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L’ombre de Mohamed VI est allongée

Publie le dimanche 13 décembre 2009 par Open-Publishing

Depuis que le conflit s’est enclenché autour d’Aminatou Haidar, le Maroc a redoublé d’efforts pour que ses moyens contigus et les organisations qui subsistent à l’étranger sous le parapluie de Rabat serrent les files autour de son attitude et disqualifient l’activiste saharaui.

NUEVATRIBUNA.ES / AGENCES - 11.12.2009

Le cas le plus scandaleux s’est produit il y a quelques jours lorsque la presse marocaine a condamné dans ses éditions du samedi 5 le comportement d’Aminatou Haidar, en la tachant d’"apatride" et "mercenaire" au service de l’Algérie, le pays que le Maroc a décidé de responsabiliser de son rôle dans cette crise qu’il qualifie d’"artificielle". Le magazine Maroc Hebdo International remettait une réunion tenue entre des responsables du Ministère des Affaires étrangères marocain et des secrétaires généraux et dirigeants des partis politiques du pays alaouite, dans laquelle "son a expliquée clairement encore une fois la proposition du Maroc sur la question du Sáhara, en général, et le cas de Mme Haidar, en particulier". Et il poursuivait : "On a rappelé le rôle de l’Algérie dans ce conflit artificiel et il on a démythifié le faux statut social d’activiste de Droits de l’homme que Haidar s’est autoaccordé".

Plus récemment, mercredi dernier, la presse marocaine arrivait au point de douter qu’Aminatou Haidar "observe réellement une grève de la faim" et il affirmait que l’objectif de l’activiste sahraouie, qu’il qualifiait de "marionnette de l’Algérie et du Polisario" est de tisonner les tensions dans la région et de compliquer les "efforts" de la communauté internationale pour résoudre le conflit du Sáhara Occidental, auquel encore une fois il appliquait le qualificatif d’"artificiel".

À ce vacarme médiatique s’est jointe, vendredi, l’organisation marocaine qui a lavplus grande implantation en Espagne, l’Association de Travailleurs Marocains en Espagne (ATIME) qui a considéré que la position de l’activiste sahraouie est "un chantage en toute règle aux deux États avec la prétention unique de marquer une position politique évidemment manipulée par des troisièmes".

Kamal Rahmouni, président de l’organisation que, il faut le dire, donne l’impression d’évoluer d’une organisation d’immigrants à un haut-parleur à l’étranger des thèses offiecielles marocaines, a affirmé à l’agence Europa Press que Haidar "va vers la condition d’apatride" parce qu’elle "nie la nationalité marocaine et l’Espagnole qu’on lui a offert et le statut de réfugiée". "Elle devrait demander le Statut d’Apatride, parce qu’avec ce statut social tu disposes de la protection de l’ONU, tu peux voyager et faire ta vie avec normalité sans nécessité de soutenir les gouvernements", a remarqué Rahmouni, pour qui l’activiste "ne devrait pas abuser de la générosité de l’opinion publique espagnole".

Ce que le haut responsable d’ATIME n’a pas dit est que si Aminatou Haidar acceptait le Statut d’Apatride, elle ne pourra probablement pas revenir à El Aaiún puisque, bien que la condition d’apatride a été reconnue pour les Nations Unies dans la Convention de 1954 que l’Espagne a ratifiée en 1997, le Maroc ne l’a pas souscrite. Rahmouni, en ignorant l’accumulation de dénonciations sur les violations de droits de l’homme dans son pays, a fait un récit presque idyllique des conditions de vie pour un adversaire à la ligne officielle à l’intérieur de ses frontières : "Haidar a pu jouir de tous ses droits d’opinion et de lutte pacifique par ses idéaux et a reçu il y a trois ou quatre ans une indemnisation de 48.000 euros de l’Instance d’Équité et de Réconciliation, une entité créée pour dédommager les victimes de la répression pendant les "années de plomb" du royaume alaouite.
En ce qui concerne la position de l’Espagne, Rahmouni a été très critique avec ceux qui accusent le Gouvernement de ne pas exercer suffisamment de pression sur le Maroc : "Les choses ne sont pas ainsi, les États sont souverains et les politiques sont définies par les gouvernements, quelque soit le nombre de personnes qui ont des revendications. Ici, il s’agit de mettre en échec deux États et cela ne peut pas se défendre".

LE CLIMAT DE LIBERTE QUI ENCOURAGE AMINATOU

Ce qu’ATIME ignore c’est que la liberté d’expression est poursuivie au Maroc avec une fureur particulière. Il suffit de rappeler que depuis le début de 2009, les journalistes marocains vivent de difficiles moments marqués par une série de procès judiciaires avec amendes et des sentences de prison dans tout le pays. Les communiqués du Syndicat National de la Presse Marocaine SNPM signalent que quelques condamnations ont été basées sur "quelques articles du Code de la Presse qui prévoit des peines de prison par des délits d’opinion". Entre les cas présentés à la Justice durant ce 2009, se trouve la rétention des numéros 384 et 385 du 1 août au 4 septembre et 212 et 213 du 1 août au 3 septembre des magazines Telquel (en français) et Nichan (en Arabe). Telquel et Nichan ont publié, avec le journal français Le Monde, une série d’articles en forme des sondages élaborés par une entreprise étrangère et dédiés à l’opinion des Marocains sur les dix ans de Mohamed VI, commémorés le 30 juilller dernier.

La Fédération Marocaine d’Éditeurs de Journaux a exprimé son inquiétude et préoccupation sur la situation de la presse écrite au Maroc après les "sentences dangereuses" émises par les tribunaux contre quatre journaux en seulement une semaine. Le long de cette année, il y a eu un cas remarquable, spécialement à l’étranger, celui-là du reporter graphique, Raphaël Marchante, de l’agence Reuters. Le Syndicat National de la Presse Marocaine a sollicité les autorités marocaines ’ils révisent leur décision de ne pas renouveler l’autorisation professionnelle au photographe espagnol, après que le Ministère de Communication marocain annonçait le 20 mars passé avoir refusé le renouvellement de son autorisation d’exercer son travail professionnel pour avoir agi "comme un adversaire politique sous la couverture du privilège journalistique". Finalement, après pression et négociation, spécialement, de Reuters, le Gouvernement a accordé le renouvellement du permis de travail.

Cet état de choses peut peut-être expliquer que beaucoup de médias choisissent de s’aligner avec les thèses du Gouvernement marocain et de la monarchie mais cela ne justifie absolument pas que l’on se vante de la "liberté présumée d’opinion" que selon la presse officielliste et l’organisation qui opère en Espagne existerait dans le pays alaouite.

Traduction : Diaspora Saharaui