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Une identité "de comptoir" assumée

Publie le samedi 5 décembre 2009 par Open-Publishing
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libre belgique

Une identité "de comptoir" assumée
Bernard Delattre

Mis en ligne le 05/12/2009

Le débat virulent en cours sur l’identité nationale a beau libérer la parole raciste, il sera poursuivi, dit Fillon. Qui dément mordicus toute stratégie électorale.
Correspondant permanent à Paris

C’est un débat complexe, c’est un débat passionnant, ça doit être un débat permanent." François Fillon a confirmé vendredi que le débat virulent sur l’identité nationale, qui agite le pays depuis qu’il a été lancé début novembre par le ministre de l’Immigration Eric Besson (ex-PS), ne sera ni interrompu, ni mis en sourdine, ni ne verra son cours modifié. La droite assumera ce débat jusqu’au bout, et quoi qu’il en coûte. Il s’est focalisé sur l’immigration ? Ce qui n’est pas sans risque pour la cohésion d’un pays hébergeant la plus grande communauté musulmane d’Europe et pas rarement traversé par des courants d’islamophobie ? "Le danger, c’est justement de ne pas débattre", a jugé François Fillon.

Le débat a libéré une certaine parole raciste, ainsi que les arguments à l’emporte-pièce ? "Je me réjouis qu’il y ait des réflexions de comptoir, ça fait partie de l’identité nationale" a osé Eric Besson. "S’il y a des risques de dérapages, c’est qu’il y a un problème" de fond , a complété le conseiller spécial présidentiel Henri Guaino.

Refuser ce débat identitaire , "c’est laisser le champ libre aux extrémistes", selon le ministre de l’Immigration. Pour qui la droite n’aurait "jamais dû abandonner au FN un certain nombre de valeurs comme le patriotisme". On est là dans le droit fil de la campagne élyséenne de Nicolas Sarkozy en 2007, qui avait notamment abouti à l’inédite création d’un ministère de l’Immigration et de l’Identité nationale.

Assez logiquement, la droite a donc fait une lecture purement identitaire de plusieurs événements récents d’actualité : la controverse sur le port de la burqa, la liesse de jeunes Français issus de l’immigration après la qualification de l’Algérie à la coupe du monde de football, ou la votation suisse sur les minarets. Les dimensions identitaires autres que migratoire ou religieuse s’en trouvent éclipsées. Cela cadre peu avec l’humeur générale. Selon les sondages, les Français, s’ils trouvent ce débat identitaire intéressant, ne se font pas de souci particulier pour l’identité de leur pays et lient moins celle-ci à l’immigration ou à la religion qu’aux droits de l’homme ou à la langue. La gauche, elle, fulmine. Pour le PS, Nicolas Sarkozy fait "honte à la France" avec cette "vision ethnique et particulariste", qui enferme l’identité "dans des critères d’appartenance et donc d’exclusion". Le débat ne viserait en fait qu’à racoler l’électorat d’extrême droite en prévision du prochain scrutin régional - ce que croient aussi 72 % des sondés.

Dernièrement, des ténors de la majorité ont plaisanté de manière douteuse sur des Français d’origine étrangère. Un élu UMP local a violemment critiqué les immigrés, tirade qu’un porte-parole du parti sarkozyste a semblé excuser en la jugeant représentative d’une "inquiétude" populaire. Des milliers de contributions haineuses et racistes d’internautes ont dû être expurgées du site web gouvernemental consacré au débat national. "Risques de dérapage dans le débat sur l’identité", s’inquiétait en "Une" le quotidien chrétien "La Croix", vendredi. Le climat actuel à l’égard des étrangers devient "détestable", avait déjà éditorialisé "Le Monde". Pour qui, "tout se passe comme si l’affaiblissement de l’extrême droite avait levé les tabous et redonnait libre cours à un vieux fond, refoulé, plus nationaliste que national, facilement xénophobe".

François Fillon, vendredi, a donc rejeté ces critiques, et y compris les réserves émises sur ce débat, ou en tout cas sur la tournure qu’il a prise, par ses prédécesseurs Juppé, Villepin ou Raffarin. Pour l’hôte de Matignon, "le débat sur l’identité nationale n’est pas de circonstance" électorale. Et "ceux qui discernent dans ce débat des relents xénophobes font un contresens". CQFD.

http://www.lalibre.be/actu/international/article/547370/une-identite-de-comptoir-assumee.html

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