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Le livre des records.

Publie le dimanche 22 novembre 2009 par Open-Publishing

Ces derniers jours, nous volons de record en record. L’or a fait un plus haut historique, en dollar, en cotant 1149 $ l’once au deuxième fixing de la LBMA. En sterling, il a atteint 691,04 £ vendredi en deuxième cotation, son plus haut jamais atteint. En euro, l’once d’or reste néanmoins encore 13,83 € sous son record historique du 20 février de cette année.

J’ai lu ou entendu plusieurs commentaires récents sur le prix de l’or, affirmant que l’or était désormais très cher à ce niveau. Je livre à votre jugement éclairé ce graphique du prix du lingot d’un kilogramme à Paris depuis 1918.

Vous le constatez par vous même, l’or est encore aujourd’hui bien loin de ses sommets des années 80 et loin de la limite supérieure de son canal de croissance historique. Même si à court terme une consolidation se prépare (les avoirs des trackers GLD et GBS stagnent voire régressent), sur le long terme tout milite pour une continuation de la hausse, y compris les fondamentaux de l’économie.

Deux autres éléments importants ont réalisé des plus hauts historiques et ce n’est sans doute sans pas sans rapport avec la hausse de l’or. Alors que nous serions sortis de la crise, le bilan de la FED a atteint pour la première fois 2,25 trillions $ soit 2 250 milliards de dollars.

Au même moment, la dette publique de l’état fédéral américain culminait pour la première fois au-dessus du, comme disent les journalistes, seuil symbolique des 12 trillions de dollars (12 000 milliards de dollars).

Pour ceux qui auraient loupé les épisodes précédents, il ne s’agit QUE de la dette publique du SEUL état fédéral.

Si vous vouliez comparer l’endettement américain à celui de la France ou de tout autre état de l’Union Européenne (au fait on a un Président ...!) il faudrait y ajouter les dettes des états et des collectivités locales, celles des systèmes de santé et de retraite, celles des entreprises dans lequelles l’état a une participation majoritaire. Au final, la dette américaine se situe aujourd’hui autour de 130 % de son PIB, alors que celle des pays de l’Union Européenne n’est QUE de 76 % du PIB. Mais rassurez-vous : elle suit le même chemin, inévitablement !

J’ai eu le plaisir de rencontrer plusieurs d’entre vous au salon Actionaria. Comme moi, ils ont dû entendre certains conférenciers annoncer la fin du calvaire pour les détenteurs d’actions. Le raisonnement de ceux-ci, les conférenciers, repose essentiellement sur le fait qu’ils estiment qu’une masse d’argent considérable aurait été allouée aux banques pour prêter, et que cette manne serait en train de produire ses effets sur l’économie réelle.

Comme toujours, il faut retourner aux chiffres pour comprendre ce qui s’est réellement passé.

Procédons par étape ; même si je simplifie un peu, les trois étapes qui suivent vous résument, selon moi, le film de ces derniers mois.

Étape 1 : Le papier me brûle les doigts ... qui en veut ?

Lorsque la crise immobilière s’est déclenchée (encore une fois, la cause de nos maux actuels n’est pas l’immobilier ou les subprimes) les obligations détenues par les banques et les assureurs se sont considérablement, voire entièrement, dévaluées, fragilisant les bilans des banques. Tout le monde se regarde en chien de faïence, ne sachant qui détient la patate chaude. L’absence de transactions rend alors impossible la valorisation de ces papiers.

Le mauvais choix est aussitôt fait par la FED. Pour éviter que ces banques viennent pointer à la FDIC, et surtout pour éviter que d’influents détenteurs d’obligations soient lessivés, le Système de la Réserve Fédérale décide d’acheter ces papiers.

La courbe rouge sur le graphique ci-dessus représente les obligations des célèbres agences Fannie Mae et Freddie Mac, celle en rose les titres adossés à des biens immobiliers (ABS) qui ont été prises en pension à la FED en échange de liquidités. L’échange représente à ce jour au total 1000 milliards de dollars. J’ai ajouté sur le graphique une courbe en pointillés bleus représentant le volume de bons du Trésor (toutes maturités confondues) achetés par la FED, soit aujourd’hui environ 800 milliards de dollars. La colonne actif du bilan de la FED s’est donc enrichi de 1000 milliards de dollars et les banques restent présentables.

Étape 2 : Je le place en lieu sûr et rémunéré de surcroît !

Mais que faire d’une telle manne ? Vous, j’en suis certain, auriez immédiatement mis cet argent au service des entreprises et des ménages pour maintenir la vigueur de l’économie. Et bien non ! Ce n’était pas la bonne réponse !

L’argent est retourné dans les banques centrales du Système de la Réserve Fédérale. Tant est si bien que l’excédent de réserves (au delà des réserves obligatoires, qui ne pèsent que 50 à 60 milliards de dollars) est aujourd’hui à un niveau jamais atteint : 1000 milliards de dollars.

Là cet argent est en sécurité et de surcroît il est rémunéré ! Il y en a tellement que pour éviter que cette plaisanterie lui coûte les yeux de la tête, la FED a baissé son taux de rémunération début 2009.

Mais avouez que c’est tout de même extraordinaire : imaginez vous, petit porteur avec une action, au hasard Eurotunnel, qui ne vaut quasiment plus rien. Puis soudainement un chevalier blanc vient vous proposer de vous l’échanger au prix du nominal contre du cash, et de placer votre cash chez lui et de vous le rémunérer. Le bonheur !

Étape 3 : Surtout je ne prête rien à ceux qui en auraient besoin !

Pendant ce temps les boulons de l’accès au crédit ont été resserrés violemment.

Il est vrai que prêter de l’argent n’est pas un métier noble. Mais prêter de l’argent dans un environnement renouant avec un accroissement du risque de défaillance est un métier dégradant !

Vous l’avez donc compris, du moins je l’espère, rien n’a été résolu voire tout est pire. Le système bancaire s’est recroquevillé sur lui-même, fort du soutien indéfectible du gouvernement américain ; le bilan de la FED s’est enrichi en papiers dont tout le monde se demande comment elle fera pour les restituer à leurs propriétaires initiaux et récupérer ainsi une partie des liquidités dont elle a inondé la planète.

C’est le fameux scénario de sortie de crise commenté par certains économistes brillants, mais qui avaient été curieusement muets à une certaine époque sur le scénario d’entrée en crise.

Les grosses entreprises, du moins celles qui affichent une belle santé et qui ne sont pas dans des secteurs trop exposés à la contraction de la consommation, gardent des possiblités de se financer sur les marchés. En revanche les autres et en particuliers les PME-PMI sont directement exposées aux conséquences de la fermeture des robinets du financement.

Reprenez mes commentaires des semaines précédentes, dont ceux où je parle de l’immobilier et de la vague de faillite en cours de formation (prêts Alt-A et ARM, prêts immobilier commercial etc ...). Ajoutez-y les éléments ci-dessus. Regardez les indices américains (retracement, volume, participation etc ...), les indices chinois, les différentes matières premières, l’euro, l’or etc ...

Comme au théâtre tous les acteurs se mettent en place pour un évènement important et unique. J’ai bien peur que cet évènement important ne dépasse les pronostics les plus audacieux.

Une seule consolation : le prix de la dinde s’effondre avant Thanksgiving ! - 33 % chez WalMart !

Mais avec la tournure que prennent les évènements, le contribuable américain pourrait devenir prochainement le dindon de la farce ! Malheureusement pour nous, nous sommes dans le même poulailler !

http://www.pro-at.com/analyse-bourse/technique-Le-livre-des-records-1-9468.html