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Renaud Dutreil : meurtre avec préméditation

Publie le mardi 15 avril 2008 par Open-Publishing
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Renaud Dutreil est un brillant sujet : lauréat du concours général de philosophie, titulaire d’une maîtrise de lettres et d’un DEA en sociologie de l’art, diplômé de l’Institut d’Études Politiques de Paris et de l’ENA, Conseiller d’État.

Pour des raisons sûrement très personnelles, ce grand haut fonctionnaire s’est mis à détester la fonction publique. Lorsque Chirac le nomme ministre de la Fonction Publique, Dutreil fait ajouter à son titre « et de la Réforme [sic] de l’État ». Dans son esprit, comme dans celui de Raffarin et de Chirac (lui aussi ancien Conseiller d’État), il s’agit évidemment de casser la fonction publique comme cela a été réalisé dans les années quatre-vingts et quatre-vingt-dix dans de nombreux autres pays d’Europe.

En octobre 2007, dans les salons du cossu restaurant Pépita (Paris 8e), Dutreil a prononcé une allocution d’importance devant la Fondation Concorde, dont il est membre, sur la mise à mort nécessaire de la Fonction Publique. La Fondation Concorde est une officine prétendument indépendante, un redoutable “ think tank ” de 1800 personnes, proche de Jacques Chirac et, surtout, de Jérôme Monod. Cette fondation est une interface très utile pour le personnel politique de droite et le patronat. Parmi ses membres, on compte Guillaume Sarkozy, ancien n° 2 du Medef, et frère de son frère. De nombreuses “ réformes ” mises en œuvre par les gouvernements Raffarin et Villepin ont été pensées et élaborées par les membres de cette fondation.

Je cite Dutreil :

"Les retraités de la fonction publique ne rendent plus de services à la nation. Ces gens-là sont inutiles, mais continuent de peser très lourdement. La pension d’un retraité, c’est presque 75% du coût d’un fonctionnaire présent. Il faudra résoudre ce problème.

Le grand problème de l’État, c’est la rigidité de sa main-d’oeuvre. Pour faire passer un fonctionnaire du premier au deuxième étage de la place Beauvau, il faut un an. Non pas à cause de l’escalier [rires dans la salle], mais des corps. Il y a 1400 corps. 900 corps vivants, 500 corps morts [rires], comme par exemple l’administration des télécoms. Je vais les remplacer par cinq filières professionnelle qui permettront la mobilité des ressources humaines : éducation, administration générale, économie et finances, sécurité sanitaire et sociale. Si on ne fait pas ça, la réforme de l’État est impossible. Parce que les corps abritent des emplois inutiles. À l’heure actuelle, nous sommes un peu méchants avec les fonctionnaires.

Leur pouvoir d’achat a perdu 4,5% depuis 2000. Comme tous les hommes politiques de droite, j’étais impressionné par l’adversaire. Mais je pense que nous surestimions considérablement cette force de résistance. Ce qui compte en France, c’est la psychologie, débloquer tous ces verrous psychologiques. C’est sur l’Éducation nationale que doit peser l’effort principal de réduction des effectifs de la fonction publique.

Sur le 1,2 million de fonctionnaires de l’Éducation nationale, 800 000 sont des enseignants. Licencier dans les back office de l’Éducation nationale, c’est facile, on sait comment faire, avec Éric Woerth [secrétaire d’État à la Réforme de l’État] : on prend un cabinet de conseil et on change les process de travail [l’utilisation de ces termes anglais montre le très grand mépris de Dutreil à l’égard des fonctionnaires en tant qu’individus], on supprime quelques missions.

Mais pour les enseignants, c’est plus délicat. Il faudra faire un grand audit. Le problème que nous avons en France, c’est que les gens sont contents des services publics. L’hôpital fonctionne bien, l’école fonctionne bien, la police fonctionne bien. Alors il faut tenir un discours, expliquer que nous sommes à deux doigts d’une crise majeure - c’est ce que fait très bien Michel Camdessus, mais sans paniquer les gens, car à ce moment-là, ils se recroquevillent comme des tortues."

 http://www.draveilps.com/article-18...

 http://cgt.educaction94.free.fr/spi...

Pour se consoler, on dira que Dutreil admet que les Français sont satisfaits de la qualité du service public rendu par tous les fonctionnaires. C’est en les fragilisant de l’intérieur (sous-effectifs, baisse des investissements etc.) qu’il compte rendre les services publics impopulaires auprès des usagers. Une impopularité qui lui servira de prétexte pour les privatisations à venir. Or on sait bien que ce sont les attaques à l’œuvre depuis de nombreuses années qui dégradent la qualité des services publics.

Deuxième (maigre) consolation : lors des élections municipales de 2008, Dutreil a cru bon briguer la mairie de Reims contre la candidate investie officiellement par son parti, Catherine Vautrin, elle aussi ancien ministre de Chirac. Au premier tour, Dutreil a été devancé par la candidate officielle, ce micmac de droite permettant à la gauche de l’emporter au second tour.

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