pour ça, y dit Polo, qu’la "participation" ou la "démocratie participative" c’est pas fait pour donner l’pouvoir au
citoyen d’"l’peuple" souverain d’la Démocratie d’la République des Lumières du Progrès du commerce et d’l’industrie.
(L’pouvoir, ça s’donn’ pas, ça s’prend ! y clame Djamel.)
« La centralité accordée à l’implication de l’usager ne doit pas être comprise comme un mode de co-production
concrète de l’action publique, y dit m’sieur Nicolas-Le Strat, comme une tentative pour assimiler dans un même
processus conditions de production de l’action et conditions d’usage de cette action. Si l’on peut entendre que le
citoyen, sur un mode très abstrait (l’intérêt général), est bel et bien co-producteur de l’action publique, rien de tel pour
l’usager impliqué. L’implication renvoie à une toute autre problématique. Il s’agit d’une modification des conditions
dans lesquelles l’action publique est produite. Nous assistons à l’émergence d’un modèle d’action qui s’appuie sur
l’implication de l’usager pour se développer, pour préserver sa productivité et garantir la qualité de sa prestation. Il n’y
a pas co-production par l’usager de l’intervention, ce qui supposerait une distance critique et délibérative, mais
inclusion de l’implication de l’usager dans la production de l’intervention. Dans une action en “implication optimale”,
l’usager n’est pas considéré comme co-producteur mais, par contre, sa compétence est mobilisée pour atteindre une
meilleure productivité de l’action. L’implication est plus proche d’une technologie de la production (un gage
d’efficacité) que d’une technologie de la participation ; elle relève sans doute plus concrètement d’une socio-économie
de l’intervention administrative que d’une socio-politique de l’activité politique. (...)

On verra ainsi les politiques sociales s’appuyer sur ces expertises de proximité – sur la captation des savoirs ordinaires
pour légitimer leur action et gagner l’adhésion des résidents, toutes choses là aussi à forte intensité socio-cognitive. Ce
détour cognitif devient le meilleur vecteur qui soit pour obtenir adhésion, engagement et responsabilisation. »
Comm’ y disent dans un rapport du groupe "cohésion sociale et territoire" de la commission "cohésion sociale et
prévention de l’exclusion" pour la préparation du XIème plan en 1997, y dit Fred qu’a pas fait qu’dormir pendant sa
formation : « L’enjeu est que les politiques d’insertion participent à la production de la cohésion sociale en intégrant les
mutations pour les accompagner, qu’elles organisent l’évolution de la société, en préviennent les ruptures et en gèrent les
transitions. ».

« Pour nos planificateurs, y l’explique l’travailleur social qu’a lu l’pote Karl et aussi les rapports et les circulaires, il
s’agit de refabriquer des corps intermédiaires par la constitution de "systèmes locaux d’acteurs". Dans une perspective
de " refondation de l’action publique", le "local" est "reconfiguré comme un corps intermédiaire" selon "le "principe de
subsidiarité active" consistant à "développer une dynamique de co-responsabilité des collectivités et des acteurs de tous
niveaux en s’appuyant de manière continue sur l’expérience des échelons locaux dans les processus d’élaboration des
stratégies et dans l’énoncé des finalités qui commandent les règles de l’action, lesquelles demeurent de la responsabilité
des échelons supérieurs." »
« C’est, à tous les échelons de la société, l’établissement de relais grâce auxquels l’Etat, le pouvoir politique,
l’administration sondent la demande sociale et négocient le consensus », y traduit l’pote Paul Beaud.

« "Le développement durable est une nouvelle manière de gérer et d’organiser les activités humaines, autant qu’une
référence éthique et politique, c’est-à-dire un nouveau mode de gouvernance" y dit m’sieur Tubiana, y continue
l’travailleur social qu’a lu l’pote Karl. "La dimension culturelle est d’abord un point crucial dans les démarches de
développement local. Cela signifie à la fois partir de l’identité culturelle du territoire et redonner sens à l’activité des
habitants, pour recréer une "conscience locale". À travers la valorisation sociale de ces valeurs culturelles, il faut alors
motiver et impliquer les populations autour d’un projet global qui donne lieu à un consensus. Cela implique tout un
travail d’animation, de conscientisation et de formation permanente. A partir d’une telle base, il faut relier toutes les
actions de développement à l’intérieur d’un même territoire, de façon à constituer des réseaux solidaires qui permettent
une utilisation optimale des ressources existantes. Toutes ont pris pour point de départ la capacité des populations
locales () à se mobiliser." "L’enjeu de la cohésion sociale et des territoires (est) que la mobilisation citoyenne, les
initiatives locales, les projets territoriaux participent de l’élaboration et de la mise en oeuvre d’un projet global de
société". Projet de société qui n’a été discuté nulle part, en tout cas par les citoyens.

"Actions" diverses : potager communautaire, cuisine, repas collectifs, maison communautaire, fêtes et animations de
quartier, réseaux d’échange de savoirs, groupes de parole, se généralisent dans les quartier de la Politique de la Ville ;
toutes activités éducatives et sociales s’ordonnant dans une représentation collective de l’idéal que l’on retrouve dans les
actions de "coopération décentralisée" en Afrique (construire une école ou creuser des puits), qui consiste à permettre au
jeune de s’apercevoir "qu’il existe des endroits où des gens sont dans des situations bien pires que ce qu’ils connaissent"
et d’ "oublier le rôle de petits caïds qu’ils ont chez eux".
L’économie solidaire et sociale, occupe une place de choix dans les nouvelles politiques de gestion des quartiers
pauvres. L’objectif est là aussi clairement affiché : "L’Economie sociale devrait être davantage capable de transformer
tout premier cri de révolte en action revendicative positive et constructive. En d’autres termes, il s’agit de renverser la
négativité de certaines protestations en affirmations positives, en prises d’initiatives." Pour cela : "l’action citoyenne ne
peut se développer que si l’action médiatrice est elle-même favorisée. Il faut former une nouvelle génération de
travailleurs sociaux, développer un nouveau volontariat : former des "médiateurs" capables de faire le lien entre les
associations et les mouvements populaires naissants, d’accompagner les initiatives les plus innovantes, voire les plus
"choquantes". "Des propositions peuvent être faites concernant l’amélioration économique et sociale des conditions de
vie des personnes défavorisées dans la mesure où elles sont les plus exposées. Un meilleur accès aux soins, la solidarité
face à la maladie, ou encore une campagne d’information dans les quartiers défavorisés sur l’alimentation et le meilleur
style de vie possible compte tenu de leur situation…". Qu’il ne s’agit pas de changer ! »

Eh bêe, ça a pas changé, y dit Djamel. Sauf qu’maintenant, y vaut mieux avoir un milliardaire comm’ maire comm’
m’sieur Dassault. Au moins y a pas besoin d’la mafia, y a la charité. C’est pas incompatible, y dit Polo.

Chomdu 20

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