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Sarkozy est contraint de réfréner sa fringale de sondages

Publie le vendredi 27 novembre 2009 par Open-Publishing
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de Sylvain Besson

La curiosité des parlementaires oblige l’Elysée à détailler ses méthodes de surveillance de l’opinion

Nicolas Sarkozy l’a échappé belle. Son parti, l’UMP, a fait échouer jeudi la création d’une commission d’enquête parlementaire sur les sondages de l’Elysée. L’opposition socialiste accuse le président d’avoir financé « une véritable machine à fabriquer l’opinion », en payant des enquêtes sur son image qui étaient reprises par des médias amis.

La constitution d’une commission d’enquête a été rejetée sous prétexte qu’elle « viserait uniquement le domaine du chef de l’Etat » – une atteinte à la séparation des pouvoirs – et que « la responsabilité politique du chef de l’Etat […] s’exerce devant le peuple et en aucun cas devant l’Assemblée », a déclaré le président de l’Assemblée nationale, Bernard Accoyer.

Mais le 13 octobre, face aux questions des députés, l’Elysée avait admis un « manque de transparence » dans ses commandes de sondages. Nicolas Sarkozy a aussi dû modérer son appétit en la matière. Entre 2008 et 2009, le budget de la présidence consacré aux enquêtes d’opinion est passé de 3,28 millions d’euros (environ 5 millions de francs suisses) à 1,99 million. Il devrait encore baisser l’an prochain. En 2005, sous Jacques Chirac, la somme était d’à peine 300 000 euros.

« Valeur interprétative »

Surtout, l’Elysée a divulgué les factures de tous les sondages commandés depuis 2007, dont 12 « politoscopes », 68 « baromètres des déplacements et des initiatives du président » et 18 « baromètres de la confiance et de l’actualité » – sans oublier, en février 2008, une enquête sur les « déçus de Nicolas Sarkozy ».

Ces sondages étaient commandés par l’entremise de Patrick Buisson, un conseiller qui se dit chargé de « faire vivre et prospérer le lien direct que Nicolas Sarkozy a établi avec les Français ». En 2008, sur la base d’un contrat sans appel d’offres ni mise en concurrence, son cabinet a empoché près de 1,5 million d’euros pour analyser les paroles de sondés et effectuer des « tris à forte valeur interprétative ».

Certains élus trouvent la facture un peu salée : « Les professionnels nous disent que [ce type de service] coûte moins cher que ça », explique René Dosière, député apparenté socialiste et spécialiste des finances élyséennes. Aujourd’hui, la présidence a réduit l’activité de Patrick Buisson à un simple contrat de consultant.

Transparence

Ce n’est pas la seule bizarrerie exhumée par les parlementaires. Passe encore que l’Elysée ait commandé des sondages sans rapport direct avec Nicolas Sarkozy – sur la visite du pape, ou sur « l’observation d’une minute de silence dans les établissements scolaires en hommage au dernier poilu ». Plus suspect est le fait que des enquêtes sur la situation politique en région parisienne, ou sur les élections européennes, aient été payées par l’Elysée, alors qu’elles concernent davantage le parti du président, soumis à des règles de financement beaucoup plus strictes.

Ironiquement, cette affaire a aussi valu des félicitations à Nicolas Sarkozy. La Cour des comptes a estimé que c’était la première fois, depuis Louis XVI, qu’un chef de l’Etat français soumettait ses finances à un contrôle aussi serré. Même le critique René Dosière a salué les « efforts indéniables de la présidence de la République en matière de transparence ». Mais concernant les sondages, le député reste sur sa faim : « Si l’Elysée refuse la commission d’enquête, estime-t-il, c’est qu’il y a quelque chose à cacher. »

http://www.letemps.ch/Page/Uuid/8a6cdeb4-dad3-11de-8f4b-41319c79a4e7/Sarkozy_est_contraint_de_réfréner_sa_fringale_de_sondages

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