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l’identité nationale ou la recherche de la différence

Publie le jeudi 7 janvier 2010 par Open-Publishing

J’ai entendu il y a peu monsieur Joffrin (sur France-info) émettre l’avis que le débat sur l’identité nationale était une “erreur” politique de la part de l’UMP. Que nenni.

Considérer ce débat comme une erreur stratégique, la voilà l’erreur à ne pas commettre.

En réalité, ce débat est une pierre supplémentaire à l’édifice qui est en train de se construire dans bien des pays : le nationalisme.

Les choses sont ainsi faites que la survenue des crises économiques en fait rechercher toujours les causes. Mais plutôt que de vouloir remettre en question un système que nous ne saurions remplacer que par un pire, les gouvernements préfèrent généralement rejeter ces causes sur ce qu’on nomme communément « un bouc-émissaire ». celui-ci se doit d’être soit étranger, soit minoritaire en nombre ou en force. Car il faut que cela soit celui qu’on connaît mal, ou qui ne peut pas se défendre. Mais ce n’est pas tout. Il faut aussi qu’il soit facilement repérable, que ce soit par l’accent, le vêtement ou la couleur de peau. il lui faut absolument une différence, une caractéristique physique extérieure qui puisse aider, en quelque sorte, à distinguer les « gentils » des « méchants » .

Mais, à l’heure où le métissage et le brassage ethnique rendent l’origine ethnique plus difficilement décelables, où la diversité est imposée, où la discrimination positive est créée, où la mondialisation a permis des échanges avec pratiquement toutes les nations, où internet parcourt le monde en une minute, il devient peu à peu plus difficile de reconnaître « un bon autochtone » d’un « mauvais immigré » : si cela continue, il sera impossible de reconnaître un étranger d’un autochtone, un hétérosexuel d’un homosexuel, ou même un homme d’une femme.

Et ce n’est pas tout. Il faut aussi avoir quelque chose à lui reprocher, un comportement, enfin un signe extérieur qui le différencie des autres. Le fait de stigmatiser une certaine partie de la population par son origine ethnique ne suffit plus aujourd’hui, car s’il est très facile de « repérer » un étranger, il est plus difficile de reconnaître sa descendance. Car les enfants d’immigrés sont enfermés de fait dans un paradoxe : désireux de s’intégrer à la population « autochtone », parlant impeccablement la langue du pays « accueillant », de nationalité souvent double, ils sont aussi attirés par leurs origines étrangères, et ne veulent pas les renier totalement.

Alors, noyés dans une identité nationale aussi complexe, aussi diversifiée, aussi multiple, nos gouvernants n’ont d’autre choix que de trouver d’autre critères que ceux physiques pour distinguer ceux que l’on doit stigmatiser. La religion en est un bon, puisque ceux que l’on appelle « les signes ostentatoires » permettent encore de faire des différences. Car c’est bien de différence dont il s’agit, c’est bien elle que l’on recherche à travers le débat sur l’identité nationale. Celui qui ne vit ni ne pense « comme les autres » est du mauvais côté de la barrière, car il est susceptible de nuire à cette identité. Cette idée de nation qui doit représenter l’harmonie, l’union, l’égalité. partant de ce désir nationaliste, et au nom d’une égalité basée sur la similitude, nos gouvernants voudraient nous faire croire qu’en niant les « différences » nous supprimerons l’injustice (tout cela en jugeant par là-même que les différences sont réellement discriminatoires, puisqu’il faut les faire cesser).

On pourrait être tentés de se laisser berner par le discours ambiant sur la suppression de tous les signes extérieurs marquant nos origines, sociales, culturelles ou ethniques, par le métissage constant de nos populations, et espérer que l’on finisse par ne plus faire de différence entre les uns et les autres. Comme si, une fois les étrangers dehors, les musulmans dehors, les homosexuels ou les contestataires dehors, le pays deviendrait un hâvre de paix et d’harmonie, tous égaux parce que tous semblables.

Mais ne plus faire de différence, ce n’est pas nier les différences. C’est respecter les différences sans porter de jugement sur celles-ci. Et ce n’est pas non plus rejeter le différent qui assume ces différences, c’est l’accepter avec celles-ci.

Et c’est justement cela que revendiquent certaines communautés minoritaires : elles ne désirent pas la négation ou le rejet de leurs différences, mais le droit à l’indifférence. L’indifférence n’est pas le contraire de la différence. Le contraire de la différence c’est la similitude, et le contraire de l’indifférence c’est l’attention.Cela signifie que lorsqu’une minorité réclame l’indifférence, ce n’est pas qu’elle souhaite qu’on nie ses différences, mais plutôt qu’elle ne veut pas que l’on porte un jugement de valeur sur celles-ci.

Mais pour répondre à cette demande d’indifférence, les gouvernements préfèrent se réfugier derrière ce rejet des différences. Justifiant la création de fichiers ethniques, politiques ou religieux par la lutte contre les discriminations, ils se disent contraints de repérer ces différences qu’ils veulent soi-disant faire disparaître. Car ainsi, même lorsqu’il sera difficile de reconnaître l’ascendance ou la religion d’un individu, ou bien la couleur politique d’un individu, l’accès à la base de données constituée officiellement pour lutter contre les discriminations permettra de distinguer les minorités qu’ils veulent stigmatiser.

Cela rendra alors un gouvernement capable de repérer, et de faire porter l’attention sur tous les comportements « différents », sans contredire un seul instant sa politique officielle : l’indifférence par rapport aux différences.

http://calebirri.unblog.fr