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La "démocratie modeste" d’acceptation de l’ordre existant

Publie le mercredi 14 mai 2008 par Open-Publishing
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LA DEMOCRATIE MODESTE D’ACCEPTATION DE L’ORDRE EXISTANT

LA CRITIQUE DU CHAT DEGENERE
PROPOSE COMME MODELE DU MOUVEMENT DEMOCRATIQUE

Après les "chats gris" de la démocratie voici la version des "chats maigres et dégénérés" . Ayant sous-titré tout récemment " Les chats gris de la démocratie " fin de l’histoire " un texte (1) qui voulait surtout montrer toute l’ampleur et la portée de l’exigence démocratique qui n’a pas être frileuse face capitalisme dominant et envahissant ; voici que je tombe sur un article qui justifie la démocratie modeste, autolimitée et rachitique.

Dans un cas des auteurs authentiquement démocrates avancent néanmoins une démocratie masquée qui reste dans le flou (partie 2) et dans l’autre, partie 1, c’est une démocratie modeste qui est plébiscitée. Il y a nécessité comme je m’y emploie régulièrement de s’engager et de défendre " l’alterdémocratie " et le plein mouvement démocratique qui va la faire advenir.

I - L’EXIGENCE DEMOCRATIQUE RABAISSEE SUR LA MODESTIE ET L’IMPUISSANCE.

Devant l’ampleur des dégâts sociaux et écologiques on peut se fermer les yeux ou au contraire laisser entendre des mécontentements qui ne demandent qu’à se traduire en expression démocratique d’inversion du cours des chose. C’est à ce moment-là évidemment que les intellectuels vont défendre dans les médias conservateur le couplet de la démocratie modeste face au populisme. Populisme est un mot aussi malmené que démocratie. Ce n’est pas anodin. L’auteur en question ne l’ayant pas mobilisé je peux faire l’économie d’une explication .

En effet, une tendance lourde - et ce n’est pas là une formule dite par facilité - des sociétés les plus démocratisées c’est précisément de vouloir clore et brider le mouvement démocratique sur l’existant. L’article de Jacques LE GOFF intitulé "Modestie démocratique" vient une nouvelle fois confirmé le propos. Et bien évidemment il n’invente rien. Il répète. Comme le dirait Patrick TORT, en répétant, il fait dans l’idéologie, dans la religion de la fin de l’histoire qui obéit à "l’éthique du profit" ainsi que l’a développé cette semaine Michel HUSSON (2) . D’ou la nécessité de rétablir la vérité : le mouvement démocratique - n’en déplaise aux libéraux de droite et sociolibéraux du PS - pousse bien au-delà de la simple participation épisodique aux fins d’aménagement de l’existant (3).

Dans le bref article de JLG paru dans Ouest France de ce 14 mai 2008 on trouve le concentré des ingrédients que les libéraux de droite et socio-libéraux du PS diffuse à tour de bras. D’abord le recours à l’argument d’autorité montrant qu’il ne s’agit pas d’une nouveauté. "Albert CAMUS, écrit-il, n’hésitait pas à soutenir que la démocratie c’est l’exercice social et politique de la modestie." Il s’agit de conforter l’idée de compromis et le professeur de droit public à Brest de citer le récent accord sur la représentativité syndicale qui précisément fait du bruit dans le lanterneau syndical . Je renvoie ici par exemple à un texte critique de Pascal FRANCHET du SNADGI-CGT 35 . Outre l’idée de compromis visant à entériner l’ordre inacceptable du monde l’auteur fait appel à la notion de" bonne gouvernance" (3) qui elle est venue peu à peu donner nom à une régression de la démocratie . La bonne gouvernance vient elle même appuyer le fameux "Etat modeste" de Michel Crozier . Ici Monsieur J LE GOFF précise " qu’il n’est nullement un Etat faible, ni à fortiori démissionnaire mais un Etat animateur, alignant son action sur l’idéal de service public de l’Etat républicain de la fin du XIX ème siècle. Un Etat serviteur de la nation ". La formule pourrait plaire et susciter un accord mais ce serait oublier que l’Etat modeste ou l’Etat animateur c’est aussi un Etat qui dégraisse ses effectifs, qui privatise au lieu de nationaliser (4), qui accroît la marchandisation des services publics (5) au lieu de donner pleine expression à la logique de satisfaction des besoins sociaux qui est sa racine constitutive. Racine qui mérite renforcement plutôt qu’écrasement tout comme le mouvement démocratique.

II - L’EXIGENCE DEMOCRATIQUE AU CŒUR DE LA LUTTE CONTRE LE CAPITAL

 La démocratie est un joli mot qui s’accommode à toutes les sauces.

C’est à la fois un avantage et un inconvénient . La démocratie pour les néo-conservateurs se comprend dans un cadre limité mais valorisé celui des régimes occidentaux contre les régime orientaux . La démocratie est déjà là réalisée . L’idéologie démocratique fonctionne ici à plein régime. Mais la vision des sociaux-libéraux du PS n’échappe pas pleinement à cet achèvement de " la fin de l’histoire " : tout au plus, à écouter Mme Ségolène ROYALE, faut-il ajouter un brin de " démocratie participative " à la démocratie représentative occidentale . Le plafond de verre est là : la démocratie n’est certes jamais achevé mais nous sommes arrivé à un stade quasi maximal : il suffit d’améliorer ici ou là les institutions de la Vème République et d’insuffler de la " démocratie participative " et la Démocratie majuscule est réalisée. Pour les démocrates conséquents, ceux et celles qui joignent dynamique démocratique et anticapitalisme la démocratie se veut à la fois le moyen et le but. Mais le but est loin d’être atteint. Point de fin de l’histoire ni en version libérale, ni en version social-libérale. La fin démocratique mérite donc d’être précisée et distinguée afin de sortir la démocratie sans adjectif de la nuit ou tous es chats sont gris.

La démocratie est évoquée et invoquée à des phases fort différentes de l’histoire de son déploiement. Sortir du flou c’est avancer dans la compréhension du fait démocratique et de la raison démocratique. Ainsi lorsque la dynamique anticapitaliste se fait forte c’est aussi la dynamique démocratique dont il est question. Un mouvement qui vise la démocratie-but, l’alter-démocratie.

 Le " démocratique " ou la démocratie comme moyen.

La démocratie n’est sans adjectif que lorsque l’on évoque le démocratique c’est à dire l’acte citoyen, les pratiques (démocratiques), le processus concret en cours mais aussi dans un sens beaucoup plus large le mouvement populaire (démocratique) qui prends en charge son destin à tous les niveaux. Voir le démocratique comme dynamique c’est adopter une vision dialectique qui postule des résistances sociales, des résistances structurelles ou systémiques. C’est comprendre que la démocratie si elle n’est pas un état figé et sans histoire elle n’est pas non plus hors de certaine forme sociale-historique qui la bride (ou qui la favorise dans un cadre donné). La science politique décrit alors les caractéristiques de ses formes historiques athénienne, représentative, participative, de gouvernance, mais aussi populaire, autogestionnaire, socialiste.

 La séparation entre l’élu et le peuple : le phénomène délégataire.

Cette séparation est structurellement rattachée à la séparation entre l’Etat et la société civile sauf pour les associations et les syndicats. Elle est donc puissante mais ce n’est pas une citadelle imprenable. Elle subie un double mouvement contradictoire l’un concerne les résidents extracommunautaires qui aspirent à devenir citoyen sans être nationaux, l’autre a trait au contrat de citoyenneté qui doit être resserré pour certains et plus distendu pour les libéraux qui défendent la gouvernance. Gérard PERREAU-BEZOUILLE (6) tout comme le groupe Démocratie d’ATTAC plaide pour la co-décision et pour la possibilité et la nécessité " de renouvellement de la citoyenneté toute entière, de réinventer le contrat passé avec les élus, d’étendre le champ d’action de la démocratie, de démocratiser en profondeur les institutions comme les entreprises, de permettre les conditions de la création d’une nouvelle république, d’inventer une citoyenneté mondiale … "

L’alterdémocratie ou la démocratie comme fin

Gérard P-B poursuit : " Nous parlons bien d’un moyen d’émancipation de tous, c’est-à-dire d’une démocratie pensée comme fin et comme moyen, comme ensemble de droits à défendre, à construire, à conquérir et comme processus pour, en travaillant ensemble, forger déjà, par notre diversité, les conditions pour continuer d’avancer. Nous parlons bien des conditions de l’irruption effective du plus grand nombre dans le débat et la construction du politique. Si nous sommes convaincus que la démocratie est LE moteur du dépassement du capitalisme et de toutes ses formes de dominations, c’est bien au quotidien, en avançant ensemble que nous créons les conditions réelles pour avancer.

Bellaciao le vendredi 26 janvier 2007 (20h31) :
 VERS UNE "AUTRE DEMOCRATIE"

http://www.bellaciao.org/fr/spip.php?article41764

 Sortir la production de la tutelle du capital : pour une maîtrise citoyenne de la production

http://www.france.attac.org/spip.php?rubrique1035

 Le mouvement démocratique se déploie pleinement en temps de crise.

Le mouvement démocratique ne saurait se limiter à sa forme locale " participative " " consultative " comme supplément d’âme de la forme " représentative ". Mon propos n’est pas ici une critique de ce qui se fait à Poitiers pas plus qu’à Nanterre . Ce qu’il importe de noter et de répéter c’est que la tâche du mouvement démocratique est de bousculer partout les rapports sociaux contraignant et notamment les rapports sociaux de production et de distribution capitaliste tant dans la société civile et à tout les niveaux territoriaux que dans l’entreprise privée capitaliste et ce afin d’accéder à l’alterdémocratie. Si l’on reprend la fameuse formule de Lénine sur la crise révolutionnaire (7) alors il faut nommer mouvement démocratique la dynamique révolutionnaire de ceux d’en-bas qui prennent en charge leur destin. Le mouvement démocratique dépasse le cadre étroit et étouffant de la démocratie libérale et de son hypocrisie.

Christian DELARUE

Groupe " démocratie " d’ATTAC

1. sur Bellaciao le mercredi 7 mai 2008 -13h27 : L’exigence démocratique au coeur de l’anticapitalisme

http://bellaciao.org/fr/spip.php?article65816

2. L’éthique du profit Michel HUSSON sur Bellaciao

3) De la " représentation " à la " gouvernance néolibérale " ou du dévoiement de la critique de la représentation à son rétablissement possible

http://www.france.attac.org/spip.php?article7311

3. Sur l’existant je reprends avec moins de compétence le propos de Patrick TORT : " Démocratie libérale et hypocrisie : une combinaison nécessaire "

http://www.france.attac.org/spip.php?article7312

4. Que nationaliser ? Christian Delarue sur Bellaciao

5. Sur la marchandisation des services publics Plusieurs textes de Christian Delarue sur Bellaciao et sur ATTAC France ou ATTAC 35

6. Gerard PEZEAU-BEZOUILLE

http://maintenantagauche.org/?cat=5

7) La fameuse phrase de Lénine : " Pour que la révolution ait lieu, il ne suffit pas que les masses exploitées et opprimées prennent conscience de l’impossibilité de vivre comme autrefois et réclament des changements. Pour que la révolution ait lieu, il faut que les exploiteurs ne puissent pas vivre et gouverner comme autrefois. C’est seulement lorsque ceux d’en bas ne veulent plus et que ceux d’en haut ne peuvent plus continuer de vivre à l’ancienne manière, c’est alors seulement que la révolution peut triompher. "

in "La maladie infantile du communisme"

Messages

  • le mouvement démocratique - n’en déplaise aux libéraux de droite et sociolibéraux du PS - pousse bien au-delà de la simple participation épisodique aux fins d’aménagement de l’existant/ M Husson

    Et se nourrit du plus bas au plus haut de démonstrations concrètes.

    La droite et le PS ne voient plus très bien comment faire progresser les démocraties occidentales. Ils campent en fait sur un non-dit : ne pas livrer au champ démocratique les lieux essentiels de puissance dans une société : notamment les entreprises...

    Nos démocrates ne le sont plus du tout quand on parle de fonctionnement des entreprises, tout juste acceptaient-ils, à un époque, qu’existent des entreprises publiques contrôlées par le haut par un gouvernement , du moment que régnaient dans celles-ci l’essentiel des règles ordinaires du despotisme d’entreprise.

    Quand il s’agit du lieu clos de la production de valeur, nos démocrates ne reconnaissent plus au travailleur son costume de citoyen avec ses droits liés.

    Le principe démocratique ne peut aller à son terme tant qu’existe exploitation et despotisme d’entreprise. La démocratie est toujours en danger et susceptible de fabriquer de nouveaux Adolphes tant que ce qui fait richesse et puissance dans nos sociétés n’est pas régi par le principe démocratique et ses nombreuses libertés nécessaires pour qu’il fleurisse.

    Il n’est jamais bête de réclamer des libertés démocratiques dans les entreprises et de rappeler que l’organisation qui y règne est construite sur une bureaucratie nommée par des actionnaires, bref qu’elle n’est pas démocratique et bien pire, violemment opposée à la démocratie.

    Les reculs des travailleurs en Europe (et aux USA) et la décomplexation de la bourgeoisie fait maintenant que même la démocratie restreinte, ainsi que tous les droits qui lui sont associés, est rognée et battue en brèche, attaquée.

    la nomenclatrura bourgeoisie attaque de toutes ses voix, en France de Sarko à Royal, les libertés sont attaquées.

    Des think thank influents au PS comme Terra Nova (Nostra ?) proposent allègrement les principes anti-démocratiques de primaires en lessivant l’espérance proportionelle, proposent que le PS s’aligne encore plus au coup d’état permanent du présidentialisme, ....

    Des lois apparaissent au pas cadencé pour donner des pouvoirs hors-normes aux polices, y compris dans la répression de l’expression démocratique de base.

    La bataille pour les libertés démocratiques est redevenue inséparable de la bataille pour la démocratie sociale.