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Copenhague : « On a assisté à un fiasco complet, c’est désespérant. »

Publie le samedi 19 décembre 2009 par Open-Publishing
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Copenhague : « On a assisté à un fiasco complet, c’est désespérant. »

Ronack Monabay : Tout d’abord, quelle est votre opinion concernant les négociations de la COP15 ?

Georges Monbiot : Pour être honnête, on a assisté à un fiasco complet, c’est absolument désespérant. Voir tous ces pays qui se déchirent les uns les autres plutôt que de s’aider les uns les autres comme cela aurait du être le cas, et qui produisent uniquement des propositions toujours plus faibles chaque jour à mesure que le temps s’écoulait… Certains pays ont une eu une position acceptable, le gouvernement britannique n’a pas été si mauvais que ça, mais l’Union européenne a tout simplement disparu de la surface de la Terre. Au cours des pourparlers de Kyoto en 1997, c’est l’Union européenne qui était la locomotive mais cette fois, ils sont invisibles… Que se passe-t-il ? Le véritable héros des négociations semble être Lumumba Di-Aping, le délégué soudanais qui a vraiment poussé les nations riches à prêter attention à ce que la science recommande. Il est assez ironique que ce soit un représentant d’une des nations les plus pauvres du monde qui dise aux pays riches, qui ont commandé et payé la plupart des scientifiques, ce que dit réellement la science.

Ronack Monabay : Votre vision du processus de la COP a t-elle changé au cours de ces deux semaines ? Étiez-vous plus optimiste au départ ?

Georges Monbiot : Je n’ai jamais débordé d’optimisme à ce sujet, parce que je connaissais bien les contraintes existantes et notamment le fait que tout est suspendu au fait que le Sénat américain n’a pas encore pris de décision et il n’est pas susceptible de prendre une décision qui reflète la gravité de la situation. Tant que le Sénat continuera de chanter tout le reste sera lettre morte. Mais je dois dire que même mes perspectives assez sombres ne rendent pas compte de la pleine mesure de l’inutilité de ces crétins qui sont si loin de produire quelque chose ressemblant à un accord raisonnable.

Ronack Monabay : Pensez-vous donc que le temps est venu pour un renouvellement complet de ce processus politique ?

Georges Monbiot : Oui et l’une des choses qui me frappe c’est le peu de choses qui a changé en 150 ans. Les visages autour de la table sont différents, il y a des gens en provenance de beaucoup plus de pays du monde, que lors des négociations avec les anciennes puissances européennes qui ont pris une carte du monde, tracé des lignes et se sont partagés le monde. Mais il n’y a pas de dialogue avec le peuple en dehors des gouvernements nationaux. Il n’y a aucun processus par lequel le peuple peut apporter ses points de vue dans le processus. Nous devons changer ce modèle, où les gouvernements nationaux qui ont été élus pour des raisons totalement différentes que les négociations qui se déroulent ici et qui assument un mandat pour parler au nom de tous les peuples du monde sans aucune référence ceux-ci. Cela doit changer ! Le processus est corrompu, il est exclusif. Il y a un mur gigantesque entre ceux qui prétendent nous représenter et le peuple, et il n’est guère surprenant que ce processus n’ait rien produit de substantiel jusqu’à présent.

Ronack Monabay : Mais n’est-ce pas difficile pour les gouvernements d’avoir une participation publique notamment quand on sait que beaucoup des politiques qui pourraient être proposées pourraient se révéler très impopulaires ?

Georges Monbiot : C’est certainement l’un des problèmes. Certains gouvernements, et notamment au Royaume Uni, - je ne suis pas un supporter du gouvernement britannique normalement -, devancent les opinions publiques malheureusement. On a envie de croire que ce sont les gens qui poussent les gouvernements, mais dans le cas britannique c’est le gouvernement qui tire les gens. Il dit : « Nous adoptons une position relativement ferme sur le changement climatique – elle ne va pas assez loin mais c’est une assez bonne position- parce que nous croyons que c’est la bonne chose à faire et parce que c’est ce que nos conseillers scientifiques nous conseillent de faire ». Mais nous ne voyons pas une vaste majorité de l’opinion publique qui réclame de bonnes politiques climatiques sous peine de virer les gouvernements à la prochaine élection. Ce n’est tout simplement pas le cas, et c’est une véritable honte, nous devrions voir des centaines de milliers de personnes dans les rues. C’est après tout la réunion la plus importante qui ait jamais eu lieu ou ça aurait du l’être car il s’agit du problème le plus important, probablement le plus grand défi auquel l’humanité n’ait jamais été confrontée… Mais où est passé le peuple ?

Ronack Monabay : Supposons que tout le processus s’effondre ou bien qu’il aboutisse à une déclaration faible. Comment pouvons-nous galvaniser la société civile et « conscientiser » le public pour rassembler nos forces ensemble et se concentrer une nouvelle fois sur la question ? N’y a-t-il pas un risque que les gens oublient tout simplement et qu’ils voient tout ceci comme une perte de temps après ces dernières semaines ?

Georges Monbiot : Eh bien c’est un danger réel ! Une fois l’excitation passée, le tapis rouge remballé, et les couverts rangés alors les gens peuvent oublier et perdre leur élan, et les pourparlers peuvent perdre leur dynamique. Je crois que pour les gens vraiment déterminés à voir des mesures prises sur le changement climatique, nous devons adopter une attitude beaucoup plus conflictuelle. Je souhaite voir une série d’actions directes conflictuelles et non violentes à travers le monde contre la plupart des industries à forte intensité de carbone comme les mines de charbons, contre les entreprises qui exploitent les sables bitumineux, contre les raffineries de pétrole, contre les banques et les investisseurs qui permettent que de telles choses se produisent. Nous avons besoin de voir des gens qui amènent ça dans l’esprit du public et on parvient à cela plus efficacement en faisant des actions qu’en faisant des discours.

Ronack Monabay : Quel type de liens voyez-vous entre les mouvements sociaux et les États-nations ?

Georges Monbiot : Les États-nations doivent faire partie du processus, mais on doit trouver une manière dont la société civile et les citoyens peuvent apporter leurs points de vue aux États-nations et formuler leurs recommandations. C’est pourquoi je pense qu’il faudrait créer un parlement mondial, mais bien sûr, ce n’est pas entre aujourd’hui et la prochaine série de pourparlers que nous allons l’obtenir…

http://copenhague.blogs.liberation.fr/climat/2009/12/apr%C3%A8s-avoir-loup%C3%A9-de-peu-une-interview-avec-le-pr%C3%A9sident-des-maldives-jai-finalement-r%C3%A9ussi-%C3%A0-force-dabn%C3%A9gation.html

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