Accueil > Le discours de l’Ambassadeur Comorien à l’AG des NU : un « coup » (...)

Le discours de l’Ambassadeur Comorien à l’AG des NU : un « coup » diplomatique suspect ?

Publie le jeudi 10 décembre 2009 par Open-Publishing

Par le discours de l’Ambassadeur des Comores aux NU, publié par le journal Alwatwane (voir les références ci-dessous), nous apprenons que son Excellence a demandé l’introduction de « la question de l’île comorienne de Mayotte à l’ordre du jour de la 64ème session de l’AG des Nations Unies ». Les Comoriens doivent se réjouir qu’un officiel comorien accomplisse un acte en conformité avec sa mission qui est, en l’occurrence, de défendre les intérêts des Comoriens devant les instances internationales.

Après une lecture attentive, nous voulons présenter une analyse critique des termes dudit discours, cherchant à lire derrière les mots eu égard aux enjeux relevant de notre souveraineté. Nous analysons donc ce discours point par point, afin de bâtir progressivement notre synthèse. Espérant que cette analyse puisse nous aider à élucider nos interrogations sur l’origine exacte de des propositions présentées aux instances internationales à travers ce discours.

Le point 1 introduit « la tragique question de Mayotte ». Surprenante formulation, pour parler de l’introduction de « la question de l’île comorienne de Mayotte à l’ordre du jour des débats de l’AG … ». Mais qui évoque à juste titre les conséquences tragiques de l’occupation de Mayotte par la France (le 29 octobre nous apprenions encore des dizaines de morts comoriens au large de Mayotte parmi les milliers de victimes de l’entrave à la libre circulation dans l’ensemble comorien) !
Lorsqu’au point 3 l’Ambassadeur commence par « Je ne serai pas long », il a l’air de se censurer après avoir évoqué le tragique de la situation ! Et il poursuit par cette affirmation : « vous êtes tous au courant des différentes résolutions prises dans cette enceinte [] ». La précision que nous apportons ici, car l’Ambassadeur semble ne pas y accéder facilement, c’est que ces résolutions sont prises contre la France ! Précision de taille. Ensuite, tous sont peut être au courant, du rôle exact joué par la France dans cette région des Comores mais le sont – ils tous au même niveau ? S’ils ne savent pas les manœuvres de déstabilisation jouées par la France contre le développement des Comores, alors pourquoi le représentant de la diplomatie comorienne n’en dit pas un mot devant ses pairs de l’International ?

Au point 4 l’Ambassadeur nous précise que « Des accords signés entre la France et les Comores en juin 1973 disposaient que les résultats du référendum d’autodétermination seraient comptabilisés globalement et non pas île par île ». Autre précision omise, mais qu’il est simple de réparer, c’est que le décompte global des voix à ce référendum de 1973 est une exigence du Droit international : il ne pouvait donc être question de signer éventuellement d’autres formulations de ce Droit. Mais le plus renversant c’est quand l’Ambassadeur poursuit avec ces autres bizarreries langagières en déclarant : « la population, je dis bien la population comorienne au singulier, car la France ne serait pas d’accord qu’on parle de population bretonne [] ». Nous restons interloqués de voir un Ambassadeur aux Nations Unies se livrer à un tel glissement sémantique. Car par cette substitution du concept de Peuple (Le Peuple qui a le droit de disposer de lui-même) à celui de Population, l’Ambassadeur fait le jeu de la France colonisatrice qui n’a de cesse d’user de ce vocable de population pour séparer … les Peuples. En la matière, la France aurait –elle besoin de relais stratégique pour imposer au reste du monde sa conception du Droit, son Droit constitutionnel national ? L’évocation de « population bretonne » dans cette enceinte onusienne sonne faux puisqu’il n’est nul rapprochement à faire entre une situation régionale française et une situation coloniale, une affaire d’intégrité territoriale au regard du Droit international. Aucune comparaison n’est donc envisageable, il y a un seul verdict à accepter, c’est celui d’un Peuple ayant accédé à son indépendance conformément aux coutumes internationales. Pour nous, c’est la seule approche cohérente de la part d’un Ambassadeur aux Nations Unies.

Nous pouvons acclamer l’Ambassadeur lorsqu’il déclare au Point 6 « En réponse au référendum organisé par la France à Mayotte en octobre 1976, les Nations Unies, toujours elles, ont adopté légitimement la résolution A/31/4 condamnant ce référendum et toute autre consultation future organisée sur cette Ile par la France ». Mais là encore, nous nous interrogeons : pourquoi la demande formelle n’est – elle pas faite aux Nations Unies, ici et maintenant, d’exprimer la même condamnation pour le référendum illégal organisé par la France à Mayotte ce 29 mars 2009 ?

Dans le même style intriguant, nous apprenons au point 8 : « La France a demandé à la fois des négociations bilatérales avec les Comores, mais aussi la non-introduction de la question de l’Ile Comorienne de Mayotte dans l’ordre du jour définitif de l’Assemblée Générale, chose, qu’en signe de bonne volonté et de sincère esprit de négociation, mon pays a accepté. » La révélation est de taille : c’est la France qui a demandé les « négociations bilatérales » et surtout « la non-introduction » de la question de Mayotte … à l’ordre du jour de l’AG ! Mais qu’en est – il alors de la partie comorienne ?

Plusieurs questions peuvent s’enchaîner en décryptant le traitement de cette question par la diplomatie comorienne : quels sont donc les termes des négociations qui auraient conditionné le bilatérisme ? Qu’est – ce que l’état comorien aurait mis dans la balance en négociant avec le colonisateur : éviter l’acte d’ancrage de Mayotte dans la Constitution française ? L’arrêt des milliers de morts au large de Mayotte – conséquences du « visa Balladur – Pasqua » (visa instauré contre la libre circulation des Comoriens dans les îles Comores) ? Ou le niveau de coopération quémandé par le chef de l’état Ahmed Abdallah Sambi, dans sa proposition de gérer Mayotte avec le mécanisme « un état 2 administrations » (déclaration du 27 septembre dernier, rappelé dans le point 12 de ce discours ) ?

Le Peuple comorien a le droit de savoir les termes de toutes formes de négociations menées entre son pays et l’occupant français. Il doit tout savoir, compte tenu de l’imposture de la départementalisation de Mayotte par la France, et de l’impasse tragique dans laquelle est reléguée la situation de Mayotte et des Maorais !
Le point 10 se poursuit dans le même acabit : « Malgré la bonne volonté [montrée, ndrl] par les autorités comoriennes successives depuis notre indépendance, pour engager de sincères, profondes et fructueuses négociations [sur QUOI ? ndrl] avec la France pouvant aboutir à une solution juste et équitable [autre que l’indépendance totale ? ndrl] sur la question de l’Ile Comorienne de Mayotte, la France a décidé de franchir un pas irréversible ». Non, Monsieur l’Ambassadeur : le faux pas français n’a rien d’irréversible ni au regard au droit international, ni même en droit constitutionnel français !

Le point 12 nous semble central dans ce discours, où l’Ambassadeur déclare : « cette année, mon pays, afin de trouver une issue juste à ce conflit qui n’a que trop duré, a dû faire des concessions déchirantes en proposant devant vous tous, lors du débat général, le concept d’ « un Pays, deux systèmes ». Toujours ce discours truffé d’omissions et qui suscite les mêmes types de questionnements : ces concessions (suite à des négociations ?) sont demandées au nom de QUOI ? Contre QUOI ? Différentes de ce que la que la France n’a déjà obtenu des Comoriens ? Et deux systèmes pour quelle période ? Et puis la France, potentiellement méprisante (comme dit au point 13) est –elle vraiment sourde à un appel comorien ? Ou plutôt muette (aujourd’hui nous n’enregistrons aucune réaction de la part de la diplomatie française, à l’annonce des concessions du Président comorien) ? Ou est – ce tout simplement le résultat d’une négociation entre la France et les dirigeants comoriens ?

Ces impressions s’illustrent également dans le point 16 où il est question de « rupture unilatérale par la France, du pacte tacite entre nos deux pays ». C’est lâché : pacte, tacite. Mais pourquoi alors n’avoir organisé aucun débat avec le peuple comorien, s’agissant de pacte touchant à son intégrité territoriale ?

Les points suivants (13 à 17) ne nous étonnent plus. Ici c’est un discours consistant à encenser « l’immense France » à laquelle sont attribuées « des valeurs qui lui étaient naturelles telles que la liberté ou l’intégrité territoriale d’un pays [STOP, ndrl] », mais qui serait pourtant « réduite à écraser les petits ». Ceci peut – il avoir d’autre fin que de nous préparer à « accepter le fait du chef », à nous précipiter dans la dérive de la vraie fausse négociation conduisant au mécanisme de « un état, 2 administrations » cher au président Sambi et à ses conseillers occultes ?

Encore une fois, nous pouvions nous réjouir de cette demande d’impliquer les instances onusiennes dans le règlement de ce contentieux sur l’occupation de l’île comorienne de Mayotte par la France, si nous avions la confirmation de l’inscription de la question de Mayotte à l’ordre du jour de cette 64ème AG. Mais nous voulons aussi montrer que par ce discours, en contournant les usages de la diplomatie internationale, la diplomatie comorienne vise à faire accepter par la communauté internationale l’occupation et l’administration de l’île comorienne de Mayotte. Et surtout, nous attirons l’attention de tous sur les pièges que peut nous réserver, comme par le passé, le régime du président Sambi. Pièges construits ou subis, mais qui sont camouflés derrière la fameuse invocation de « un état deux administrations » dont nous percevons déjà que cela vise ni plus ni moins qu’à légitimer la recolonisation des Comores à la suite de l’ancrage d’une partie de son territoire dans le cadre de la Constitution française. En tout cas cela semble un artifice commode pour donner une porte de sortie à la France qui s’est mise dans le guêpier de la départementalisation forcée de Mayotte.

Nous concluons cette analyse en rappelant aux diplomates comoriens actuels et à venir quelques repères incontournables :

• L’indépendance des Comores n’est ni négociable ni cessible ; la question ne doit se traiter que dans le cadre de la justice internationale, le Droit International devant être respecté.

• « L’offre comorienne » de l’administration de Mayotte par la France ne peut avoir pour conséquence que la pérennisation de la déstabilisation des autres îles : la France coloniale à toujours pour objectif d’occuper les régions ultramarines au nom de ses seuls intérêts. Comme précisé lors de la conférence de presse de la Diaspora comorienne , contre le référendum du 29 mars : la France continuera de déstabiliser les Comores afin de montrer combien les Maorais sont « plus riches ». Rien n’autorise aujourd’hui de penser le contraire !

• La France doit aider au développement de l’ensemble comorien, en payant sa dette coloniale, qui s’évalue, à minima à plus de sept milles victimes du visa Balladur-Pasqua mais aussi à l’occupation illégale de terres comoriennes et à quelques assassinats de présidents et d’autres leaders politiques comoriens.

Pour le Collectif des Comoriens de la Diaspora
Contact : caac.comores@gmail.com
Paris, 07/12/2009


Sources :
http://www.alwatwan.net/pdf/26112009.pdf (Journal officiel des Comores).

 http://www.un.int/wcm/webdav/site/c...

2 Source :
 http://www.malango-actualite.com/ar...

3 Conférence de presse du 23 mars 2009 : L’Huma :
 http://www.humanite.fr/2009-03-24_P...

JDD :
 http://www.lejdd.fr/Politique/Actua...