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Le pire projet d’accord climat de l’histoire

Publie le samedi 19 décembre 2009 par Open-Publishing
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La tension monte de plusieurs degrés à Copenhague

19 décembre 2009 - 09:12

Une conférence qui entraîne des réactions chaudes à l’interne et à l’externe, comme ici dans les rues de Copenhague. (Keystone)

Le projet d’accord climat obtenu à l’arrachée vendredi soir à Copenhague à l’issue du sommet des chefs d’Etat fait des vagues. Si pour la Suisse il est apparu d’abord comme ‘assez équilibré’, les protestations, des pays du Sud en particulier, sont nombreuses et violentes.

Barack Obama a annoncé vendredi soir dans la capitale danoise que les Etats-Unis et trois autres pays (Chine, Inde, Afrique du Sud) avaient effectué « une percée significative et sans précédent » en trouvant un accord destiné à lutter contre le changement climatique, mais il a souligné qu’il faudrait encore beaucoup de travail pour conclure un accord légalement contraignant. « Cela va être très dur, et cela va prendre du temps » pour parvenir à un tel accord, a-t-il souligné.

Barack Obama a constaté néanmoins qu’il y avait « une impasse fondamentale dans les perspectives » entre les grands pays industrialisés comme les Etats-Unis et les pays plus pauvres. Les réactions qui ont suivi le confirment.

Réactions critiques

Plusieurs délégués de pays du Sud ont ainsi vivement protesté tôt samedi matin en ouverture de la séance plénière de la conférence de l’ONU sur le climat contre le projet d’accord présenté vendredi. Ils le jugent « irrespectueux » du processus onusien.

La Bolivie s’est dite « offensée par les méthodes employées », accusant le premier ministre danois Lars Loekke Rasmussen, président de la conférence, d’avoir « fait obstacle à la démocratie et à la transparence ».

Pour Cuba, le président américain Barack Obama s’est conduit « comme un empereur » et a annoncé « un accord qui n’existe pas ».

Le projet d’accord obtenu vendredi soir est « le pire de l’histoire », a estimé le délégué soudanais Lumumba Stanislas Dia-Ping. Le Soudan préside le G77, le « club » des pays en développement. « Pour le moment, il n’y a pas d’accord », a-t-il insisté, juste un projet de déclaration qui doit encore être entériné, soulignant que la Chine ne s’était « pas prononcée officiellement ».

« Si un seul pays dit ’non’, il n’y aura pas d’accord et de nombreux pays ont dit qu’ils refuseraient », a-t-il affirmé. Le Premier ministre danois, hôte du sommet, Lars Loekke Rasmussen, a noté que l’absence de consensus signifiait que le texte ne pourrait pas être adopté.

Les écologistes et Tuvalu outrés

Pascal Husting, directeur de Greenpeace France, a dénoncé un « désastre », et un « recul » par rapport à Kyoto, avec un projet d’accord ayant « la substance d’une brochure touristique ». Il a critiqué l’absence de quelque engagement susceptible de traduire cet accord politique en traité juridiquement contraignant : « Il n’y a plus aucune référence scientifique, pas de vision à long terme, et il n’y a qu’une série
d’annonces de mesures nationales, totalement volontaires et que personne ne contrôlera, et qui ne seront de toutes manières pas à la hauteur des recommandations de la science ».

De son côté, le militant écologiste français Nicolas Hulot a jugé « affligeant » et « consternant » le résultat de la conférence de Copenhague, estimant qu’on avait « manqué une occasion historique » pour l’avenir de la planète et du climat.

En profond désaccord avec le texte, qui fixe un réchauffement maximal à 2 degrés, le délégué de l’archipel de Tuvalu, dans le Pacifique, l’a comparé « à une poignée de petite monnaie pour trahir notre peuple et notre avenir ». Concernées au premier chef, les petites îles militent pour que le réchauffement soit limité à 1,5 degré, sous peine d’être envahies par les flots.

La Suisse en attente

La Suisse n’a pas pris part aux négociations de la dernière heure sur le texte. Pour la délégation helvétique, la nature de l’accord annoncé vendredi soir notamment par les présidents américain Barack Obama et français Nicolas Sarkozy n’est pas encore claire.

« S’il est adopté, cela semble être un accord assez équilibré », a affirmé vendredi soir José Romero, chef suppléant de la délégation, sous réserve de l’examen du texte en plénière. « Il n’a pas de valeur contraignante, mais il va assez loin en terme d’engagements volontaires des Etats de réduction des gaz à effet de serre, et prévoit un programme détaillé pour poursuivre le travail », a-t-il expliqué.

Le conseiller fédéral Moritz Leuenberger réagira officiellement samedi en fin d’après-midi, lors d’une conférence de presse.

L’accord

L’accord confirme l’engagement des pays industrialisés à financer l’aide aux pays pauvres à hauteur de 30 milliards de dollars dans les trois prochaines années ainsi que l’engagement d’un Fonds à long terme à hauteur de 100 milliards de dollars par an.

Toute référence à une réduction de 50% des émissions de gaz à effet de serre d’ici 2050 a cependant été éliminée, ainsi que la création d’un organe de contrôle, exigences refusées par les pays en développement.

Le sommet de Copenhague est censé trouver un accord prenant la suite du Protocole de Kyoto sur la lutte contre le réchauffement climatique, qui expire en 2012.

Les 193 pays participants espéraient parvenir au moins à une déclaration politique, à défaut d’un texte juridiquement contraignant. La conclusion d’un accord légalement contraignant pourrait n’intervenir qu’en décembre 2010, lors d’une nouvelle conférence à Mexico.

swissinfo.ch et les agences

Repères

193 pays et 120 chefs d’Etat dans la dernière ligne droite, ont tenté de s’entendre durant deux semaines à Copenhague sur un accord climatique global succédant ou prolongeant le Protocole de Kyoto.

Un protocle qui court jusqu’à fin 2012 et s’avère être le seul instrument juridiquement contraignant (pour les pays industrialisés) de réduction des émissions de gaz à effet de serre.

La négociation portait aussi sur la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC).

Selon les climatologues, il reste entre 10 et 20 ans au monde pour inverser la tendance à la hausse des émissions de gaz à effet de serre. Sans quoi il deviendrait difficile aux humains de s’adapter à la déstabilisation induite du climat.

L’objectif a Copenhague était de réduire les émissions de gaz à effet de serre de manière à ce que la hausse globale des températures ne dépasse pas 2°C par rapport à l’ère préindustrielle.

Le Giec (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) juge nécessaire une réduction de 25% à 40% des émissions des pays industrialisés d’ici 2020 par rapport aux niveaux de 1990.

Il invite les pays riches à émettre de 80% à 95% de gaz à effet de serre en moins d’ici 2050. Et les pays en développement à réduire leurs émissions de 50%.

Pour sa part, la Suisse prévoit une réduction d’ici 2020 de 20% au moins de ses émissions par rapport à 1990. Elle s’était dite prête à relever l’objectif de réduction à 30%, dans les pas de l’Union européenne, selon l’issue de la conférence de Copenhague.

http://www.swissinfo.ch/fre/index.html?cid=7935406

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