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Réflexion en ce jour d’élection. "Alors que se rallient au réformisme ..."

Publie le dimanche 7 juin 2009 par Open-Publishing

Aujourd’hui et de nouveau se pose de manière aiguë le problème des formes de lutte.
Ceux qui tiennent le haut du pavé (et des médias) et qui se définissaient comme révolutionnaires se rallient au réformisme et se rangent dans le camp du parlementarisme. L’ont-ils jamais d’ailleurs quitté ce camp du réformisme ! Comme le moment est mal choisi cependant pour renforcer ce camp avec des militants qui auraient pu continuer à se battre sur des bases révolutionnaires. Alors que le pouvoir se donne les moyens maximum de la répression et que le capitalisme poursuit sa phase de mondialisation, utilisant ce qu’il véhicule comme une crise, pour détruire ce qui reste des
possibilités de survivre des prolétaires.

Les deux lettres de Rosa Luxemburg publiées ci-après s’inscrivent dans cette réflexion. La révolution de 1905 en Russie a confirmé ce qu’elle pressentait et ressentait : le réformisme profond du parti, son inscription dans le parlementarisme, son incapacité à accompagner les tentatives révolutionnaires, voire sa volonté de combattre ces tentatives. Et, elle comprend qu’elle doit inclure dans cette tendance lourde du parti, Bebel.

Cette tendance du parti, c’est la même qu’elle constate auprès des syndicats et c’est ce double constat qui l’amène à écrire sur "la grève de masse, les partis et les syndicats". Nous avons publié sur le blog*, un extrait de ce texte fondamental.

c.a.r.l. (comprendre-avec-rosa-luxemburg). publié le 22 mars 2009

(* Rosa Luxemburg, grève de masse et révolution)

Lors d’une précédente publication sur bellaciao, une vive discussion s’en était suivie sur ce que peut nous apporter l’histoire et principalement l’histoire militante.

Pour nous, c’est par exemple la réflexion sur le réformisme. La confrontation de Rosa Luxemburg avec ce courant politique a été constante, elle a eu lieu au sein du parti social-démocrate de l’époque, parti qui se voulait révolutionnaire. Attachée au rôle d’un parti dans le combat politique, elle en a cependant toujours ressenti et vécu les limites et celles de ceux qui la dirigeaient. Il est pour nous utile de nous confronter justement à ce qu’elle a vécu et compris au quotidien et qu’elle exprime dans sa correspondance. Pour aller au-delà des mots et des personnes. En se rappelant l’issue fatale qu’entraîna pour les peuples et pour Rosa Luxemburg en particulier le réformisme des dirigeants ouvriers.

Deux lettres de Rosa Luxemburg

Extraits d’une lettre à Emmanuel et Mathilde Wurm le 17 juillet 1906 alors que quittant la prison de Varsovie (où elle avait été emprisonnée pour participation à la Révolution russe - une partie de la Pologne appartenait à l’empire tsariste ), elle se préparait à revenir en Allemagne.

"Je brûle du désir de travailler, c’est-à-dire d’écrire et j’interviendrai, entre autres, avec délice dans les débats sur la grève générale. Encore quelques jours de patience, jusqu’à ce que j’aie un toit assuré et de meilleures conditions de travail, car ici les démarches à la gendarmerie, au ministère public et autres agréables institutions n’en finissent pas."

Les dernières "chamailleries" dans le parti m’ont fait rire et - pardonne-moi - rire d’un rire vraiment diabolique. Oh, des événements à bouleverser le monde ont déchaîné une tempête entre la Lindenstrasse (note : siège du bureau du parti) et l’Engelufer (note : siège de la Commission générale des syndicats). Comme ce genre de "tempêtes" prend un autre aspect, vu d’ici ! ...Ici, l’époque que nous vivons est magnifique, j’appelle magnifique une époque qui suscite en masse des problèmes immenses qui stimule la pensée, qui éveille "critique, ironie et sens profond" (note : allusion à une pièce de l’époque), qui excite les passions, une époque féconde qui enfante à chaque heure et émerge de chaque naissance, grosse de nouveaux et plus grands enfantements ; et ce ne sont pas des souris mortes ou des moucherons crevés qu’elle enfante, comme à Berlin, mais rien que des choses énormes, des crimes énormes (voir Gouvernement), des gaffes énormes (voir Douma), des bétises énormes (voir Plekhanov&Co), etc. Je frémis de joie à l’idée de tracer un joli tableau de toutes ces énormités, bien entendu surtout dans Die Neue Zeit ...

Extrait d’une lettre à Clara Zetkin, début 1907

"Je me sens - depuis mon retour de Russie - assez seule ... J’ai conscience comme jamais auparavant de tout ce qu’il y a de timoré et de mesquin dans le parti. Mais je n’en suis pas pour autant aussi émue que toi, parce que j’ai déjà compris avec une clarté effrayante que ces choses et ces hommes ne changeront pas tant que la situation ne sera pas complètement différente, et même alors - Je me suis déjà dit en y réfléchissant froidement et m’y suis faite - il nous faudra simplement compter avec l’inévitable résistance de ces gens quand nous voudrons mener les masses plus loin. La situation est simplement la suivante ; August [Bebel] et encore plus les autres se sont voués au parlementarisme. Dans toute situation dépassant les limites du parlementarisme, ils ne sont plus bons à rien ; pis, ils cherchent à tout remettre dans le moule parlementaire et combattront donc avec fureur comme "ennemi du peuple" quiconque voudra aller plus loin. Les masses, et encore plus la grande masse des camarades du parti, en ont intérieurement fini avec le parlementarisme, j’en ai le sentiment. Ils salueraient avec joie un courant d’air frais dans la tactique ; mais l’autorité des vieux pèse encore sur eux, et encore plus la couche supérieure des rédacteurs, députés et dirigeants syndicaux opportunistes. Notre tâche est maintenant de réagir par les protestations les plus vigoureuses contre l’encroûtement de ces autorités et nous aurons contre nous, étant donné la situation, aussi bien les opportunistes que le bureau et August. Tant qu’il s’agissait de se défendre contre Bernstein et compagnie, August et compagnie acceptaient volontiers notre société et notre aide - d’autant plus qu’au début ils ont eu eux-mêmes le tract. Mais si on passe à l’offensive contre l’opportunisme, les vieux seront avec Ede [Bernstein, Vollmar et David contre nous. Voilà comment je vois la situation et maintenant l’essentiel : sois en bonne santé et reste calme ! Ce sont des tâches où il faut calculer sur de nombreuses années !"

Ces extraits ont été repris de la biographie de Paul Frölich "rosa luxemburg" parue chez maspéro en 1966, chapitre 7 "une nouvelle arme", P 163 - 166. Les éléments en gras l’ont été mis par le blog.

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