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Au secours les "citoyens volontaires" ou le retour de la milice

Publie le mercredi 15 octobre 2008 par Open-Publishing
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Ils sont environ 300 à assister la police dans les rues. Alliot-Marie veut en attirer davantage. Rencontre avec deux de ces bénévoles.

Vous avez peut-être reçu un prospectus du ministère de l’Intérieur vous invitant à devenir

« Citoyen volontaire ».

voir

http://www.interieur.gouv.fr/sections/a_l_interieur/la_police_nationale/service-volontaire-citoyen/view

Vous n’en connaissez pas dans votre entourage ? C’est un peu normal : deux ans après le lancement du programme d’ouverture de la police nationale aux habitants bénévoles, ils étaient seulement 303 au 31 août, indiquait vendredi le ministère de l’Intérieur.

Mais la ministre Michèle Alliot-Marie veut donner un coup d’accélérateur à ce dispositif qu’elle n’a pas créé : c’est Nicolas Sarkozy (alors ministre) qui en eut la paternité, en janvier 2006. Mi-novembre, elle a prévu de communiquer sur le sujet.

A Paris, la préfecture de police constate une recrudescence des offres de service depuis le début de la campagne d’affichage, de la rentrée. Ils sont aujourd’hui dix-huit en fonction, mais six candidats attendent une formation d’ici la fin du mois d’octobre.

Thierry, agent RATP : « J’apprécie la règle »

Toujours à la préfecture, on parle de trois profils différents parmi les nouvelles « recrues » destinées à rapprocher la police de ses administrés :

 des retraités

 des actifs qui donnent de leur temps sur leurs jours de congés

 des jeunes qui « mettent un premier pied dans la police » avant de songer à s’engager.

Pourquoi ? Les motivations sont variées, mais Rue89 a fait parler deux de ces volontaires de ce qui, à les écouter, relève bien d’un « engagement ».

L’un, Daniel Maachoux, est un enseignant à la retraite ; l’autre préfère qu’on s’en tienne à son prénom, Thierry : machiniste à la RATP, à 37 ans, il n’a jamais dit à ses collègues qu’il offrait à la police au moins une demi-journée par semaine, parfois davantage.

Tous deux ont en commun de goûter la loi (Thierry dit : « J’apprécie la règle » ; Daniel Maachoux peut vous réciter ex abrupto des textes de loi), et aussi d’avoir ou d’avoir eu des policiers dans leur belle-famille.

Daniel Maachoux -pas peu fier de parler ourdou

http://fr.wikipedia.org/wiki/Ourdou

mais aussi d’avoir rédigé un ouvrage de droit du travail- avait même songé un temps à entrer dans la police. Sa femme, « fille de flic », l’en avait dissuadé et il était devenu enseignant.

Daniel, prof à la retraite, lutte contre « les nuisances d’Emmaüs » -sic

A 67 ans, il fut parmi les premiers citoyens volontaires de France, il y a deux ans. Aujourd’hui, il verse dans le prosélytisme auprès des siens (« J’ai même un ami peintre dans le VIIIe arrondissement qui est intéressé »).

Dans le bureau de Cyril Montcourtois, le policier -en civil- avec qui il fait équipe un jour par semaine, il raconte que c’est en créant une association de riverains contre les « nuisances » liées à la présence du siège social historique d’Emmaüs, rue des Bourdonnais (près de l’Hotel de Ville) qu’il a eu envie de s’impliquer dans l’action civique. Même s’il se défend (bien sûr) d’avoir « une dent contre Emmaüs » !

A l’époque, l’association caritative hébergeait sur place les SDF, et leur voisin s’agaçait d’en voir la rue transformée. Depuis deux ans, il a pu aller plus loin dans son combat contre « les nuisances d’Emmaüs »... grâce à son bénévolat dans la police. (Voir la vidéo)

Sur le terrain, il n’en faudrait pas beaucoup plus pour que Maachoux plastronne pour de bon. Blouson de cuir, démarche rapide (le tandem circule à pied et traverse au rouge), poignées de main bien senties à un élu de l’arrondissement croisé par hasard, nous voilà chez Franprix, l’épicerie de la rue des Bourdonnais.

Le citoyen volontaire connaît le magasin « comme sa poche » et semble tout content que ca se voie : il fonce en réserve chercher le gérant, qui s’est plaint récemment d’une reprise des « nuisances Emmaus ».

Les deux voisins rigoleraient presque de voir que la boutique d’à-côté a carrément installé « des douches qui se déclenchent automatiquement » en cas de station prolongée des SDF sous l’entrée livraisons.

« Intervenir dans les écoles, c’était la première mission de mon poste »

Cyril Montcourtois est plus prudent : il rappelle que son travail à lui, policier dévolu à la prévention et à la proximité, c’est justement de faire l’interface entre le foyer Emmaüs et le reste du quartier. Pas d’épingler l’un ou l’autre.

Pour atténuer le discours un brin va-t-en-guerre de son binôme, il précise que c’est surtout pour les actions en milieu scolaire que Daniel Maachoux est utile :« Les interventions dans les écoles, c’était la première mission de mon poste lorsqu’il a été créé en 1999. Et puisqu’on essaye de tirer le meilleur des citoyens volontaires, le passé enseignant de Monsieur Maachoux était idéal. Il sait comment parler aux élèves ! »

Pour Thierry, qui vit en banlieue ouest mais a accepté au mois de mai d’intervenir auprès du commissariat du XIe parce qu’il connaissait les effectifs de police de l’arrondissement, tout a aussi démarré sur la base de son identité professionnelle :« Pour la RATP, j’intervenais régulièrement dans les écoles pour faire de la prévention. Petit à petit, j’ai commencer à faire aussi des salons sur les métiers pour les jeunes qui cherchaient une orientation. Parfois, je suis payé pour cela, mais ce n’est pas toujours possible alors il m’arrive d’intervenir au nom de la RATP sur mes jours de congés. Du coup, pourquoi ne pas le faire pour la police ? Etant chauffeur de bus, je suis confronté à l’insécurité au quotidien, je me suis dit que je pourrais amener un petit plus. Je viens de proposer à la commissaire divisionnaire d’accompagner sur mes jours de congés les ilôtiers dans les bus, par exemple. »

« C’est un peu comme aider à la Croix Rouge »

Outre le dévouement tout à fait bénévole (« C’est un peu comme aider à la Croix Rouge », dira aussi Thierry), on note tout de même que son « petit plus » a vite évolué.

Lui qui a commencé juste avant l’été a déjà rempli des missions qui relèvent carrément du salariat : dépannage informatique sur des logiciels un peu ardus, préparation des feuilles de route des fonctionnaires de police du commissariat durant l’opération « Tranquilité vacances », et même accueil à l’entrée du commissariat :

Quand on demande à Thierry s’il n’a pas l’impression de faire office de main d’oeuvre gratuite pour le ministère de l’Intérieur, il s’étonne : « Je me suis juré de ne pas empiéter sur leur travail pour qu’il n’aient pas l’impression que je pique leur boulot ». Et précise que son temps est bien programmé » pour qu’il puisse quand même aller chercher sa fille de 7 ans à l’école lorsqu’il est en congés à la RATP.

« Mes amis ne sont pas plus au courant que ça »

Ce que ce bénévole du XIe retient surtout, c’est que cette nouvelle activité lui apporte « des connaissances par rapport à la loi, par exemple pour les constats en cas d’accident de la route ou le tapage ». Et aussi « la confiance qu’ils me témoignent », lui qui renâcle à raconter son bénévolat :« Les collègues, ça les regarde pas. Vous savez, ça pourrait susciter des jalousies, certains diraient que je fais le fayot. Mes amis ne sont pas plus au courant que ça. Quant à ma femme, elle n’a rien contre... tant que je ne deviens policier 24 heures sur 24, sept jours sur sept.! »

Des deux bénévoles que nous avons interrogés, chacun relèvera tout de même au passage que, si la police a intérêt à les avoir à ses côtés, c’est aussi parce qu’ils édulcorent opportunément l’image répressive des forces de l’ordre : « On n’a qu’un blouson bleu ou une chemise à carreaux, mais pas de menottes pour jouer aux cow boys ».

source Rue 89