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Lorsque l’Espagne pécha au Sahara

Publie le mardi 15 décembre 2009 par Open-Publishing
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Conflit hispano-marocain

Lorsque l’Espagne pécha au Sahara

Le franquisme a laissé en héritage à la démocratie un conflit non encore résolu.

TOMÁS BÁRBULO - Madrid - 13/12/2009

Il n’est pas sûre qu’Aminatou Haidar réussira son objectif de retourner à El Aaiun, mais il est évident qu’elle a réussi à mettre au premier plan de l’actualité le conflit du Sahara Occidental. Il s’agit d’un problème inconfortable pour l’Espagne depuis que, en 1975, le dernier gouvernement de Franco décida d’abdiquer de ses compromis dans le territoire et l’abandonner dans les mains du Maroc et de la Mauritanie. Aujourd’hui, le Sahara occidental est, selon les Nations Unies, le dernier territoire africain à décoloniser. Et l’Etat espagnol y garde des responsabilités légales claires.

La relation de l’Espagne remonte à 1884. Cette année-là, Antonio Canovas envoya une expédition qui fonda le premier établissement espagnol à Villa Cisneros (Actuelle Dakhla). Le territoire était habité par des tribus nomades dont les caravanes parcouraient le désert en quête de pâturage pour ses animaux ou pour commercialiser le sel qu’ils obtenaient des gisements d’Iyil (aujourd’hui en Mauritanie). Les militaires qui dans les décennies suivantes furent destinés dans ce morceau du désert ont encouragé un processus de sédentarisation. En 1934, ils fondirent la villa d’El Aaiun.
Le territoire a profité d’une paix relative jusqu’à ce que le Maroc obtienne son indépendance. En 1957, des bandes armées inspirées par le prince héritier de l’époque, Moulay Hassan, qui plus tard régnera sous le nom de Hassan II, attaquèrent les fortifications espagnoles. La France a vu en ces guerriers un danger pour sa colonie de Mauritanie et décida d’aider Franco à les exterminer. C’était la première tentative de Rabat de s’approprier du Sahara.

La deuxième, et, pour l’instant, définitive, tentative se produisa le 6 novembre 1975. Hassan II lança 350.000 civils marocains sur la frontière nord du territoire. C’était la Marche Verte. Franco agonisait et son gouvernement, présidé par Carlos Arias Navarro, n’a pas su comment affronter le double défi lancé par le monarque marocain et les indépendantistes sahraouis du Front Polisario qui, depuis deux ans, fustigeaient les troupes espagnoles. Arias signa avec le Maroc et la Mauritanie ce qu’on a appelé les Accords de Madrid, par lesquels l’Espagne abandonna le territoire et le laissa dans les mains de ces deux pays. Le 28 février 1976 le dernier drapeau espagnol fut retiré.

L’occupation a eu lieu dans le sang et le feu. Des centaines de civils sahraouis furent massacrés avec des bombes de napalm et de phosphore lorsqu’ils fuyaient vers l’Algérie. Le Polisario s’est établi à Tindouf, dans le sud de cette dernière et, pendant 16 ans, combatta les envahisseurs. En 1979, il réussit à récupérer la partie occupée par la Mauritanie, mais le Maroc l’envahissa immédiatement. Sous les auspices des nations Unies, les deux belligérants signèrent un cessez-le-feu en 1991.

L’engagement réalisé avec l’ONU était de célébrer un référendum d’autodétermination. Dans ce but, les Nations ont installé dans le territoire une force de paix : la MINURSO (Mission des Nations Unies pour le Référendum au Sahara Occidental). Depuis le début, le Maroc torpillait toutes les tentatives pour amener à bien la consultation. Pour cela, il a compté sur le soutien inconditionnel de la France et le consentement des Etats-Unis. Tous les envoyés spéciaux du Secrétaire Général de l’ONU se sont cognés contre l’attitude inamovible du Rabat. Aujourd’hui, après 18 ans de présence ininterrompue dans le territoire qui a coûté près de 2 milliards de dollars, la MINURSO n’a pas réussi à célébrer le référendum. Elle n’a même pas obtenu des compétences en matière de droits de l’homme ; elle ne fait que surveiller le maintien du cessez-le-feu.

Les positions sont claires : le Maroc occupe le Sahara Occidental où, avec plus de 150.000 colons marocains, résident à peu près 70.000 personnes d’origine sahraouie. Depuis les camps de réfugiés de Tindouf, où vivent quelques 100.000 sahraouis, le Polisario dirige une campagne diplomatique internationale pour exiger la célébration du référendum.
Le problème du Sahara est probablement le dernier héritage du franquisme non-résolu de la Transition Espagnole. Dans les 34 ans écoulés depuis que l’Espagne abandonna le territoire, les sahraouis n’ont pas cessé d’exiger à l’Espagne d’accomplir ses responsabilités desquelles abdiqua en 1975. Ses demandes sont justifiées, puisque l’ONU considère les Accords de Madrid illégaux. Le département juridique de l’organisation conclura en 2002 que "les Accords de Madrid n’ont pas transféré la souveraineté du Sahara Occidental ni octroyé à aucun des signataires le statut de puissance administratrice, statut que l’Espagne ne peut pas transférer unilatéralement". C’est ainsi jusqu’au point que la responsabilité de sauvetage en eaux sahraouis ne revient pas au Maroc, mais continue à être, d’iure, aux mains de l’Espagne, conformément à ce qui a été établi par l’Organisation Maritime Internationale. Celles-ci sont les bases du conflit du Sahara, qu’Aminatou Haidar a situé au premier plan de l’actualité.

EL PAIS

Traduction : Diaspora Saharaui

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